dimanche, novembre 12, 2023

Mt 25: les trois dernières paraboles. Les Récits

Récits.

 

Dans un premier temps j’en suis restée à ma première idée, faire raconter par un auditeur. C’est le texte qui suit.

 

Dans un second temps comme je l'avais pensé, j’ai eu envie de laisser parler les personnages des paraboles, seulement eux sont dans l’histoire et ils ne savent pas que cette histoire est prétexte à parler de la fin des temps. Il y a une jeune fille imprévoyante, qui se retrouve à la porte et qui peut trouver que c’est injuste, parce qu’elle ne comprend pas ce qui lui arrive et qu’elle en veut à celle qui ne lui a pas donné d’huile, mais elle ne peut pas comprendre quelle est cette huile. Il y a ce serviteur qui n’a rien compris et qui peut en vouloir à la terre entière de tout avoir perdu, de ne pas avoir reçu l’aide des deux autres (sauf qu’il n’a rien demandé), et qui se fait une fausse idée de son maître, et enfin de ceux qui se retrouvent à gauche), les chèvres ou les boucs suivant les traductions, qui pour un grand nombre ne comprennent pas vraiment ce qu’ils ont fait de mal et qui doivent trouver que ce n’est pas juste. Ils sont des personnages, ils ne sont pas les auditeurs ou les lecteurs. Mais pourquoi ne pas les laisser parler parce que nous ne sommes peut-être pas si prévoyants que cela, même si nous avons des marchands à notre disposition (si toute fois c’est comme cela que nous voyons l’église), nous n’utilisons pas nos capacités pour un tas de raisons,  et nous sommes bien souvent aveugles à voir les difficultés dans lesquels se trouvent les voisins, les autres. Mais pourquoi ne pas essayer ? Ce sera le deuxième partir de ces récits.

 

Un disciple raconte.

 

Nous étions sur le point de quitter le temple, et après (pardonnez l’expression) tout ce que Jésus avait passé aux pharisiens et aux scribes, en les traitant au final d’engeance de vipères, cela valait mieux pour lui, et même pour nous. Et voilà que certains se sont approchés de lui, pour qu’il admire la beauté du Temple. Du coup il s’est arrêté de marcher et il a regardé le temple très longuement. Il faut dire qu’il venait de prophétiser sur Jérusalem et sur le Temple, en annonçant que le Temple serait vide. Le temple vide, pour moi, c’est ce que prophète Ézéchiel avait vu autrefois, quand le Temple a été détruit et que la Gloire avait quitté le lieu, qui était pourtant le lieu bâti pour lui.

 

Et au lieu de s’extasier, il a redit les mêmes choses, que tout serait détruit. Il a continué à parler d’un futur, et cela m’a fait peur. Il a parlé de gens qui parleraient en son nom, mais qui nous égareraient. Il a parlé de guerres, il a parlé de nous avec un futur affreux : être livrés en son nom, être détestés à cause de lui. En même temps, il affirmait que l’évangile du Royaume serait annoncé à toute la terre. Toute la terre ? Vous vous rendez compte ? Puis il a parlé à nouveau de destructions, de choses horribles, et de son retour à lui. Il reviendrait sur les nuées, des anges rassembleraient ses élus des quatre coins du monde, d’une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. Même ça, je ne peux pas l’imaginer ; j’espère bien que je ne verrai pas ça, même s’il a affirmé que cette génération ne passerait pas avant que cela se produise. 

 

Il a affirmé que ses paroles à lui ne passeraient pas; alors que le ciel et la terre passeraient. Et puis, je crois qu’il a voulu nous faire comprendre que cela arriverait à l’improviste et qu’il fallait être prêt. Et il a raconté une petite histoire comme il en a le secret. 

 

Il a parlé du serviteur fidèle et sensé à qui le maître a confié la charge des gens de sa maison, et qui sera trouvé en train d’agir ainsi. Et il a fait la promesse de l’établir sur tous ses biens. Il a parlé ensuite d’un mauvais serviteur, qui s’imagine que le maître ne reviendra pas, et qui se prend pour le maître, mais un maître mauvais et méchant, ce que notre maître n’est pas. Il fait peser comme un joug sur toute la maison. Eh bien celui-là partagera le sort des infidèles. Je ne sais pas trop ce qu’il met derrière ce mot, mais, il vaut mieux être du bon côté si on veut être sauvé. 

