mercredi, octobre 28, 2020

Luc 13, 10-17. La femme courbée.

LUNDI 26 OCTOBRE. Lc 13, 10-17 La femme courbée.

 

C'est un texte que j'aime beaucoup, parce que des enfants courbés et redressés par la chirurgie, j'en ai vu. J'en ai vu des complètement tordus. Seulement cela ne se répare pas comme ça, avec une parole et un geste.  


Voilà dans cet évangile une autre femme. On a eu la femme qui perdait du sang, la femme pécheresse, et là on a la femme courbée. C'est la femme qui contemple ses pieds, les pieds de ceux qui sont à côté d'elle, mais non leur visage... C'est aussi une femme qui souffre: elle souffre de son handicap mais aussi du regard des autres. Elle est possédée par un esprit mauvais... 

 

Dix-huit ans... La femme qui a des pertes de sang, c'est 12 ans, on peut dire deux fois six et là, trois fois six. Je suppose que le six peut évoquer les jours de la semaine, puisqu'il va en être question dans le texte: six jours pour se faire guérir… Et c'est le septième que la guérison se fait, avec le scandale pour ceux qui croient que le septième jour est consacré au repos, et qui en se focalisant sur cette fausse transgression ne voient pas le "bon" de ce septième jour.


Dans un premier temps, j'ai juste "travaillé" ou laissé travailler ces versets, comme je le fais quotidiennement, puis j'ai eu envie de laisser raconter. Laisser parler la femme, laisser parler Jésus, laisser parler le chef de la synagogue, laisser parler quelqu'un de la foule.


*****


Le texte: Luc 13, 10-17

 

 

10 En ce temps-là, Jésus était en train d’enseigner dans une synagogue, le jour du sabbat. 

 

On a le cadre: une synagogue; ce que fait Jésus: il enseigne; et le jour choisi, celui du sabbat. Ce qui semble tout à fait normal.  

 

11 Voici qu’il y avait là une femme, possédée par un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans; elle était toute courbée et absolument incapable de se redresser. 

 

Dans l'assistance, et cela m'étonne un peu, il y a une femme. A-t-elle été prévenue que Jésus serait là, ce jour là? Espère-t-elle, comme la femme qui perd du sang, un miracle? On ne sait pas. Mais ce qu'on sait, c'est que cela dure depuis dix-huit ans. Quel est le symbolisme de ce nombre? Je pensais à 3 fois 6, avec les six jours de la création. Quelque chose aussi qui dure. Pour la femme qui perdait du sang c'était 12 ans. Trois fois 4, ou deux fois six. Ici, trois fois six. Encore plus long, presque toute une vie. Et Jésus ne fait pas comme s'il ne la voyait pas. Non: il la regarde; et elle ne peut pas le savoir, puisqu'elle ne peut pas se redresser.

 

12 Quand Jésus la vit, il l’interpella et lui dit : « Femme, te voici délivrée de ton infirmité. » 

13 Et il lui imposa les mains. À l’instant même elle redevint droite et rendait gloire à Dieu

 

Et c'est une affirmation... "Femme te voilà délivrée", et le geste, qui évoque aussi la belle-mère de Pierre. Elle ne le sert pas, mais elle rend gloire à Dieu. Elle redevient capable de cela, elle qui avait surement dû être considérée comme une maudite.. Il y a le "à l'instant même" qui évoque Marc. Interpeller est un verbe fort: Jésus interpelle la mer… On peut donc penser que c'est un combat entre Jésus et ce qui rend cette femme infirme. Est-ce l'imposition des mains qui est considérée comme un travail? Le "rendre gloire à Dieu" est je crois assez fréquent, voir la guérison du paralytique chez Luc.

 

14 Alors le chef de la synagogue, indigné de voir Jésus faire une guérison le jour du sabbat, prit la parole et dit à la foule : « Il y a six jours pour travailler; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. »

 

Ce qui m'étonne, c'est que le chef est indigné et qu'il ne s'en prend pas à Jésus mais à la foule... Et c'est la foule qui prend la colère. Allez vous faire guérir (mais par qui?) pendant la semaine, pas le jour du sabbat. Qui porte la faute? Jésus qui guérit, ou ceux qui viennent non pour l'office, mais pour obtenir une guérison?

 

 15 Le Seigneur lui répliqua : « Hypocrites ! Chacun de vous, le jour du sabbat, ne détache-t-il pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire ? 

16 Alors cette femme, une fille d’Abraham, que Satan avait liée voici dix-huit ans, ne fallait-il pas la délivrer de ce lien le jour du sabbat ? »

 

Sauf que Jésus, comme il le fait toujours, prend la défense de la foule. Il rappelle que le jour du sabbat, on s'occupe de son bétail. Et cette femme, est bien plus qu'une pièce de bétail.. Elle appartient à la nation choisie, elle est descendante d'Abraham, alors il fallait la délier (puisque l'alliance c'est aussi cela).

