dimanche, avril 07, 2019

Jésus raconte la femme adultère: Jn 8, 1-11

C'est le cinquième dimanche de Carême. L'évangile propose la femme adultère; et même si j'ai déjà écrit plusieurs textes sur ces versets, j'ai eu envie de laisser Jésus raconter. Mais j'ai eu aussi envie de remettre ce texte dans le contexte de mort: car, si je puis dire, quand Jésus est en Judée, il est "wanted", sa tête est quasiment mise à prix. Il dérange trop. Et dans cette histoire, il est bien question d'arriver enfin à se débarrasser de ce type qui est tellement gênant.

Ce qui se passe là, c'est aussi cette manière qu'a Jean de reprendre les synoptiques à sa manière. Car si on ne présente pas, dans les synoptiques, une femme ayant (soit-disant) commis l'adultère, cette question de l'adultère sera évoquée autrement, quand les pharisiens demanderont à Jésus si un homme a le droit de renvoyer sa femme, ou quand les sadducéens poseront la question de savoir avec lequel de ses époux la femme qui a épousé les sept frères vivra après la résurrection. Mettre Jésus à l'épreuve pour pouvoir le tuer..


Jésus raconte sa rencontre avec cette femme dont on ne connaît pas le nom...

C'était pendant la semaine de la fête des Tentes. J'avais hésité à monter au Temple, mais mon Père m'a dit que je devais y aller, être un juif qui obéit aux prescriptions de Moïse. Et une fois dans ce lieu, qui est le lieu ou qui devrait être le lieu de la Présence, j'ai enseigné; et les foules de ceux qui aiment m'entendre sont venues. J'aime leur parler, j'aime les enseigner. Ils commencent à se demander qui je suis.

Ils sont un peu empêtrés avec ce que disent les scribes sur le Messie: parce que pour eux je suis de Nazareth, et Nazareth est en Galilée. Et de Galilée, d'après leur manière de scruter les écritures, rien ne peut sortir de bon, surtout pas un prophète; et encore moins le messie. Ils ne savent pas que je suis pourtant de la descendance de David, et que j'ai vu le jour à Bethléem; mais c'est important qu'ils ne le sachent pas. Ils doivent me reconnaître comme le Fils, non pas à cause de mon origine géographique, mais parce que, comme mon Père, j'agis pour le bien et pour le bon. Et si j'ai guéri ce paralytique un jour de Sabbat, ce n'est pas pour transgresser, mais pour permettre à cet homme de vivre en fils, et n'est ce pas cela l'important? 

Mais si la foule m'apprécie, par contre les scribes et les pharisiens, et même les anciens qui siègent au Sanhédrin, sont tellement en colère contre ce que je suis, qu'ils ont même envoyé des gardes pour m'arrêter; tout ça, pour cette guérison. Mais au-delà, ils ont peur. Et ils ne savent pas de quoi. Du coup, ils refusent d'ouvrir les yeux de leur cœur et ils se servent de la loi comme d'une arme contre moi. Seulement, les gardes, qui sont des gens simples, n'ont pas porté la main sur moi, et ils en ont été pour leur frais; mais je suis sur "mes gardes", ils vont trouver quelque chose pour me mettre à mort.

Et aujourd'hui, après avoir passé la nuit dans le jardin des oliviers, ce jardin où il y a ce grand cimetière mais aussi ces arbres qui me font penser à cette phrase "et moi je suis comme un bel olivier planté dans le jardin de mon Dieu", je suis allé chanter les psaumes dans le temple et j'ai commencé à enseigner. Bien sûr mes disciples sont là, et déjà une petite foule. Et ils sont arrivés., ils je veux dire les "bien pensants", les "purs", les "justes". 

Avec eux, il y avait une jeune femme, elle me faisait penser à ma maman, elle était toute jeune. Surement une de ces femmes accordée à un homme bien plus âgé qu'elle, et qui est un peu une esclave, quoiqu'on en dise. Elle n'avait pas son voile; elle était vêtue à la hâte et il y avait des larmes qui coulaient. 

Ils m'ont interrompu, ont placé la femme en plein milieu devant moi. Ils m'ont dit qu'elle avait commis l'adultère, et qu'ils voulaient que je leur dise ce qu'ils devaient faire... Alors là.. SI je dis qu'il ne faut pas la lapider, ils diront que je ne respecte pas la Loi, et ils me lapideront avec elle. Et si je dis qu'il faut la lapider, ils diront que moi qui prêche la miséricorde des pécheurs, je ne suis pas cohérent, et je n'aurai plus aucun crédit auprès de ceux que j'aime tant enseigner. 

Alors je me suis assis, je suis comme rentré en moi-même, et je parlais à mon Père. Il m'a dit d'écrire sur le sol la loi que moi je devais mettre dans leur cœur, cette loi dont parlaient Jérémie et Ezéchiel, cette loi d'amour. Cette loi je l'ai écrite sur le sable, parce que le temps de l'écrire dans le cœur n'était pas venu: "Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés". Et eux, ils discouraient toujours, et elle, elle était de plus en plus terrorisée. Certains avaient déjà commencé à ramasser des pierres. Moi, je cherchais les mots pour exprimer la nouvelle loi, celle que je leur donnerai. 

Ils se sont à nouveau adressés à moi, et là je me suis redressé; et les mots sont sortis tous seuls: "Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre!" Je n'ai pas vraiment réfléchi, les mots se sont formés en moi. Et eux qui connaissent si bien la Tora, ils savent bien que le juste pèche sept fois par jour, alors eux.. Je ne juge pas, je suis triste à en mourir pour eux; mais cette femme, cette petite fille, qu'elle ait ou non commis l'adultère, n'est-elle pas aussi comme tout ce peuple qui n'écoute plus mon Père? Et moi je suis venu pour qu'ils aient la vie, pas la mort. 

Alors ils ont baissé les yeux, eux tous, tels qu'ils sont; et ils sont partis les uns après les autres, en commençant par les plus âgés. Et elle est restée seule, dans ce cercle vide. Elle et moi. Moi assis, elle debout. Elle n'osait pas me regarder. 

Je lui ai demandé où ils étaient - j'ai fait cela pour qu'elle revienne dans le présent, pour qu'elle sorte de son mutisme. Elle a ouvert la bouche pour dire qu'ils étaient tous partis. Je lui ai dit qu'elle pouvait partir, rentrer (mais où?); et qu'elle devait résister au péché. 

Il s'est alors passé quelque chose. Son regard s'est comme illuminé; je crois qu'elle m'a vu tel que je suis, sans péché. Et au lieu de partir, elle a regardé mes disciples.

Jean, celui qui a ses entrées auprès des grands-prêtres lui a souri, et lui a fait signe qu'elle pouvait venir avec nous. Un jour, un autre jour, c'est ma maman que je lui confierai, mais ce jour n'est pas encore là, même s'il n'est pas loin. 

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