Jésus marche sur la mer. Mt 14,23-33
Nous avons lu ce chapitre en groupe il y a quelques jours. Quand cet épisode est proclamé le dimanche, le prêtre parle en général de la barque de l'église qui est battue par les flots, par le mal; et en ce moment il semble bien que l'église vive quelque chose comme cela. Mais ce qui m'a intéressée, c'est que Jésus n'est pas reconnu, et que Pierre lui demande une preuve, comme Thomas le fera plus tard après la résurrection. Alors peut-être que le Christ est déjà là au milieu de ce qui se passe; encore faut-il lui faire confiance et penser à tous ceux qui, jour après jour, sont ses disciples.
J'ai donc tout d'abord repris simplement le texte, tel qu'il se donne à lire. Ensuite j'ai laissé Thomas raconter à sa manière "ses tempêtes".
Dans l'évangile de Matthieu on trouve, après le chapitre consacré aux paraboles, un chapitre relativement "actif". Jésus, qui a appris la mise à mort de Jean-Baptiste, préfère prendre ses distances et va dans un lieu désert; mais pas si désert que ça, puisque les foules le suivent. Il enseigne, et le soir venu ses disciples lui font remarquer, en parlant de nourriture, que peut-être ça serait bien qu'il s'arrête, qu'il s'occupe un peu d'eux, et qu'il renvoie tout le monde. Mais ça, c'est mal connaître Jésus: d'abord les autres.. Et il prend le pain prévu pour les siens, et nourrit plus de cinq mille hommes. Nous connaissons bien ces textes, mais il est évident que pour ceux qui participent à cela, un nouveau Moïse est là. Et Moïse, c'est le libérateur, celui qui a fait de grands miracles. Jésus ne veut pas être le nouveau Moïse, et avant même de renvoyer la foule il renvoie ses disciples...
La phrase "il obligea ses disciples à monter dans la barque", évoque un peu une résistance de leur part... Surtout qu'il ne les accompagne pas. Jésus les pousse à reprendre la mer, à ne pas voir ce qui se passe, et c'est lui tout seul qui renvoie la foule. J'ai un peu l'impression que les disciples ont pu se sentir lésés. Comme quoi obéir, ce n'est pas si facile.
Là dessus, quelque chose se passe. Et là encore, tel que c'est décrit, il semble que le lac se déchaîne contre la barque, la harcèle comme dit la B.J., pour la faire chavirer, pour se débarrasser de ces hommes qui un jour continueront la lutte contre le mal. Comme ces forces savent qu'elles ne peuvent rien contre Jésus, elles s'attaquent, comme on dit, aux maillons plus faibles.
Là dessus, alors que le jour n'est pas vraiment là, Jésus décide de rejoindre la barque. On peut imaginer la stupeur de ces hommes qui sont dans un demi jour, qui voient une silhouette un peu fantomatique, dans l'écume, qui s'approche: de là à le prendre pour un fantôme, un esprit du mal sorti des profondeurs, ce n'est pas difficile.
Mais le fantôme parle; et la phrase dite ne peut que résonner avec d'autres phrases adressées à des demandeurs de guérisons: "Confiance!…" Cela, c'est une phrase qui appartient bien à Jésus. Puis arrive: le "C'est moi, n'ayez pas peur", qui aurait dû les rassurer, mais la réaction de Pierre prouve qu'il n'en n'est rien. En fait il demande à cette silhouette de faire un miracle pour lui, pour lui prouver que justement c'est bien Lui, parce que ça Pierre en est sûr, si c'est son Maitre, il ne le laissera pas mourir.
Alors Pierre fait confiance, il "vient", et manifestement Jésus n'est pas tout près de la barque. Un peu comme un enfant qui fait ses premiers pas, Pierre, au lieu de regarder les bras de sa maman, regarde autour de lui, et voit ce que souvent nous appelons des moutons, ces vagues couronnées d'écume qui se chevauchent, qui vont vite et qui montrent combien ça remue. Et Pierre a peur, tellement peur qu'il perd pied au sens fort, qu'il se sent aspiré par cette eau et qu'il commence à se noyer. Et de là l'appel: "Seigneur sauve moi". Et ce "sauve moi", c'est sauve-moi de la mort; là il ne se pose plus de questions, Pierre, il sait que l'autre, c'est bien Jésus. Comme quoi parfois l'expérience de la mort proche peut ouvrir les yeux.
Le texte dit alors que Jésus étend la main et le saisit, ce qui laisse à supposer que Pierre avait déjà presque atteint Jésus, et que Jésus s'est déplacé pour aider son disciple. Le geste est beau, étendre la main vers, c'est presque un geste de bénédiction. Par contre saisir c'est autrement plus fort. Si on essaye de voir l'image, c'est comme si Pierre était en train de glisser et que Jésus le retient fermement.
Les deux montent dans la barque toujours secouée par les vagues et ce n'est qu'à ce moment là que la tempête se calme; et que ceux qui sont là se prosternent (pas facile dans une barque), et reconnaissent à ce moment là en Jésus le Fils de Dieu.