 

Je pensais qu’il avait fini, que nous avions compris à peu près, mais il a continué à parler. Nous étions avec lui sur le Mont des Oliviers, et on voyait le Temple, et le mouvement de tous ceux qui entraient et sortaient.

 

Il nous a raconté trois histoires, et ces histoires, au fond je ne les ai pas aimées, elles m’ont fait un peu peur. Je crois qu’il voulait vraiment qu’on comprenne qu’être sauvés ça ne serait pas si évident que cela, qu’il fallait veiller, mais que durant le temps où nous étions sur cette terre, il fallait aussi vivre comme lui, et comme il nous l’avait appris. 

 

La première histoire

 

La première histoire racontait l’histoire de dix jeunes filles qui étaient invitées aux noces du fils du Roi. Il n’a pas dit que c’était le fils du Roi, mais pour moi, ça devait être comme ça. Mais cet homme, il n’est pas venu les chercher. C’est un peu étonnant quand même. Peut-être a-t-il envoyé des gens de sa maison pour leur indiquer le chemin. Il a dit que la moitié d’entre elles étaient des jeunes filles prévoyantes, et que l’autre moitié, elles étaient un peu des fofolles. Alors les prévoyantes, à mon avis, elles ont fait des bagages avec plein de choses, parce qu’on ne sait jamais, et surtout elles ont pris avec leur lampe, une bonne quantité d’huile. Parce que si on doit cheminer la nuit, il faut bien y voir clair pour ne pas tomber, ne pas trébucher ; elles devaient être bien chargées les pauvres. Les autres, elles ont voyagé léger. Elles ont bien pris leur lampe, parce que c’est impossible de faire autrement, mais comme elles ne pensaient pas loin que le bout de leur nez, elles n’ont pas pris d’huile pour recharger la lampe au cas où elle serait près de s’éteindre.

 

Et les voilà parties, toutes les dix. Et ça devait papoter entre elles. Elles ont marché, marché. Elles n’étaient pas encore arrivées au lieu fixé, mais elles ne pouvaient pas aller plus loin. Elles se sont allongées. Elles attendaient peut-être que l’époux se manifeste. Peu à peu elles se sont assoupies puis endormies. Et comme c’est un conte, peut-être que ce sommeil a duré longtemps. Cela je ne le sais pas.

 

Et tout à coup, elles se sont toutes réveillées en sursaut. Elles ont entendu une voix dans la nuit qui disait : voici l’époux, allez à sa rencontre. Bon, moi je trouve que c’est lui qui aurait dû venir les chercher, mais ça doit se passer dans un pays avec des coutumes différentes. Et comme elles devaient se mettre en route, qu’il faisait noir et que les lampes avaient brûlé le temps de leur sommeil, les fofolles se sont rendues compte que leurs lampes étaient en train de s’éteindre. Bien sûr elles ont demandé aux autres, celles qui s’étaient chargées de beaucoup de choses et qui avaient eu un peu mal à marcher, de leur donner de leur huile. Mais elles n’ont pas voulu, parce qu’elles se doutaient que la route serait encore longue et que les lampes de tout le monde allaient s’éteindre. Elles ont conseillé aux fofolles d’aller chez les marchands. Et les voilà parties, les unes vers les marchands les autres vers l’époux. Ces dernières ont été invitées à entrer dans la grande salle, et la porte a été fermée. Je peux imaginer leur joie. 

 

Et là, on arrive à la fin de l’histoire qui est triste. Parce que les jeunes filles imprévoyantes, elles ont bien trouvé de l’huile, mais quand elles sont arrivées au palais, la porte était fermée. Elles ont frappé à la porte, en demandant à entrer. Et là, le fils du Roi est sorti, il a dit qu’il ne les connaissait pas, et il fermé la porte. Elles sont restées dehors avec leur lampe, avec leur huile qui ne servait plus à rien. Je ne peux qu’imaginer leur tristesse. J’étais triste pour elles. Et Jésus a conclu en nous disant à nous les disciples de veiller, parce que nous ne savions ni le jour ni l’heure. Je me suis dit qu’il résumait un peu les choses, mais je n’ai pas trop eu le temps de penser, parce qu’il a raconté une autre histoire. Simplement je me dis que les paroles que le Maître a dites, il faut qu’elles soient dans mon cœur, un peu comme une lampe, que je me nourrisse d’elles, que je pense à faire ce qu’il demande de faire, un jour après l’autre, sans jamais le perdre de vue. 

