La liturgie de l’année A propose, sur trois dimanches ( 26, 27 et 28° dimanches du temps ordinaire), les paraboles proposées par Jésus aux Grands Prêtres et aux Anciens.
Le 25ème dimanche avait été consacré à ce qu’on appelle la parabole des talents, c’est-à-dire le début du chapitre 20. Ce chapitre se termine par la guérison de deux aveugles à Jéricho. Ces deux-là sont bien guéris de leur cécité, leurs yeux s’ouvrent.
Jésus est souvent confronté à des paires: « Les scribes et les pharisiens », « Les grands-prêtres et les anciens »: ce qui va se passer montre que ces "aveugles"-là ne demanderont rien, malgré les efforts de Jésus pour leur ouvrir les yeux, et que leur aveuglement conduira Jésus à la mort.
Il faut se souvenir que Jésus vient d’entrer dans Jérusalem, monté sur un âne, et qu’il est acclamé par la foule. Il est bien évident que pour ceux qui connaissent les écritures, cela positionne cet individu - dont ils ont peut-être entendu parler par des pharisiens de Galilée mais qu’ils n’ont jamais vu - comme le roi promis, ce roi doux et humble. Et le premier geste de ce roi va être d’expulser tous ceux qui vendaient et achetaient dans le temple, ce qui revient à attaquer les prêtres qui avaient permis ce commerce à l’entrée du temple et non plus à distance; puis il guérit ceux qui n’avaient pas le droit d’entrer dans le Temple, en particulier les boiteux.
Le lendemain la question avait été posée de l’autorité qui permettait à Jésus de faire de telles choses, et pardonnez-moi l’expression, mais Jésus les avait proprement mouchés, non pas en refusant de répondre, mais en répondant par une autre question plus qu’embarrassante pour eux.
Il semble bien que la relation est plus que tendue: Quel est ce petit prophète venu de Galilée qui ose leur tenir tête.
Et c’est dans ce contexte que Jésus va leur proposer trois petites histoires qui semble-t-il devraient leur permettre de se mettre en question et peut-être de se convertir ou du moins de sortir de leur crispation sur leur pouvoir
Par qui faut-il faire raconter ce qui a été donné à entendre un certain jour du temps dans le Temple de Jérusalem ? Les destinataires des paraboles? Ou un disciple proche de Jésus qui l’écoute et qui se demande comment cela va se terminer ? Parler de la colère des uns, de la peur mais aussi de l’admiration des autres ? Peut-être que le travail de lecture de ces textes permettra le choix, à moins qu’un autre ne s’impose au dernier moment.
Travail sur les textes.
Mt 21 , 28,-32 : les deux fils.26° dimanche du temps ordinaire.
28 Quel est votre avis ?
Je me permets de couper ainsi le verset. Jésus leur pose une question directe, or précédemment les grands-prêtres et les anciens sont venus interrompre Jésus qui enseignait pour lui poser une question. Jésus leur avait déjà répondu par une autre question, qui leur avait cloué le bec. Là, Jésus qui les voit arriver, paraît très déférent à leur égard. Il leur demande ce qu’ils pensent d’une situation qu’il va leur exposer.
Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à la vigne.”
29 Celui-ci répondit : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla.
Il s’agit donc d’un homme qui a deux fils. Pour nous cela peut évoquer un autre homme qui avait deux fils, celui de la parabole rapportée par Luc. Ici c’est l’homme qui demande quelque chose et non pas le plus jeune qui vient réclamer sa part.
Ce qui me parait important dans ce verset ce sont les mots "aujourd’hui "et "vigne". La vigne, c’est le domaine privé du Dieu, le domaine qui lui appartient, Israël. Il s’agit donc pour le fils de travailler dans la vigne, mais aussi pour la vigne. Et une vigne, ça demande du travail. Et de plus il doit y aller "aujourd’hui". Et ce aujourd’hui je l’entends comme "sans délais, tout de suite". Mais il y a aussi un "aujourd'hui de Dieu": aujourd'hui ne fermez pas votre coeur, et il ne faut pas le laisser passer.
