Transfiguration : Luc 9, 28-36
Préambules.
Voici revenu le temps du Carême et donc le temps de retrouver des évangiles bien connus. La semaine dernière c'était les tentations après le baptême, racontées par Luc, puisque c'est son année dans le lectionnaire. Chez Luc, au moment du baptême le ciel s'ouvre ce qui réalise une demande du prophète Isaïe: "Ah si les cieux s'ouvraient et si tu descendais les montagnes s'ébranleraient devant toi". Ce ne sont pas les montagnes qui s'ébranlent mais c'est un autre ébranlement qui se met en place dans notre monde, sauf que cet ébranlement est d'une discrétion totale. Et pourtant un monde nouveau est là.
De ce ciel qui était fermé depuis qu'Adam et Eve ont été exclu de ce que nous nommons le paradis terrestre, sort à la fois le souffle de Dieu, qui en se posant sur jésus, l'enveloppe de son onction et demeure en lui, et une voix qui selon les traductions, dit : "toi, tu es mon Fils Bien-Aimé en qui j'ai mis toute ma joie, (affection approbation, en qui je me complais, je me suis complu, mon bon plaisir). Que Jésus puisse être le réceptacle de la Joie du Dieu, qu'il ait pu être rempli de cette joie, ce n'est pas imaginable, en tous les cas pour moi. Il devient à ce moment-là Présence du Père pour les hommes, mais les yeux ne peuvent le voir et le reconnaître.
Ce baptême est le début de ce que l'on appelle la vie publique de Jésus.
Je crois que l'on peut dire que la transfiguration, où la Présence est rendue visible aux yeux des trois apôtres, est un nouveau baptême, car jésus se met en route vers la Croix. La voix qui se fait entendre dit, nous dit "écoutez-le , il est mon Fils , il est celui que j'ai choisi, il est l'élu "
Je me disais aussi que voir Jésus avec Moïse et Élie, est aussi un moyen de montrer que Jésus contrairement à ce qu'on pouvait croire n'était pas une sorte d'avatar ce ces deux prophètes, Mais qu'il est l'Unique, celui annoncé par Isaïe, le nouveau messie. Pour le dire autrement Jésus n'est pas la résurgence d'un personnage ancien, si grand soit-il, il est celui qui est choisi par le Père.
J'ai beaucoup écrit sur cette péricope. J'ai relu ce que j'avais écrit il y a trois ans, puisque c'était le même évangéliste et je ne m'y reconnais plus. un texte plus récent de 2023, avec l'évangile de Marc existe, mais je ne m'en suis pas servi.
Je me rends compte aussi, que faire raconter par quelqu'un qui était là ce jour-là, mais qui bien entendu ne peut raconter que bien des années après, ce n'est pas si simple.
Comme conteur, j'ai choisi à nouveau Pierre, d'autant qu'il cite cet événement dans sa première lettre, mais il y a ce qu'il a pu vivre sur le moment et ce qu'il peut en raconter plus tard, quand ses yeux et son cœur ont reçu l'onction de l'Esprit Saint. Peut-être que seul Jésus pourrait raconter, mais cette idée me vient à l'esprit au moment où j'écris ce préambule.
Je me propose donc dans ce billet, de laisser Pierre raconter. On trouvera ensuite, en annexe, le travail préparatoire, à savoir le travail sur les versets, ainsi que la mise en tableau des récits des évangiles synoptiques.
En conclusion de ce billet, j'essayerai de laisser Jésus parler.
je me dis que si de la base de l'Hermon, sortent les sources qui donnent naissance au Jourdain, cette montagne est autrement plus importante que le petit Mont Thabor en Galilée. Et j'aime la situer en ce lieu-là.
La Transfiguration est un tournant. Jésus, rend son visage dur comme pierre et prend avec détermination, comme le dit Luc, la route de Jérusalem ! Certes il faudra plus de douze chapitres pour que Jésus n'atteigne cette ville, mais la centration sur la croix à venir, sur la mort et la résurrection, s'enracine peu à peu.