 

La deuxième histoire

 

L’autre histoire c’est encore une histoire qui m’inquiète. Il s’agit là d’un homme, un homme à mon avis très riche, qui va partir au loin, en voyage. Et avant de partir, il décide de donner tous ses biens à trois de ses serviteurs. Et il donne vraiment, il leur fait totalement confiance. Ce sont des sommes énormes qu’il leur confie, cinq talents au premier, deux pour le deuxième et un pour le troisième. Et il fait cela en fonction des capacités de ses serviteurs;  cela veut dire qu’il les connaît bien, qu’il leur fait confiance, et qu’il part content, en toute sécurité. 

 

Pour deux des serviteurs, cela fonctionne bien. Ils doublent la mise, l’un comme l’autre. Et du coup, je pense qu’il peut se créer entre eux, comme une sorte de fraternité, ils ont doublé tous les deux, ils ont créé tous les deux, ils ont réussi tous les deux. Je pense aussi qu’il a dû leur en falloir du temps, qu’ils ont peut-être eu des mauvais placements, des déconvenues, mais ils ont réussi. Ils devaient être très fiers d’eux. 

 

Par contre pour le troisième, ça n’a pas marché du tout. Est-ce qu’il a eu peur de ne pas faire quelque chose de bien ? Est-ce qu’il a eu peur de faire de mauvais placements et que le maitre à son retour le fasse jeter en prison ? Ce que Jésus nous dit c’est que cette somme, le serviteur va l’enterrer dans un champ. Vous vous rendez compte ? Mettre dans la terre un pareil trésor ? Et l’argent dort; il peut même être trouvé par un autre. Mais lui s’estime tranquille. 

 

Le temps passe, et un jour le maître revient. Il demande aux trois ce qu’ils ont fait durant son absence, ce qui est advenu de ce qu’il leur avait donné. Alors les deux premiers, l’un comme l’autre, lui montrent ce qu’ils ont gagné. Ils ne rendent pas les cinq talents ou les deux talents au maître, parce que cela leur avait été donné. Et le maître est très heureux, il les félicite et les invite à partager sa joie. C’est un peu comme s’ils quittaient leur fonction de serviteur, pour devenir des maîtres avec leur maître, demeurer avec lui, vivre avec lui, se réjouir avec lui. 

 

Mais pour le troisième, les choses ne vont pas dans le bon sens. Lui, dès qu’il apprend que le maître est revenu, il va sortir l’argent qui dormait dans la terre, et il le prend avec lui, ce que les autres n’avaient pas fait. Il dit au maître qu’il lui rend son argent, et aussi lui explique que, comme pour lui ce maître est un homme dur, qui moissonne là où il n’a pas semé, qui ramasse là où il n’a pas répandu le grain, il a eu peur de ses réactions; et que l’argent, il l’a mis dans la terre, et qu’il le lui rend. 

 

Inutile de dire que cela n’a pas plus du tout au maître qui a été très déçu, parce que ce serviteur aurait pu, aurait dû faire confiance ; on peut même se demander qui lui a mis dans la tête de telles idées. C’est un peu comme si cet énorme cadeau, cette marque de confiance, pour lui c’était comme si le maître avait voulu lui tendre un piège. Et cela le maître ne l’a pas supporté. Il lui a dit qu’il était un serviteur paresseux et mauvais, que son talent on allait le donner à celui qui avait su faire confiance, et que lui serait jeté dehors, qu’il n’entrerait pas avec le maître, et que là où il serait condamné à vivre, sans rien, il y aurait des pleurs et des grincements de dents. Quand Jésus parle de grincements de dents, je pense toujours aux pharisiens qui grincent des dents de colère quand il leur rive leur clou, mais je sais que Jésus, cela lui fait mal de les voir ces hommes qui ont tout pour comprendre et qui ferment leur cœur et le remplissent de haine.

 

Alors oui, les bons sont récompensés, les mauvais sont punis, mais j’ai comme un gout d’amertume en moi. Comment peut-on se tromper à ce point sur les intentions du maître ? 