La réaction du fils n’est peut-être pas tellement étonnante: il n’a pas envie de changer ses plans, ses projets et il dit non. Seulement, certainement parce que - au fond de lui - il aime son père, alors il change son fusil d’épaule (il se convertit) et sans rien dire, il part faire ce qui lui est demandé, et peut-être qu’il va découvrir une vigne qui n’attend que lui. De fait, quand j’écris, je ressens comme une sorte de noce entre la vigne et ce fils, et le travail n’est plus rébarbatif mais il devient comme une union. C’est pour moi le concept de la mutualité: l’un n’existe pas sans l’autre, et cela donne du bonheur aux deux.
30 Puis le père alla trouver le second et lui parla de la même manière. Celui-ci répondit : “Oui, Seigneur ” et il n’y alla pas.
Le père a donc demandé au second d’aller à sa vigne aujourd’hui. Ce dernier dit oui de la tête et non du cœur . Et il continue sa vie à lui, sans changer quoi que ce soit. On a l’impression que lui, il veut avoir la paix. Enfin une paix qui lui permette de ne rien faire pour l’autre.
31 Lequel des deux a fait la volonté du père ? » Ils lui répondent : « Le premier.
La question est posée, et la réponse parait évidente. Mais que va faire Jésus de cette réponse ? Manifestement il leur « tire les oreilles ».
» Jésus leur dit : « Amen, je vous le déclare : les publicains et les prostituées vous précèdent dans le royaume de Dieu.
32 Car Jean le Baptiste est venu à vous sur le chemin de la justice, et vous n’avez pas cru à sa parole ; mais les publicains et les prostituées y ont cru.
Tandis que vous, après avoir vu cela, vous ne vous êtes même pas repentis plus tard pour croire à sa parole.
Lors du premier échange un peu musclé entre Jésus et les grands-prêtres à partir du verset 24, il était bien question de Jean et de son baptême. Là, Jésus leur fait comprendre, mais il est évident qu’ils n’écouteront pas, que - tout connaisseurs de la Loi qu’ils sont - ils ont dédaigné la parole de Jean, et qu’ils ont refusé toute conversion. Ce qui est étonnant, c’est qu’il ne parle pas de lui. Le reproche est fort : vous dites que vous travaillez à la vigne du père, mais c’est faux, et à aucun moment vous ne montrez le moindre amour pour Lui. Les publicains et les prostituées, que vous méprisez et condamnez, eux sont capables d’amour et ont écouté la parole de Jean.
Mt,21, 33-43 : les vignerons homicides. 27° dimanche du temps ordinaire
Cette parabole suit directement le questionnement sur les deux fils. Mais tel que c’est rapporté par Matthieu, les deux paraboles se suivent, comme si Jésus attendait une réaction qui n’est pas venue - le fil conducteur étant peut-être la vigne.
Quand je lis ce texte, je pense à ce qu’écrit Ézéchiel (Ez 34) sur les mauvais bergers. Le fiverset 1 résume finalement parfaitement le comportement des vignerons: 02 « Fils d’homme, prophétise contre les bergers d’Israël, prophétise. Tu leur diras : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Quel malheur pour les bergers d’Israël qui sont bergers pour eux-mêmes ! N’est-ce pas pour les brebis qu’ils sont bergers ?
33 « Écoutez une autre parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde. Puis il loua cette vigne à des vignerons, et partit en voyage.
Il est évident que ce texte évoque Isaïe, Is 5,1-3: Je veux chanter pour mon ami le chant du bien-aimé à sa vigne." Mon ami avait une vigne sur un coteau fertile. 2 Il en retourna la terre, en retira les pierres, pour y mettre un plant de qualité. Au milieu, il bâtit une tour de garde et creusa aussi un pressoir. Il en attendait de beaux raisins, mais elle en donna de mauvais. 3 Et maintenant, habitants de Jérusalem, hommes de Juda, soyez donc juges entre moi et ma vigne !"
Ce qui est important c’est que cet homme, le propriétaire, part en voyage. Il fait donc confiance à ceux à qui il confie la vigne. Il laisse donc les vignerons faire ce qu’ils doivent faire, prendre soin, faire fructifier, récolter les fruits. Ici, contrairement au livre d’Isaïe, la vigne produit de bons fruits, elle est rentable. Le propriétaire est donc en droit d’exiger ce qui lui est dû. On peut même supposer qu’il y a eu un acte écrit entre lui et les vignerons .