PIERRE RACONTE.
Nous descendions de la montagne avec lui, je veux dire de l'Hermon et nous avons été accueillis par une foule qui semble presque étonnée de nous voir et qui semblait même soulagée. À croire que notre absence a duré plus que je ne croyais. Mais parfois avec Jésus, on perd un peu la notion de temps.
C'est vrai que pour gravir l'Hermon, cette montagne qui domine Césarée de Philippe, il a fallu un certain temps. Jésus lui, il grimpe comme un chamois, mais moi, ce n'est pas pareil et comme ça grimpait très fort, j'ai dû m'arrêter et les autres ont dû attendre que je reprenne mon souffle. Nous avons connu la fatigue, la soif, et même la faim. Je ne parlerai pas de mes pieds, pourtant ils sont habitués à marcher, mais ces sentiers-là, c'est autre chose
.
Tout ça pour dire que nous étions bien fatigués quand nous avions fini de gravir la montagne.
Cette montagne dont parle les psaumes, je ne la connaissais pas; je dois dire qu'elle est magique. On s'y sent plus près de Dieu. L'air est différent, les sons sont différents.
Moi qui suis un pêcheur, je connais les beautés de mon lac, le lac de Tibériade. J'en connais ses beautés, mais aussi ses risques quand le vent se lève et que les flots assaillent les barques. J'aime le scintillement des vagues quand le soleil commence à se lever, ou quand la lune brille. La montagne ce n'est pas du tout mon élément. Pourtant en suivant Jésus, j'ai senti d'emblée que nous nous étions rapprochés du Très-Haut.
Nous étions tous les trois, en train de récupérer de notre fatigue. Nos yeux se fermaient presque malgré nous. Jésus lui, selon son habitude s'était mis à prier. C'est quand même rare de le voir en prière. Souvent il part tout seul, et on ne sait jamais quand il va revenir. Des fois, cela nous inquiète.
Tout à coup, il y a eu comme un bruit de voix. Malgré notre épuisement, nous avons vraiment ouvert les yeux, et ce que nous avons vu jamais nous ne pourrons l'oublier. Notre Maître était devenu lumineux. La lumière irradiait de lui, son visage était comme éclairé de l'intérieur, son vêtement était d'une blancheur qui faisait presque mal aux yeux. C'est comme si la Présence de celui qu'il appelle son Père, était visible pour nos yeux.
Et il n'était pas seul. Avec lui, il y avait notre Père Moïse, lui dont le visage était devenu lumineux après qu'il soit resté auprès du Très-Haut pendant quarante jours, ce temps où il écrivait les paroles de l'Alliance sur les tables de pierre, les nouvelles tables, puisque celles écrites par ma main de Dieu avaient été fracassées. Il y avait aussi Elie, qui lui aussi avait rencontré le Seigneur sur l'Horeb, qui avait entendu le son de sa voix, son qui était celui d'une brise légère, et qui avait été emporté sans connaître la mort sur un char de feu.
Ils parlaient avec Jésus de son départ qui allait s'accomplir à Jérusalem. Nous entendions bien cela, et c'était bien de sa mort à lui dont il s'agissait, cette mort qui serait la rédemption, le salut, mais dont je ne voulais pas entendre parler, parce qu'à ce moment-là, mes yeux étaient comme fermés.
Il y avait ce trio, Jésus, Moïse, Elie. Ces derniers étaient en train de se séparer de lui. Malgré la torpeur un peu paralysante qui était sur moi, sur nous trois, je me suis entendu parler et dire en m'adressant à Jésus qui était toujours empli de cette lumière, que nous pouvions construire trois tentes, une pour Lui, une pour Moïse, une pour Elie. Je ne sais pas ce qui m'a pris, peut-être que je voulais que le temps s'arrête, que cette Gloire, la Gloire du Très Haut, la Présence du Très Haut, soit comme capturée sur cette montagne, qu'elle y demeure, que le temps s'arrête, que la roue du temps ne tourne plus.
