Cinquième dimanche de Carême: la femme adultère, ou la mort de Jésus se programme.
On dit parfois que ce texte aurait pu appartenir à l'évangile de Luc, mais je trouve qu'il a bien sa place ici. A Jérusalem, l'étau se resserre de plus en plus.
J'ai déjà écrit deux billets, très éloignés dans le temps, sur cette péricope. Le premier, 2013, https://giboulee.blogspot.com/search?q=la+femme+adultère, fait parler la femme, et ce qu'elle a vécu; et le second, 2019, Jésus lui-même: https://giboulee.blogspot.com/2019/04/jesus-raconte-la-femme-adultere-jn-8-1.html.
Ce matin, en travaillant ce texte, je voyais un premier cercle autour de Jésus, avec "la foule" et quelques disciples, car l'heure est matinale; puis un deuxième cercle, mais plutôt une sorte d'ellipse, avec deux foyers: la femme jetée en pâture, et Jésus qui risque d'être lui aussi jeté en pâture, et autour les pharisiens et quelques disciples qui sont restés, et peut-être quelques curieux, mais plus grand monde. Et à la fin à nouveau un cercle, Jésus et la femme sont au centre, il reste peu de monde autour.
Et c'est un de ses disciples qui va raconter ce qui s'est passé ce matin là.
Les postures physiques de Jésus dans cet épisode m'interrogent toujours. Il est assis, la position du maître qui enseigne. Il se baisse et écrit sur le sol, comme s'il se mettait dans une bulle, comme s'il s'isolait. Il se relève pour donner quelques mots, là c'est une parole qui suit l'écrit, mais peut-être que c'est un moyen de vivifier ce que lui a écrit sur le sol, que nous ne connaissons pas; et à nouveau il se sort de ce qui se passe, il ne regarde pas, il n'influence personne, il est là. Et ce n'est que dans un nouveau silence qu'il s'adresse à la femme, et là, je le vois debout.
Un disciple raconte
La dernière rencontre avec les bien-pensants, ceux qui utilisent la Loi comme un bouclier, s'était mal terminée. Ils auraient même voulu que notre maître soit arrêté, mais par un vrai miracle les gardes ont été subjugués par sa parole et n'ont pas porté la main sur lui. Un peu de temps avait passé, mais je pensais bien qu'ils chercheraient un moyen pour prouver qu'il n'était pas un bon juif et pour le faire lapider. Ils ont la pierre facile à Jérusalem. Il faut dire qu'ici les pierres ce n'est pas ce qui manque.
Jésus avait passé comme souvent la nuit dans le jardin des Oliviers, ce jardin qu'il aime tant. Et comme souvent il était arrivé au Temple dès le lever du soleil, pour le chant des psaumes. Des gens s'étaient rassemblés autour de lui, et il avait commencé à leur parler. Ils étaient suspendus à ses lèvres. Il était donc assis, et nous et quelques autres autour de lui en cercle.
Et tout à coup, il y a du bruit, des pas, des pleurs étouffés. arrive une jeune femme, en larmes, tenue par deux pharisiens et suivie par beaucoup d'autres. Ses gardiens, car c'en était, l'ont poussée devant Jésus, presque jetée à terre, mais elle est restée debout. Ils ont dit qu'ils avaient surpris cette femme en délit d'adultère, que la loi de Moïse prescrivait de lapider ces femmes, et que lui, il était sommé de dire ce qu'il fallait faire.
Pour un piège c'était un piège et du coup, mon maître était en aussi mauvaise position que cette pauvre femme, parce que s'il disait qu'il fallait obéir à la loi de Moïse, cela le discréditait aux yeux de tous ceux qui croyaient en lui et qui voyaient en lui le sauveur attendu, celui qui communiquait avec le Très Haut, qu'il appelait son père, et s'il disait qu'il ne fallait pas, alors il manquait à la loi de Moïse, et il était lui passible de lapidation. C'était vraiment un vrai traquenard. Et je me sentais là, en spectateur, totalement impuissant.
Lui, il était toujours assis. Il avait son regard triste, ce regard que je connais bien quand quelque chose le peine. Et de la compassion pour cette jeune femme il en avait. D'ailleurs normalement elle n'aurait pas dû être seule. Son compagnon aurait dû être là, mais lui, il avait sûrement réussi à sauver, ou alors elle n'avait rien fait et c'était un coup monté. Enfin c'est ce que j'ai pensé à un moment.
Jésus ne disait rien, ne répondait rien, comme s'il se murait dans le silence; et il s'est mis à écrire sur le sol, enfin à tracer des lettres. J'étais trop loin pour lire ce qu'il écrivait. Il me semble quand même qu'il avait écrit le nom d'Adonaï, et celui de Moïse. Il ne regardait personne. La femme était debout, lui assis, regardant le sol. Le silence était pesant.
Ils sont revenus à la charge, et là, il s'est redressé, il les a regardés, avec toujours cette infinie tristesse, je dirais presque qu'il avait des larmes dans les yeux; et il a juste prononcé une phrase. Il a dit: "Que celui qui est sans péché lui lance la première pierre".
Et là il y a eu un autre silence. On ne lapide pas dans le Temple, on lapide hors de la ville, et eux ils avaient des pierres avec eux. Comme si tout était prévu à l'avance. Seulement là, ils ont baissé la tête. Après tout, l'écriture ne dit-elle pas que le juste pèche sept fois par jour? Alors les uns après les autres, en commençant par le plus âgé, ils sont partis. Qu'ont-ils pensé? Ont-ils reconnu qu'ils étaient aussi mauvais que ces vieillards des temps anciens qui avaient voulu faire condamner la jeune Suzanne? Étaient-ils furieux après Jésus? Je ne sais pas, mais un autre silence était là. Et Jésus avait continué à écrire.
Il s'est enfin redressé, un peu comme s'il s'éveillait d'un mauvais rêve. Il a regardé la femme, et il a dit "Femme où sont-ils? Puis il a ajouté, comme s'il était surpris: "Personne ne t'a condamnée?". Elle a répondu: "Personne Seigneur".
Et là, Jésus a souri. Un pauvre sourire. Je crois qu'il était très secoué par ce qui venait de se passer. Il s'est remis debout, il l'a regardée, et il lui a dit "Va, et ne pèche plus". Alors bien sûr elle est partie, sans trop demander son reste, mais elle était devenue autre. Elle s'était redressée, elle n'était plus perdue, elle était belle, belle comme tous ceux que notre maître fait renaître.
A notre tour nous avons quitté le Temple, et nous sommes partis à Béthanie.
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