34 Quand arriva le temps des fruits, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne.
35 Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un, tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième.
36 De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais on les traita de la même façon.
Quand je lisais ce texte, il me semblait que le propriétaire était un peu bête, car j’imaginais que cela se passait disons tout au même moment. Alors que c’est quelque chose qui se déroule dans le temps. Chaque fois que le propriétaire veut se faire remettre le produit de sa vigne, les vignerons font la sourde oreille, prennent de l’assurance et deviennent de plus en plus violent. Mais le maître espère toujours que quelque chose est possible, et en cela on reconnait bien la figure paternelle du père, qui sans se lasser espère et espère que son peuple va respecter l’alliance et se tourner vers lui.
37 Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : “Ils respecteront mon fils.”
38 Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : “Voici l’héritier : venez ! tuons-le, nous aurons son héritage !”
39 Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent.
Puisque tout a échoué, ll se décide à envoyer son propre fils, fils qui est comme l’ambassadeur, l’envoyé du Père. Et c’est là que la perversité est mise au grand jour. Tuer le fils, le fils unique, privera le propriétaire d’héritier. lls s’imaginent alors qu’ils pourront garder la vigne en toute impunité. Et ils jettent le fils hors de la vigne (vigne qui est aussi allégoriquement la ville de Jérusalem), et le tuent. Là Jésus est prophète, car lui le fils sera bien saisi par les autorités de Jérusalem, et il terminera sa vie hors de la ville.
40 Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? »
41 On lui répond : « Ces misérables, il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en remettront le produit en temps voulu. »
La question est posée et la réponse conforme à ce qu’on peut attendre: se venger en mettant à mort ces hommes indignes, ces voleurs, ces assassins, et louer la vigne à des vignerons respectueux et honnêtes.
42 Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux !
43 Aussi, je vous le dis : Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits.
Jésus écoute leur réponse ; il ne dit pas comme il le dit parfois « tu as bien répondu ». Et il pourrait ajouter que puisqu’ils ont écouté et bien répondu, qu’ils réfléchissent à ce qu’ils ont fait jusque-là, comment ils ont été de mauvais bergers, comment ils refusent au propriétaire son dû. Non, il cite le psaume 119, 22. Il sait qu’il va être rejeté par les bâtisseurs, mais qu’il sera de fait la pierre angulaire sur laquelle sera « assise » la nation qui lui fera produire ses fruits. Et là, il y a un glissement, on retrouve le verset d’Isaïe, que j’ai cité en début de commentaire. La vigne n’a pas produit de bons fruits, alors elle sera enlevée (détruite) à ceux qui pensaient l’avoir pour eux, et donnée à d’autres qui la feront fructifier et qui donneront le produit à celui qui leur a louée. Car de fait il y a deux choses: faire fructifier et ne jamais oublier qui est le donateur.
22, 1-10 les invités à la noce. 28° Dimanche du temps ordinaire
01 Jésus se mit de nouveau à leur parler et leur dit en paraboles :
Aucune transition, ce qui laisse à supposer qu’il y a eu un grand silence après que Jésus ait conclu la parabole précédente.
02 « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils.
Là il passe à une autre image, celle des noces. Or les noces d’Israël avec le Seigneur ne se sont jamais très bien passées. Je pense à Os 2, mais aussi à Ézéchiel.
03 Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir.
04 Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.”
05 Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ;
06 les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent.
07 Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville.
On trouve un texte un peu analogue chez Luc au chapitre 14 (voir annexe). Le moins que l’on puisse dire, c’est que si d’un côté tout est prêt, de l’autre il y a d'une part refus - et là contrairement à la parabole lucanienne, sans aucune raison: l’impression que l’on peut en retirer, c’est que les invités ne veulent pas entendre, ne veulent surtout pas changer quoi que ce soit à leur manière de vivre (ne pas se convertir). Et d'autre part, non seulement ils continuent à faire ce qu’ils font au quotidien, mais ils maltraitent les envoyés (comme dans la parabole précédente), et vont même jusqu’à les tuer.