Je n'avais pas fini de parler, mais je ne sais plus très bien ce que je disais, parce que mon Maître était tellement plus que mon maître, qu'une sorte de brouillard est tombé sur nous. C'est peut-être fréquent en montagne, mais c'était plus qu'un brouillard, et je ne savais pas ce que c'était, Je dirai une nuée, un peu comme celle qui était lieu de la Présence du très haut quand notre peuple est sorti d'Égypte.
De cette nuée, parce que je sais maintenant que le Père de mon Seigneur était présent, est sortie une voix, qui s'adressait à nous. Cette voix ne faisait pas vraiment peur, mais quand même ! Elle nous remplissait d'une crainte sacrée. Cette crainte qui est là, quand on est en contact avec quelque chose qui vous dépasse complètement, qui vous donne envie de vous faire tout petit, qui vous donne presque envie de disparaître, parce que c'est trop pour les êtres de chair, les êtres mortels que nous sommes.
Elle nous disait que l'homme qui était devant nous, était celui qui avait été choisi par notre Seigneur, qu'il était son fils et que nous devions l'écouter.
Nos prophètes nous ont parlé d'un serviteur que le Seigneur avait choisi, mais là, c'était bien plus. J'avais bien reconnu en Jésus, le Messie de Dieu. À cet instant, c'était bien plus. C'était la gloire du Père sur le Fils, dans le Fils. Mais les mots sont impuissants.
Quant à l'écouter, je dirai à lui obéir, cela m'a tout de suite fait penser à ce livre où il nous est dit : "écoute Israël, notre Dieu est l'Unique". Écouter Jésus comme écouter le Seigneur. En serai-je capable ?
Même si la voix n'était pas une voix de commandement, malgré les mots qu'elle disait, nous étions remplis de crainte, Le silence a suivi, un beau silence. On entendait à nouveau des oiseaux chanter, le bruit du vent dans les feuilles et Jésus était là, le Jésus que nous connaissions, le Jésus de tous les jours, si je puis dire, qui nous regardait avec ce regard qui est le sien, ce regard qui nous fait parfois chavirer, ce regard d'amour.
Nous sommes descendus en silence. Ce que nous avions vu, nous l'avons gardé au fond de nos cœurs, sans en parler à qui que ce soit. L'indiscible ne se raconte pas.
Et comme je l'ai dit, la foule était là, avec les autres, et un homme a interpellé Jésus lui disant de regarder son fils qui devait être possédé. La vie a repris. Mais par moments, en fermant les yeux, je pouvais encore voir et ressentir la Présence du Seigneur dans celui qui est mon Seigneur.
ANNEXE: LE TEXTE.
Il m'a semblé que reprendre un tout petit peu en arrière était intéressant. Jésus dit en effet au verset 27 : " Je vous le dis en vérité : parmi ceux qui sont ici présents, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le règne de Dieu".
Ces versets suivent ce qu'on appelle la "confession de Pierre" qui proclame que Jésus est le Christ, le Messie de Dieu (deux mots pour dire la même chose, l'OINT), mais l'évangile s'adresse, surtout chez Luc, certes aux juifs mais aussi aux non-juifs de l'empire romain.
Je ne sais pas si ces hommes, Pierre, Jean et Jacques, ont vu de leurs yeux le règne de Dieu avant leur mort, mais spontanément je dirai que oui. Ils ont vu la multiplication des pains, et ce jour-là, leurs yeux ont vu ce que les rois et les prophètes auraient désiré voir., je veux dire Jésus rempli de la Présence et aussi irradiant de lui-même la Gloire.
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28b En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.
29 Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.
Ce qui laisse à supposer que chaque fois que Jésus prie, c'est ce qui se passe, mais ce n'est paa visible pour les yeux de chair. Là, c'est quelque chose de nouveau, Présence Divine totale. Le visage et le vêtement.
30 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,
31 apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Ce qui me frappe, c'est que ces deux-là, sur l'Horeb ont rencontré la Gloire de Dieu. Moïse le buisson mais surtout Ex 33 et Elie, ce Dieu qui est dans le murmure de la brise.