 

 

La troisième histoire

 

Il commençait à se faire tard. Dans trois jours ce serait la Pâque, et il y aurait bien des préparatifs à faire. Mais il a pris le temps de nous raconter quelque chose à propos du jugement dernier; comme je l’ai dit, il avait déjà évoqué la fin des temps, mais pas le jugement. 

 

Il nous a dit qu’à la fin des temps, lui Jésus, le Fils de l’homme, viendrait dans sa gloire, avec ses anges et qu’il serait assis sur son trône de gloire. Je dois dire, que j’aimerais tellement voir cela. Un peu comme les anciens qui sur le Sinaï ont vu le trône du Très Haut, ce pavement de saphir, limpide comme l’azur du ciel. Le voir Lui assis et juger les nations. 

 

Cela me faisait un peu penser à la parabole du bon grain et de l’ivraie, parce qu’il avait dit qu’à la fin des temps, les anges viendraient séparer les bons et les mauvais. Et c’est ce qui se passera, puisqu’il fera comme le berger qui séparer les brebis des boucs. 

 

Les brebis seront à droite, les boucs à gauche. C’est vrai que chez nous, les boucs n’ont pas bonne réputation. N’avons-nous pas la coutume du bouc émissaire, qui était chargé des péchés du peuple et allait mourir dans le désert? 

 

Puis il dira à ceux de droite qu’ils sont les bénis de son Père: qu’ils viennent prendre possession du royaume préparé pour eux depuis la fondation du monde. Et s’ils sont bénis, c’est parce qu’ils se sont occupés des plus petits d’entre ses frères, en leur donnant à manger quand ils avaient faim, à boire quand ils avaient eu soif, en les accueillant même s’ils venaient d’un autre pays, en leur procurant des vêtements, en les visitant quand ils étaient malades ou en prison. Et comme ils s’étonnaient de cela, il a affirmé que chaque fois que cela avait été fait pour l’un d’eux, cela avait été fait pour lui. Je dois dire que cela m’a un peu étonné, mais si lui le dit, il a sûrement raison. 

 

Puis il s’est adressé aux autres et leur a reproché de ne pas avoir pris soin de ceux qui avaient besoin d’eux. Et eux, j’ai eu l’impression qu’ils ne comprenaient pas le reproche de Jésus. Que s’ils n’avaient pas fait, ce n’était pas de leur faute, mais parce que personne ne leur avait dit, alors que Jésus, depuis qu’il enseigne, nous demande de nous occuper de notre prochain. Il dit même que le commandement qui dit d’aimer son prochain comme soi-même est aussi grand qu’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, et de toute son intelligence.

 

Voilà ce que sera le jugement.

 

Mais comme je vous l’ai dit, ces trois histoires me font un peu peur. Est-ce que je pourrai compter sur la miséricorde du Fils de l’homme, moi qui n’ai pas toujours veillé, moi qui n’ai pas toujours su ouvrir les yeux pour voir ceux qui avaient besoin de moi, peut-être simplement de mon regard, moi qui n’ai pas toujours su faire fructifier les cadeaux donnés ? Heureusement qu’il a dit et redit qu’il était venu pour les pécheurs dont je suis, et qu’il allait donner sa vie pour nous, parce que cela c’est la promesse qui me fait vivre. 

 

Mais je dois dire, que quand je suis allé prendre mon repos de la nuit, ça tournait en moi ces paraboles, ces histoires. Et au matin une idée m’est venue. Je crois que l’important c’est d’avoir en soi la Présence du maître, de penser à lui nuit et jour, de se laisser remplir par lui, par ses dons, de se faire comme il le dit, capacité, et d’avoir son regard sur ceux qui nous entourent. Cela, il l’a fait et c’est à moi de le faire si je veux entrer dans son royaume; et je le veux. Alors il me faut garder sa parole, la laisser en moi vivre, il me faut être comme lui créatif, mais avec lui, et penser à la joie que cela lui donne, et regarder ceux qui sont autour de moi comme des autres lui. Je ne dis pas que c’est facile, mais je désire être ce serviteur qu’il trouvera en train de veiller quand il reviendra.

 

 

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Récits de personnages.