 

17 À ces paroles de Jésus, tous ses adversaires furent remplis de honte, et toute la foule était dans la joie à cause de toutes les actions éclatantes qu’il faisait.

 

Et là, on se rend compte du conflit qui se joue autour de Jésus. La foule est dans la joie, non parce qu'il a fermé le bec du chef de cette synagogue (et si on se réfère à l'évangile de Jean, aux pharisiens qui ne regardent pas le signe, mais qui s'attachent au moment du signe - cf. le paralytique de la piscine ou l'aveugle né), mais bien parce qu'un signe a été donné. 

 

 

On peut voir cette scène avec les yeux de la femme courbée, avec les yeux de Jésus, avec les yeux du maître de la synagogue, et avec les yeux de quelqu'un de la foule.


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La femme courbée raconte

 

Cela fait dix-huit ans que je ne peux plus lever la tête, regarder le ciel, regarder ceux qui me parlent. Je suis tellement courbée, tellement cassée en deux, que je ne peux que regarder le sol, que mes pauvres pieds. 

 

C'est vrai que ça m'est arrivé d'un coup, comme si quelque chose se bloquait dans mon dos. J'en ai vu des médecins, j'en ai suivi des traitements, mais je reste comme ça, et je souffre. Et je souffre parce que je sens bien qu'on me regarde soit comme une pécheresse, soit comme une possédée; et qu'on a peur de moi, comme si j'étais une sorcière. Ce que je sais, c'est que je suis liée par quelque chose qui est bloqué dans mon corps, qui m'emprisonne, qui m'oblige à regarder le sol, moi qui aimais tellement regarder le ciel, les nuages, les étoiles, les oiseaux… Je ne sais pas ce que c'est, mais c'est quelque chose de mauvais. 

 

Il y a bien ce nouveau Rabbi, que l'on appelle Jésus, qui vient de Galilée et qui a fait beaucoup de guérisons. J'ai entendu dire qu'il avait guéri une femme qui était malade depuis douze ans. Moi, cela fait dix-huit ans que je suis infirme. Il paraît qu'il va souvent enseigner dans les synagogues le jour du Sabbat. S'il vient dans ma synagogue j'irai l'écouter et ensuite je lui demanderai de me guérir. Je me mettrai tout au fond, peut-être qu'il me remarquera. Peut-être… 

 

Lui et ses disciples sont arrivés dans notre ville, et comme je l'ai pensé, je vais aller le trouver quand ça sera possible. Peut-être que la force qui sort de lui viendra sur moi, et me guérira.

 

Il y en avait du monde ce jour là à la synagogue. Je me suis faite encore plus petite que d'habitude, parce que beaucoup pensent aussi que je suis une malédiction, et que je peux provoquer du malheur. Et le chef de la synagogue ne m'aime pas. J'ai commencé à écouter ce que ce Jésus disait. Je l'ai écouté, écouté, écouté. Ce qu'il disait coulait en moi, coulait sur moi, me restaurait. Ses paroles étaient comme du miel. 

 

Et il s'est d'un coup adressé à moi. Il m'a dit sur un ton très autoritaire, très ferme: "Femme te voilà délivrée de ton infirmité". Et je me sentais comme un petit oiseau qui ouvre ses ailes pour la première fois. Quelque chose s'est comme décoincé en moi, et je me suis dépliée, déplissée, je me suis redressée, j'étais droite. Et j'ai pu le regarder lui. Qu'il était beau… Il a posé son regard sur moi, il a posé sa main sur ma tête, puis aussi sur mes épaules. Et j'étais sur mes deux jambes, bien droite, et tellement heureuse.. Et tous ceux qui étaient là étaient dans l'admiration. 

 

Seulement, du coup, ça a fait du bruit dans la synagogue, et le chef n'a pas été content. Il ne s'est pas adressé à Jésus, il n'a peut-être pas osé, mais il a crié sur nous, en disant que le jour du Sabbat, ce n'était pas un jour pour se faire guérir. Je crois qu'il n'a rien compris, et c'est ce que le Maître lui a bien fait comprendre. 

 

Car Jésus lui a rappelé, en s'appuyant sur la Parole, que le jour du Sabbat, on doit nourrir son âne ou son bœuf, et lui donner à boire. Et que moi, qui étais de la race d'Abraham, donc bien plus qu'un animal de trait, c'était bien normal que je sois déliée de cette maladie qui m'avait paralysée depuis tant d'années. 

 

Et tous nous avons chanté sans nous concerter un cantique à la louange de notre Dieu qui nous avait envoyé un tel homme. 

 

Je sais que cet homme, je vais l'accueillir chez moi, que je vais pouvoir enfin faire à manger sans demander de l'aide et que je vais le recevoir comme le roi qu'il est. 

 

 

Jésus raconte

 

Avec mes disciples nous étions, comme souvent le jour du sabbat, entrés dans la synagogue d'une petite ville. Je les avais d'ailleurs envoyés au devant, pour préparer mon arrivée.