32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Finalement ils sont un peu paralysés, ils sont lourds de sommeil, mais ils ne dorment pas. Il me semble qu'ils sont un peu comme Abram qui voit Dieu passer, mais qui ne peut rien faire, saut voir et entendre et en garder souvenir, en garder mémoire. Alliance avec eux, les hommes qui se fait par Jésus qui va donner sa vie à Jérusalem, la nouvelle Alliance.
33 Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.
Je dois dire, que je peux comprendre Pierre qui voudrait que cet instant d'éternité ne soit pas fugitif, mais c'est impossible.
34 Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
36 Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
Il se passe alors beaucoup de choses, comme si la voix de Pierre avait provoqué quelque chose. Je veux dire comme si sa demande trop concrète de figer l'intemporel, avait fait une sorte de trou. Et c'est là, que comme au moment du baptême, la Présence du Père dans la nuée se donne à entendre, sous la forme de cette voix audible, qui contrairement à l'exode n'est pas une voix qui provoque la panique. Elle donne la Loi nouvelle : écouter le Jésus, qui est le Fils choisi entre tous les hommes, l'Unique.
La Transfiguration dans les synoptiques
Matthieu 17, 1-10 | Marc 9, 1-11 | Luc 9, 28-36 |
01 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. | 02 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. | 28 Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier. |
02 Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière | Et il fut transfiguré devant eu
03 Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille. | 29 Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante. |
03 Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. | 04 Élie leur apparut avec Moïse, et tous deux s’entretenaient avec Jésus. | 0 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie, 31 apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. |
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4 Pierre alors prit la parole et dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » |
05 Pierre alors prend la parole et dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
06 De fait, Pierre ne savait que dire, tant leur frayeur était grande. | 32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
33 Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. »
Il ne savait pas ce qu’il disait. |
05 Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuseles couvrit de son ombre, et voici que,
de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » |
7 Survint une nuée qui les couvrit de son ombre,
et de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » | 4 Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survintet les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent. 35 Et, de la nuée, une voixse fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » |
06 Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. | 6 Et pendant que la voix se faisait entendre | |
07 Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et soyez sans crainte ! » | ||
8 Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. 9 En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. » | 08 Soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux. 09 Ils descendirent de la montagne, et Jésus leur ordonna de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. |
, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu. |
10 Les disciples interrogèrent Jésus : « Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? » | 11 Ils l’interrogeaient : « Pourquoi les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? » |
JÉSUS RACONTE.
Nous étions dans le nord de la Galilée, pas loin de Césarée de Philippe. Je savais qu'il était temps pour moi de ne plus être seulement celui qui fait des guérisons, des miracles, qui rassemble les foules, mais de devenir celui qui conduit au Père.
J'avais demandé aux douze qui j'étais pour les foules; ils ont répété ce qu'ils entendaient dire quand ils passaient dans les villes ou les villages, à savoir que j'étais Jean le Baptiste, ou Elie, ou l'un des prophètes. Cela m'a fait un peu sourire, mais ces braves gens, ils voyaient en moi finalement un prophète de l'ancien temps, qui peut-être allait remettre un peu d'ordre. Mais ils ne me voyaient pas comme dénonciateur des ruptures d'alliance. Je crois qu'ils me voyaient comme un faiseur de miracles, un type gentil, mais de là à se convertir, il y avait de la marge, ce qui me désolait.
Je leur ai demandé alors pour eux qui j'étais. Et là, mon brave Simon a pris la parole, il a dit que j'étais le messie (l'envoyé, celui qui avait reçu l'onction) de Dieu. Comme il est le porte-parole des douze, cela me suffisait pour le moment.
Plus tard, ils comprendraient que je ne serai pas le libérateur de Jérusalem, mais le libérateur du Malin. La réponse de Simon, me montrait que le temps pour moi était venu de me mettre en route. Mais avant cela, parce que je savais qu'ils auraient des doutes au moment de mon arrestation et de ma mort, je voulais que quelques-uns puissent voir en moi la Présence du Père, pour qu'ils ne prennent pas la fuite quand le temps de l'épreuve serait arrivé. J'espérais aussi que ceux-là ne m'abandonneraient pas.