Thomas raconte:
On venait d'apprendre qu'Hérode avait fait assassiner Jean dans sa prison et qu'il pensait que Jésus était comme une réincarnation de Jean. Alors il valait mieux prendre la fuite, au cas où il aurait eu envie de mettre Jésus en prison, comme Jean. On a pris la barque et on voulait trouver un endroit sur la rive, mais en dehors de la ville. Seulement voilà, le bouche à oreille à dû fonctionner, quand on a accosté il y avait une foule immense. Nous qui pensions avoir un peu notre maître pour nous tous seuls! Et bien sûr, il en a guéri tout plein; il leur a parlé, et parlé et encore parlé; et l'un dans l'autre le jour baissait. On s'est regardés, et on s'est dit qu'il fallait lui demander qu'il renvoie tout le monde parce qu'il allait faire nuit, et que bien sûr il n'y avait aucun endroit pour acheter à manger.
Là, il nous a demandé ce que nous avions, nous. On n'était pas trop contents, mais on lui a dit qu'on avait avec nous 7 gros pains et curieusement deux poissons. Et il a dit aux gens de s'asseoir. On ne comprenait pas ce qu'il comptait faire.
Alors là, vous n'allez pas en croire vos oreilles: il a pris un pain, il a regardé vers le ciel, longuement, il a prononcé la bénédiction sur le pain, il l'a rompu et il nous a dit distribuer les morceaux; et là, des morceaux, il y a en a eu pour tout le monde! Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de pas qu'on a faits pour donner aux uns et aux autres. Pour les poissons c'était pareil. On avait l'impression d'une espèce de folie, mais une folie qui faisait du bien. On ne comprenait pas, on allait, on venait, on donnait encore et encore. Et au final il ya eu des restes; beaucoup de restes. On pensait pouvoir manger, nous, un peu tranquilles au lieu de grappiller un morceau par ci par là. Mais non, il nous a ordonné de prendre la barque, et d'aller sur l'autre rive. Je dois dire qu'on n'était pas trop contents, mais on lui a obéi. Une journée comme ça, c'est usant.
Bref on est repartis et voilà qu'à la fin de nuit, le vent s'est levé. Une vraie tempête, et on avait vraiment l'impression qu'elle était dirigée contre nous, et que les vagues qui venaient frapper la coque du bateau étaient bien plus nombreuses que les autres; et il faisait sombre. Et alors tout a coup on a vu une sorte de silhouette qui s'approchait vers nous. On a vraiment eu l'impression qu'elle sortait de l'eau, et qu'elle venait pour nous attirer dans les profondeurs. Mais le fantôme a parlé, et nous avons reconnu la voix de Jésus. Il nous disait d'être sans crainte. Pas si facile.
Et là, Simon, celui que Jésus a appelé Pierre, a voulu faire le malin. Ça c'est bien lui. Il voulait que la silhouette qui était là, debout dans les vagues, prouve qu'elle était bien Jésus. Des fois, les mauvais esprits, ça peut prendre la voix d'un vivant. Et il lui a demandé de lui ordonner d'aller jusqu'à lui. Et l'autre l'a fait, et Pierre est sorti de la barque!
On pensait vraiment qu'il allait se noyer. Mais non, il s'est mis à marcher vers la silhouette et puis tout d'un coup il s'est mis à hurler "au secours" et on a vu qu'il commençait à s'enfoncer. Alors Jésus, parce que là, nous avons enfin compris que c'était lui, lui a tendu la main; il s'est déplacé vers lui, et Pierre a attrapé la main, et tous deux sont arrivés au bateau et sont montés. On les a un peu aidés, mais qu'est ce qu'on avait eu peur!
Et d'un coup la tempête s'est calmée. Là, ça a été plus fort que nous, nous nous sommes inclinés devant lui, lui qui avait été capable de marcher sur les vagues, lui qui avait fait marcher Pierre, lui qui avait fait tombé le vent; et on lui a dit que nous le reconnaissions vraiment comme le Fils du Très Haut, Béni soit-il..
Puis nous avons accosté à Génésareth.
Au fond de moi je me demandais vraiment qui était ce Jésus, cet homme maître des éléments, et en même temps si attentif aux uns et aux autres.
Et puis du temps a passé, et nous avons connu la pire tempête qui puisse exister: Jésus a été arrêté, et crucifié comme un malfaiteur! Après, une femme est venu nous dire qu'elle avait vu Jésus, mais les femmes... Et nous nous terrions dans une salle, parce que nous avions peur des juifs. Ce premier jour de la semaine, je n'étais pas là. Les autres m'ont raconté que Jésus leur était apparu. Comme autrefois sur la mer déchaînée, ils ont cru que c'était un fantôme. Comme autrefois, il leur a dit de ne pas avoir peur, de ne pas craindre. Puis il leur a donné sa Paix. Alors là, c'est moi qui ai fait comme Pierre: qui ai voulu qu'il prouve que c'était bien lui. J'ai dit que je ne croirais que s'il montrait les trous des clous. Et voilà qu'une semaine plus tard il est venu, il s'est adressé à moi, il a montré les trous dans son corps. Là mon incrédulité a fondu comme neige au soleil. Comme autrefois, même si ce n'est pas rapporté par l'évangile, je me suis incliné devant lui, et en Lui j'ai reconnu Le Fils du Très Haut, mais aussi celui qui était le Seigneur de ma vie: Dieu qui était présent. Et son Esprit est venu en moi, comme il était venu dans et sur les autres. Maintenant je suis vraiment son apôtre, son envoyé.
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