Là le roi, réagit immédiatement: il tue et détruit. On peut se demander si ce n’est pas une annonce prophétique de la destruction de Jérusalem. Or si on se réfère à l’évangile de Jean, Jn 11, 50 « vous ne voyez pas quel est votre intérêt: il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple, et que l’ensemble de la nation ne périsse pas. » Si la peur du grand-prêtre est bien que les Romains détruisent le Temple (leur source de revenus) et pour que cela n’arrive pas, décide de tuer Jésus, « il vaut mieux qu’un seul meure, que toute la nation ». Si c’est cela la peur des autorités, Jésus annonce que cela adviendra.
08 Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes.
09 Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.”
10 Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
Chez Luc, la salle se remplit en deux temps. Là, cela se fait en une seule fois, et cela évoque la fin des temps. La salle est remplie de convives, des bons comme des mauvais. Or cela ne doit pas plaire du tout à ses auditeurs, qui pour certains font beaucoup d’efforts pour « avoir en héritage la vie éternelle ».
11 Le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce.
12 Il lui dit : “Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ?” L’autre garda le silence.
13 Alors le roi dit aux serviteurs : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.”
14 Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. »
La parabole aurait pu s’arrêter là, mais pas chez Matthieu. Et on peut penser que c’est une autre parabole qui est proposée et qui servira un peu de prototype aux paraboles du chapitre 25, paraboles qui commencent par les mêmes mots: "le royaume des cieux est semblable..."
On peut aussi y voir des consignes données à l’église matthéenne, en insistant sur le fait qu’entrer dans l’église est une chose, mais être sauvé si on ne porte pas la robe blanche, c’est autre chose. Et on passe dans un contexte de fin du monde; car parfois nos yeux ne nous permettent pas de discerner que quelqu’un de notre église ne porte pas la robe blanche, n’est plus fidèle à ses engagements, mais le Roi, lui, discerne et pose des questions. Or ce qui est surprenant c’est que la manière dont le Roi s’adresse à cette personne reste amicale! Il l’appelle mon ami. Il pose une question, il attend une réponse. L’homme pouvait expliquer, mais il choisit de se taire, et c’est là que tout se noue. Rejeter le dialogue offert, c’est rupture du dialogue, rupture de la main tendue et dans ce cas-là, en toute logique il devient impossible de rester dans ce dedans. Il reste ce dehors, avec tous ceux qui ont pleuré de rage en écoutant les paroles, qui ont grincé des dents contre et qui maintenant les grincent peut-être encore parce qu’ils estiment qu’ils ont bien fait et que ce qui leur arrive est injuste.
La conclusion, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, sera reprise au chapitre 25, avec les dernières paraboles sur ce qui se passera à la fin des temps.
15 Alors les pharisiens allèrent tenir conseil pour prendre Jésus au piège en le faisant parler.
Maintenant, par qui faire raconter ces paraboles ? J’avais pensé à un disciple qui trouverait que Jésus attaque et risque donc sa tête en affirmant qu’il est Fils, qu’il est le Roi, mais cela n’était pas très satisfaisant.
Puis j’ai pensé à ceux auxquels le discours s’adresse, pourquoi pas.
Et finalement je me suis dit que peut-être le seul à pouvoir raconter, c’est Jésus. Il faut dire que si on prend la passion selon Saint Luc, il est question d’une robe blanche, ou selon les traductions d’une robe éclatante qu’Hérode fait porter à Jésus avant de le renvoyer à Pilate. Et cette robe, elle est à la fois celle de la transfiguration (éclatante), mais aussi cette robe blanche de l’agneau qui va être immolé. Mais ce n’est jamais facile de parler à la place de Jésus.
Alors peut-être que dans un premier temps je vais laisser la parole à un de ces pharisiens appartenant au Sanhédrin, un de ceux qui dans quelques jours jugera et condamnera à mort l’agneau. Et parfois au fil de l'écriture, quelque chose de nouveau se laisse découvrir.
Un notable raconte
Il y a quelques jours, un homme qui se fait passer pour un prophète est arrivé dans notre ville. Il est arrivé au milieu des acclamations, monté sur un ânon. Monté sur un ânon ? Vous vous rendez compte ? Pour qui se prend-il ? Pour le roi d’Israël ? Parce que la prophétie nous la connaissons : voici que ton roi qui vient à toi, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse.