Nous n'étions pas loin de l'Hermon. C'est une belle montagne, parfois ses sommets sont enneigés et pour moi, même si on ne le voit pas, c'est le lieu où le Jourdain prend sa source.
J'ai pris avec moi, Pierre, Jean et Jacques, en laissant aux autres le soin de préparer villes et villages à mon passage.
La montée n'est pas facile et Pierre peinait beaucoup, transpirait beaucoup, traînait les pieds, râlait ! Les deux autres un peu moins, mais quand même. En arrivant là où moi je voulais aller, ils se sont couchés à même le sol, et se sont endormis.
Je me suis mis à prier, j'aime ces temps où je suis seul avec mon Père, où il est Présence pour moi, où je suis toute écoute, mais où je peux aussi lui parler de tout, de tout ce qui me préoccupe, de tout ce qu'il veut que je fasse. J'ai senti que ce qui se passait était différent de ce que je vivais d'habitude quand je partais dans la nuit pour le prier.
J'ai regardé mes trois amis, ils étaient plongés dans un sommeil autre que celui dû à la fatigue, ce sommeil donné par mon Père, quand il veut se manifester aux hommes, dans une vision. Il faut dire que me voir avec Moïse et Elie avait de quoi les surprendre et surtout de me voir parler avec eux, m'entretenir avec eux. Peut-être auraient-ils eu peur s'ils n'avaient pas été dans ce demi sommeil et auraient crié comme lorsque j'avais marché sur le lac pour les rejoindre en pleine nuit, après avoir multiplié les pains.
Moïse et Elie, eux qui avaient été si proches de mon Père. Ils me confortaient dans mon devoir de prendre la route de Jérusalem, pour aller certes vers la vie, pour donner vie à mon peuple, mais en perdant la mienne.
Pendant ce temps, mes trois amis s'étaient réveillés, mais pas vraiment. Je sais que plus tard, ils parleront d'un sommeil mystérieux, comme celui qui était tombé sur Abram au moment où dans la nuit, mon Père a fait alliance avec lui, en lui promettant la terre de Canaan. Moi ce que je leur promets, ce n'est pas une terre à conquérir ou à libérer, c'est une autre terre, un autre ciel, un ciel nouveau, une terre nouvelle. Mais il leur en faudra du temps pour l'entendre.
Pierre voyant que ces deux amis de Dieu s'en allaient, m'a proposé de fabriquer avec les deux autres trois cabanes. Il est bien brave Pierre, mais pardonnez-moi, il est quand même un peu idiot. Mais c'est Pierre et je l'aime aussi pour ça ! Je crois qu'il voulait qu'on reste chacun à sa place, dans une petite niche. Peut-être qu'il pensait à la fête des Tentes, je ne sais pas.
Tout ce que je sais, c'est que mon Père a fait venir sur eux une nuée qui les a comme engloutis, et qu'il leur a dit de m'écouter, que j'étais son Fils, celui que Lui avait choisi. Pour moi, ces paroles qui étaient un peu comme celles qi avaient résonné au moment de mon baptême dans les eaux du Jourdain, c'était comme une huile qui coule sur la tunique d'Aaron que d'entendre ces mots. Pour eux, je ne sais pas.
Je crois que la nuée, la voix, cela les a remplis de crainte, qu'ils auraient voulu rentrer sous terre, qu'ils avaient peur, et une peur comme celle qu'ils avaient ressenti lorsque j'avais rempli leur barque de poissons, juste avant qu'ils ne viennent à ma suite.
Quand ils ont repris leurs esprits, nous sommes descendus vers la plaine, en prenant notre temps. Pour moi désormais le temps est compté, mais eux ne le savent pas encore. Que la volonté de mon Père se fasse et non la mienne.
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