 

Il s’agit donc de laisser raconter une des jeunes filles éconduites, par le serviteur qui n’a pas fait fructifier ou par un de ceux qui a fermé les yeux sur ceux qui l’entouraient. Je peux imaginer que tous commenceraient par dire que ce n’est pas juste, que ce n’est pas de leur faute. Ils ne se remettraient pas en cause. Or il me semble que c’est bien parce qu’ils n’ont pas su s’ajuster à la demande, ou qu’ils l’ont déformée, qu’ils ne sont pas entrés dans ce royaume. 

 

Une jeune fille raconte

 

Nous étions dix à être invitées au repas des noces. Avec nous, il y avait des filles très, très sérieuses, vous savez celles qui ne rient jamais, qui font tout bien. Elles avaient pris plein de provisions avec elles, des vêtements de rechange et même de l’huile pour leur lampe... Je me demandais bien pourquoi. Moi j’aime voyager lége, et il y aura bien des gens pour me dépanner si je manque de quelque chose; j'aime compter sur les autres. Nous nous sommes mises en route, mais la route était plus longue que ce que j’imaginais. Nous avons dû nous arrêter. Il faisait nuit, et nous avons allumé nos lampes. Nous nous sommes allongées et nous avons fini par nous endormir ; nous avons été réveillées en sursaut par un quelqu’un, qui disait que l’époux était arrivé et qu’il fallait nous mettre en route pour trouver la salle. 


Mais là, je me suis rendue compte, que ma lampe était près de s’éteindre, et que j’allais manquer d’huile. C’était pareil pour certaines de mes amies, nous n’avions pas imaginé que ce serait aussi compliqué, aussi long. Nous avons demandé de l’huile à celles qui en avaient d'avance, mais elles n’ont rien voulu entendre. 


Elles ont dit qu’elles n’en n’auraient pas assez pour elles et pour nous et que nous n’avions qu’à en acheter chez un marchand. Trouver un marchand qui veuille bien nous en vendre, ça n’a pas été une mince affaire, mais nous avons pu en avoir assez pour mettre dans nos lampes et aller nous aussi jusqu’à la salle. Nous étions assez en colère contre elles. Elles auraient bien pu nous en prêter un peu.  


Mais Il avait fallu du temps pour trouver un marchand qui nous vende de l'huile. Nous en avons trouvé un, mais les heures avaient filé. Et quand nous sommes arrivées, la porte était close et on entendait des bruits de fêtes. 


Nous avons toqué, toqué, personne ne venait. 


Nous avions froid et nous étions fatiguées. Dedans il devait faire bon et chaud et il devait y avoir de quoi manger. 


Nous avons frappé encore, et là c’est l’époux qui est sorti: enfin nous allions pouvoir rentrer. Mais alors là, au lieu de nous ouvrir, il a dit qu’il ne nous connaissait pas et il a fermé la porte. 


Et là, quelque chose s’est effondré en moi. J'avais tellement envie de voir les époux, de partager leur joie, de manger avec eux. Et en même temps j’étais vraiment très très en colère contre ces autres qui avaient gardé leur huile pour elles. Si elles nous en avaient prêté, nous aurions pu entrer avec elles.  


Ce n’est pas de ma faute si je ne suis pas une prévoyante comme elles. Je n’y peux rien, c’est comme ça. Et l’époux il aurait bien pu ouvrir, nous laisser entrer. 


Pourquoi nous punit-il comme ça ?  Je ne comprends pas. Je suis triste, j’ai faim, j’ai froid. Qu’est ce que j’aurais dû faire ?  Il me reste à rentrer à la maison en espérant que ma mère m’ouvrira. Elle va me dire que ça doit me servir de leçon… Il faut vraiment que je comprenne ce que j’ai fait de mal. Peut-être qu’elle m’aidera à changer, mais elle va sûrement être très déçue.

 

 

Le serviteur raconte

 

Je savais bien que je ne pouvais pas lui faire confiance à ce maître. Il nous a donné, à trois d’entre nous, de grosses sommes, de très grosses sommes; et il est parti en voyage. Enfin il a dit qu’il allait s’absenter. 


C’est un peu comme s’il avait vendu tout ce qui lui avait appartenu et nous l’avait déposé dans nos mains. Ces sommes elles étaient à nous, mais ça je ne pouvais pas le croire. Les autres ils ont eu beaucoup plus que moi, mais moi j’ai reçu une belle somme. 