Ensuite, arrivé à l’entrée du Temple, il a guéri tous ceux que notre Père David refuse de voir dans l’enceinte sainte: les boiteux et les aveugles; et des petits enfants chantaient pour lui. Et comme si ce n’était pas suffisant, il a chassé les vendeurs qui étaient là, ces vendeurs que nous avons autorisés à commercer ici. Et il a crié que nous faisons de la maison de son père une caverne de voleurs. Vous vous rendez compte, il ose appeler Dieu son Père. Nous n’avons rien pu faire. Il est parti. Le lendemain, nous, quand je dis « nous, », je parle de nous tous, les anciens, qui avec les grand-prêtres avons le pouvoir car nous connaissons la Loi et nous la pratiquons, lui avons demandé par quelle autorité il avait fait ce qu’il avait fait.
Et là, enfin je reconnais que c’est un malin, il nous a posé une question sur ce baptiseur, ce Jean qui a été mis à mort par Hérode. Et comme nous ne répondions pas, parce que cela nous aurait mis en difficulté, il nous a raconté une petite histoire. Il parait qu’il aime bien ça raconter des histoires. En tous les cas ce qui est certain c’est que nous ne l’impressionnons pas du tout.
Il a parlé d’un homme qui avait une vigne et qui avait deux fils. Des amis à moi m’ont raconté qu’il avait raconté l’histoire d’un homme qui avait deux fils, que le plus jeune avait voulu son héritage, que cet héritage il l’avait dilapidé et que loin de lui en vouloir le Père l’avait accueilli à bras ouverts, alors que le fils voulait seulement être un ouvrier pour avoir de quoi manger. Et en plus ; il fait tuer le veau gras pour lui., L’autre fils, il est loin d’être content et je le comprends. Et la morale de son histoire c’était qu’il faut se réjouir quand un pécheur qui était perdu est retrouvé. Je veux bien, mais quand même.
Bref, là il y avait aussi deux fils. Et là le père demande au premier d’aller aujourd’hui à sa vigne.
Il est bien évident que la vigne, nous savons tous de quoi il parle le Jésus. La vigne du Seigneur c’est le domaine du Très Haut. Alors voilà, le fils il dit non. Je me suis dit que s’il avait prévu de faire autre chose ce jour-là, alors tout laisser pour aller à la vigne, et le travail de la vigne ce n’est pas facile, et bien c’était normal qu’il dise non.
Seulement voilà, d’après Jésus, ce fils là, il a dit non, mais finalement il y va quand même. Bref c’est un bon fils. Je me demande quand même ce qui a pu se passer dans sa tête. Sauf qu’en général quand un père demande, on ne dit pas non. Le Seigneur ne nous a-t-il pas dit d’honorer nos pères afin de vivre longuement.
Quant à l’autre, le père fait la même demande. Lui il dit qu’il va y aller, seulement comme personne n’est là pour le surveiller, et bien il n’y va pas. Bon c’est un adulte après tout. Il n’a pas osé dire non, mais le père il doit être bien déçu.
Il a ensuite demandé lequel à notre avis, avait fait la volonté de son père. Il était bien évident que c’était le premier. C’est ce que nous avons répondu. Et là, il nous a déclaré que les publicains et les prostituées entreraient avant nous dans le Royaume de Dieu. Il a ajouté qu’eux avaient entendu comme nous l’appel de Jean Le Baptiste, et qu’ils avaient peut-être mis un peu de temps, mais qu’ils s’étaient convertis, alors que nous, à aucun moment nous ne sommes repentis. Mais de quoi aurions dû nous repentir ?
Et sans nous laisser le temps de respirer, il a continué à parler. Il a raconté l’histoire d’un homme qui avait un domaine, qui y a planté une vigne, l’a entourée d’une clôture, y a fait construire un pressoir (bref les mots que le prophète Isaïe met dans la bouche de notre Dieu, Béni soit-il) cette vigne qui ne donne pas du bon fruit et qu’il va laisser dévaster. Or nous, nous faisons tout pour la vigne ne soit pas dévastée par les Romains.
Cet homme loue sa vigne, et part au loin. Cela me plaît bien, cet homme qui fait confiance. Mais il a le droit de se faire verser le fruit de sa vigne.