 

Pendant que je parlais, j'ai senti cette force qui est en moi se réveiller. Alors j'ai regardé: et j'ai vu une pauvre femme, pas si vieille que ça d'ailleurs, toute courbée, toute cassée, incapable de lever la tête. J'ai vu sa souffrance, j'ai vu sa douleur. J'ai vu qu'il y avait du Mal en elle, et que ce mal, qui la tenait en fausse position d'humilité et qui l'humiliait, je devais le chasser. Ce mal c'était un peu comme ce jour où les vagues se sont déchaînées contre la barque qui me conduisait en terre de Gérasa. Je veux dire que c'était violent, c'était brutal, c'était destructeur. Et ce mal, je me devais de le chasser, de le réduire au silence, de délier cette femme. Et même si je ne voyais pas son regard, j'entendais sa demande de guérison. 

 

Et c'est ce qui est arrivé. 

 

Je l'ai déliée comme on délie un âne ou un bœuf le jour du sabbat pour lui donner à boire et à manger.

 

Quand elle s'est redressée, il y avait en elle une telle joie, mais aussi une telle foi, que c'était pour moi un véritable ravissement, et je louais mon Père. 

 

Seulement le maître de la synagogue - et en cela il est bien comme les pharisiens de Jérusalem, au lieu de se réjouir, s'est mis en colère. Il aurait dû me crier dessus, mais il n'a pas osé. Il a invectivé la foule, en leur disant qu'il y avait six jours dans la semaine pour se faire guérir.. Que le jour du sabbat ce n'était pas correct. Mais qu'est ce qui est correct?

 

Je n'ai pas pu m'empêcher de lui rappeler les écritures, qui disent que; même le jour consacré à mon Père, on doit quand même s'occuper des ses animaux, leur donner le nécessaire. Et moi, j'avais restauré cette femme. Alors il est sorti, tellement il était en rage; et tous mes amis se sont mis à louer mon Père pour cette guérison, mais aussi parce qu'il visitait son peuple. 


 

Le chef de la synagogue raconte

 

Mais pour qui il se prend celui-là? D'accord il parle bien; d'accord, il sait manier l'écriture alors qu'il n'a pas fait d'études; mais faire une guérison le jour consacré à notre Dieu, non il n'avait pas le droit de le faire. 

 

Le sabbat c'est sacré, il devrait bien le savoir, même si paraît-il il aurait répondu à des personnes que je connais que "le Fils de l'homme était le maître du sabbat" et que le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat. 

 

Je vais lui montrer moi, ce qu'il en coûte de se prendre pour le messie. Seulement, après cette guérison, je ne peux pas m'en prendre à lui, alors je vais dire à tous ceux qui sont là, qu'ils n'ont pas le droit de se faire guérir ce septième jour et qu'ils sont tous des pécheurs, et que ce Jésus, somme toute, il est encore plus pécheur qu'eux. Vivement qu'il s'en aille… Quant à cette femme, plus jamais elle ne mettra les pieds dans ma synagogue.


 

Quelqu'un dans la foule raconte

 

On savait que le prophète de Galilée devait venir chez nous, et qu'il enseignerait dans la synagogue; et c'est ce qu'il a fait. 

 

Mais ce que moi, je n'avais pas vu, c'est qu'il y avait une femme toute courbée, bien plus courbée que les vieux, bien plus courbée que ceux qui ont une bosse dans le dos, qui ne pouvait regarder que la terre. Je me suis demandé ce qu'elle avait fait de mal pour être ainsi punie. On m'a dit que cela faisait dix-huit ans qu'elle vivait cet enfer. 

 

Et brusquement j'ai entendu Jésus qui, d'une voix forte, disait: "Femme te voilà délivrée de ton infirmité!". Ces mots, il les a criés, et la femme s'est redressée. Et j'ai vu son regard, j'ai vu sa joie! En moi ça s'est mis aussi à chanter, chanter devant ce qui venait de se passer, chanter devant cet homme bon, chanter la gloire de notre Dieu. 

 

Seulement le chef de la synagogue n'a pas aimé du tout ce qui venait d'arriver. Il nous a dit d'aller voir ailleurs, enfin je veux dire qu'il a dit que le jour du sabbat c'était interdit de faire des guérisons et que les malades devaient rester chez eux. Et Jésus n'a pas aimé: il l'a traité d'hypocrite, et lui a rappelé que le jour du sabbat on a le droit et même le devoir de nourrir son bœuf ou son âne, et que cette femme, elle valait bien plus qu'un bœuf ou qu'un âne; qu'elle avait soif de guérison, et que lui, il se devait de faire cela. 

 

Du coup, ça a fait un grand silence. Les partisans du chef sont sortis et nous, nous sommes restés et nous étions vraiment dans la Joie. Un grand prophète s'est levé parmi nous, peut-être est-il le Messie envoyé pour nous libérer.

 

 


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