Seulement tel que je le connais, il va vouloir que cet argent rapporte, et moi, je risque de tout perdre. Et si je perds, il sera furieux. Alors moi cet argent, je l’ai enterré dans un champ, un champ que je connais. Je sais que je prends le risque que quelqu’un le trouve et le prenne, mais là, je pourrai dire que ce n’est pas de ma faute. Pourquoi il m’a choisi moi? Pourquoi il s’est intéressé à moi? Je ne lui avais rien demandé. 

 

Et du temps a passé, beaucoup de temps. J’ai su que les deux autres, ils ont doublé ce que le maître avait donné, et qu’ils vivaient comme des pachas et qu’ils étaient dans l’abondance. Moi pas, mais au moins j’étais tranquille. 

 

Un beau jour il est revenu. Il paraît qu’il a fait appeler les deux autres, qui lui ont montré ce qu’ils avaient gagné et qu’il les a félicités et qu’il leur a même dit de venir habiter avec lui, sauf que je ne sais pas où il a choisi d’habiter. 


Et puis il m’a fait appeler aussi. Et j’y suis allé en traînant les pieds. J'aurais voulu qu'il ne rentre jamais. Qu'est-ce qu'il avait besoin de me confier une telle somme, une somme qui me brûlait les mains ? J’ai sorti l’argent du champ et je suis allé pour le lui rendre. 


Et là  je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire que j’avais peur de lui, parce que je savais qu’il est un homme dur en affaires, impitoyable et que c’était pour cela que son argent je le lui rendais, tel quel.  


Sauf qu’il l’a très très mal pris. Il m’a traité de serviteur paresseux et mauvais; paresseux oui, mauvais il exagère, je suis un pauvre type, c’est tout. Il a repris l'argent, et il l’a donné à celui qui avait le mieux réussi. 


Moi j’espérais quand même qu’il m’en aurait laissé un peu de son argent. 


Et il m’a mis dehors, il n’y a pas d’autre mots. Je n’ai plus rien, parce que j’avais un logement chez lui, et il me l’a repris. Il est vraiment méchant ce maître. Qu’est ce que je vais devenir ? 


Je suis en colère, je grince des dents contre lui, j’ai envie de pleurer de rage. Il a dit que j’étais un mauvais serviteur, et là oui, je suis vraiment mauvais et j’ai honte d’être comme ça, aussi mauvais. Je ne me supporte pas avec cette rage qui est en moi. Et je ne sais pas que faire. Peut-être que si je vais voir un des deux autres, il me logera chez lui. Peut-être….

 

 

 Un de ceux qui sont à gauche raconte.

 

Alors là, c’est la meilleure si je puis dire. Je suis considéré comme un bouc (la plupart des traductions emploient le mot chèvre, mais pas AELF), un animal qui sent mauvais, un animal qui pue, un animal même maudit puisqu’il est chassé dans le désert avec la faute de tout Israël sur son dos. 

 

Moi ma vie, je l’ai passée à la gagner, à essayer de m’occuper bien de ma famille, de trouver un travail, alors c’est vrai que les autres, eh bien je ne m’en suis pas trop occupé. Mais on ne peut pas tout faire. 

 

Et puis ceux dont il parle le Jésus, ceux qui ont faim, ceux qui ont soif, ceux qui sont en prison, et bien ils sont sales, ils ne sentent pas bon, et ils me font un peu peur. Alors oui je ne m’en suis pas occupé, mais ce n’est pas de ma faute; je ne peux pas tout faire.  

 

Et maintenant, on m’enverrait pout l’éternité avec les vraiment mauvais, avec le diable! Mais je n’ai rien à faire avec le diable moi, je n’ai pas renié mon Dieu, j’ai fait ce que je pouvais. Alors j’espère trouver un avocat qui fera comprendre au Roi que je ne suis pas si mauvais que cela, qu’il n’a pas le droit de me faire ça, et que je suis prêt maintenant à tenir vraiment compte de ce qu’il aurait voulu que je fasse mais que je n’ai pas fait. 

 

 

Mais les trois sont des personnages de fiction, à nous de ne pas l’oublier.  

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