Et Jésus raconte qu’il envoie des serviteurs, et que les vignerons non seulement les renvoient, mais aussi les rudoient et en tuent certains. Là j’ai commencé à me demander où il voulait en venir. Que de prophètes ont été envoyés et n’ont pas été écoutés. Je commençais à ne pas aimer du tout cette histoire. Il a alors ajouté que le propriétaire après en avoir envoyé d’autres, qui connaissent le même sort, décident d’envoyer son propre fils. Seulement les vignerons au lieu de respecter cet homme, se disent qu’il faut mieux le tuer, comme cela la vigne leur appartiendra. Vraiment cela me plaisait de moins en moins cette histoire. Et Jésus d’ajouter que les vignerons se saisissent du fils, le trainent hors de la vigne et le tuent. Lui qui dit que Dieu est son Père, est ce qu’il parlerait de lui, de nous ? Il nous a demandé ce que le propriétaire ferait quand il apprendrait cela. Certains ont répondu qu’il ferait périr misérablement ces misérables et qu’il louerait sa vigne à d’autres qui remettraient le produit en temps voulu.
Que pouvions nous dire d’autre ? Mais de qui parle-t-il vraiment? Il nous a demandé si nous connaissions cette phrase qui vient de notre père David, qui parle de la pierre rejetée par les bâtisseurs qui est devenue la pierre d’angle ? Pourtant les bâtisseurs c’est leur métier, ils savent ce qu’ils font, sauf que comme nous le dit David, si le Seigneur décide que cette pierre est sa pierre, alors elle devient pierre angulaire. Est-il lui cette pierre?
Il a continué en disant que le royaume de Dieu nous serait enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire du fruit. Au fond de moi, je commençais à avoir peur, mais aussi à sentir une certaine colère. Ce galiléen pour qui se prend-il ? De quel droit se permet-il de nous critiquer et de faire de telles prédictions. Je commençais à avoir des envies de meurtre en moi, et j’espérai que certains allaient prendre des pierres, mais il n’en fut rien. Et puis comme la foule était là, et que la foule était pour lui, il valait mieux attendre un moment plus propice.
Mais il n’avait pas fini de parler. Pourquoi faut-il qu’il parle encore et encore ? Il a raconté l’histoire d’un roi qui a préparé les noces de son fils , en commençant par une phrase, que d’après certains de nos amis qui sont allés l’écouter en Galilée, il aime bien, à savoir « le royaume de Dieu est semblable à » Là ce royaume était donc semblable à un roi qui célèbre les noces de son fils et qui appelle à la noce les invités. Il est bien évident que les invités étaient au courant et que cela ne les prenait pas de court, pas comme pour les fils qui doivent aller à la vigne de leur père. Seulement d’après Jésus, ils refusent tous d’y aller. Ils continuent leur vie, sauf que certains empoignent les envoyés, les maltraitent et les tuent. Là le roi se met en colère, il fait périr les meurtriers et incendie leur ville.
Mais il n’en reste pas là. Il envoie ses serviteurs inviter à la noce tous ceux qu’ils trouveraient aux croisées des chemins, car les autres n’en étaient pas dignes. Et la salle est remplie, et ce qui est étonnant, c’est que ceux qui acceptent cette invitation, ce sont des mauvais comme des bons. Et la salle est pleine. C’est sûr que l’annonce d’un bon repas, d’un banquet ça donne envie d’y aller, et puis voir le fils et sa femme, ça doit être beau. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Dans la salle du banquet il y a un homme qui a dû se faufiler en douce et qui n’a pas revêtu le vêtement de noces. Et le Roi le voit. Si j’avais été à la place de cet homme, je crois que je n’aurais pas su où me mettre, disparaître sur place. Et le Roi se met à lui parler. Il lui demande en l’appelant son ami, comment il a réussi à entrer et à s’installer sans mettre ce vêtement qui pourtant est proposé. Pourquoi l’a-t-il refusé alors qu’il est là, avec tous ceux qui sont entrés avec lui, et qui sont en train de banqueter ?
A ce moment-là, j’ai pensé à ce repas rapporté dans le livre de l’Exode, quand les anciens montent sur la montagne pour partager un repas en présence du très haut et qu’ils peuvent contempler et voir, ce Dieu qui a sous ses pieds comme un pavement de saphir (Ex 24, 9-11). Mais tous se sont sanctifiés avant et c’est comme si cet homme lui avait refusé de le faire, avait refusé de suivre les prescriptions, voulait profiter, voulait prendre, sans rien donner. Et comme cet homme ne répond pas, le Roi le fait mettre dehors, là où il y a des pleurs et des grincements de dents. Je trouve que ce roi a raison. Si encore l’homme avait voulu ouvrir la bouche et dire, parce que ce Roi semble de bonne volonté.
Quant à Jésus, il a conclu en disant qu’il y avait beaucoup d’appelés et peu d’élus. C’est dur comme conclusion. Est-ce qu’il veut nous faire comprendre que nous les Anciens, nous qui pensons être la fleur de la Nation, nous n’aurons pas notre place dans le royaume ? Et là, la colère est revenue. Il faut vraiment le faire disparaître d’une manière ou d’une autre. Il renverse l’ordre établi, il invente de nouvelles règles, et les foules le suivent. Et cela il faut l’empêcher à tout prix. Il vaut mieux qu’un homme ne meure plutôt que toute la nation, oe c’est ce qui arrivera si nous le laissons faire.
ANNEXE : Les invités à la Noce
Matthieu 22, 1-9 | Luc 14,15-24 |
01 Jésus se mit de nouveau à leur parler et leur dit en paraboles : | 15 En entendant parler Jésus, un des convives lui dit : « Heureux celui qui participera au repas dans le royaume de Dieu ! » »
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2 « Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. 03 Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir.
04 Il envoya encore d’autres serviteurs dire aux invités : “Voilà : j’ai préparé mon banquet, mes bœufs et mes bêtes grasses sont égorgés ; tout est prêt : venez à la noce.”
05 Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ;
06 les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. 07 Le roi se mit en colère, il envoya ses troupes, fit périr les meurtriers et incendia leur ville.
| 16 Jésus lui dit : « Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde. 17 À l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : “Venez, tout est prêt.”
18 Mais ils se mirent tous, unanimement, à s’excuser. Le premier lui dit : “J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir ; je t’en prie, excuse-moi.” 19 Un autre dit : “J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t’en prie, excuse-moi.” 20 Un troisième dit : “Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne peux pas venir.”
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08 Alors il dit à ses serviteurs : “Le repas de noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes.
| 21 De retour, le serviteur rapporta ces paroles à son maître. Alors, pris de colère, le maître de maison dit à son serviteur : “Dépêche-toi d’aller sur les places et dans les rues de la ville ; les pauvres, les estropiés, les aveugles et les boiteux, amène-les ici.” 22 Le serviteur revint lui dire : “Maître, ce que tu as ordonné est exécuté, et il reste encore de la place.” 23 Le maître dit alors au serviteur : “Va sur les routes et dans les sentiers, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison soit remplie. 24 Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner.” »
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09 Allez donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les à la noce.” 10 Les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives.
| 3 Le maître dit alors au serviteur : “Va sur les routes et dans les sentiers, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison soit remplie.
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14 Car beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. » | 24 Car, je vous le dis, aucun de ces hommes qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner.” »
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Le cadre de ces deux récits est très différent. Chez Matthieu, cela se passe à Jérusalem, et il semble bien que ces paraboles soient un peu comme des banderilles plantées dans le cou des notables et qui les pousse à détruire l’envoyé, mais qui dévoile aussi leur incapacité à se convertir.
Chez Luc, on est en Galilée, même si Jésus est sur la route de Jérusalem, mais on en est encore loin. Jésus a été invité à un repas par un pharisien. Il a guéri un malade alors que c’est un jour de Sabbat, puis en voyant comment les invités essayent de prendre les meilleures places, il leur conseille de ne pas le faire, et donne une sentence (à l’usage de tous) : qui s’élève sera abaissé et que s’abaisse sera élevé. Il a ensuite conseillé d’inviter des pauvres, des estropiés, des boiteux (tous ceux qui ne sont pas ou peu admis dans le temple) parce que ce qui a été donné là sera rendu à la résurrection des justes. Cette évocation pousse alors un des convives à déclarer heureux ceux qui participent au repas dans le royaume de Dieu, et c’est là que Jésus raconte cette parabole, qui montre l’universalité du royaume, et qui met en garde ceux qui pensent y être légitiment invités et qui ont refusé de fait l’invitation.
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