Jn 12, 1-11, L'onction à Béthanie.
Lundi de la semaine sainte.
Je me suis toujours demandée si ce qui s'est passé là, à Béthanie, n'a pas permis à Jésus d'utiliser ce geste avec ses disciples en Jn 13 pour le lavement des pieds.
Bien sûr, c'est très différent. Pour moi, le geste de Marie est un geste d'amour, presque maternel, d'une femme qui embrasse, parfume le corps de son tout petit, et qui ce faisant est enveloppée dans son odeur à lui, et lui de son odeur à elle, puisque c'est elle qui a choisi.
Jésus, lui, va faire un geste paternel avec ses disciples, un geste d'homme. Certes un geste qu'il est demandé d'entendre en termes de service, mais il me semble que cela va bien au-delà. Jésus, en faisant ce geste, devient "un" avec celui auquel il lave les pieds: sa pureté à lui enserre l'impureté du disciple et la dissout dans sa sainteté.
Commentaire du texte.
1 Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie où habitait Lazare, qu’il avait réveillé d’entre les morts.
2 On donna un repas en l’honneur de Jésus. Marthe faisait le service, Lazare était parmi les convives avec Jésus.
3 Or Marie avait pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur ; elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie de l’odeur du parfum.
On est inséré dans le temps; la Pâque est proche. On est inséré dans un lieu, Béthanie, qui est près de Jérusalem. Et on a des personnages: Jésus, Marthe, Lazare, Marie.
Pour moi, Lazare, quand il se réveille d'entre les morts, est guéri de la maladie qui l'avait emporté. Il n'est pas un squelette, comme je pense l'avoir lu autrefois, un malade convalescent qui n'a que la peau sur les os.
Marthe, fait le service. Comme dans l'évangile de Luc.
Marie n'est plus assise aux pieds de Jésus, mais elle s'occupe des pieds de Jésus. Et l'odeur du parfum les enserre l'un et l'autre dans un même cocon d'odeur; peut-être même que toute la maison en est remplie. Elle ne pleure pas comme la pécheresse de Luc, non. Elle essuie avec ses cheveux, par un geste qui est maternel. Ils sont presque comme la mère et son enfant. Ensemble, inséparables dans la mort qui va advenir.
Par ailleurs la maison, pour la psychologue que je suis, c'est un contenant qui renvoie à l'image maternelle. Alors cette maison qui est embaumée, qui embaume, elle est peut-être aussi à l'image de ce qui sera le tombeau de Jésus dans quelques jours.
4 Judas Iscariote, l’un de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit alors :
5 « Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum pour trois cents pièces d’argent, que l’on aurait données à des pauvres ? »
6 Il parla ainsi, non par souci des pauvres, mais parce que c’était un voleur : comme il tenait la bourse commune, il prenait ce que l’on y mettait.
Et voilà Judas qui entre en scène, comme il entrera en scène lors du lavement des pieds.
J'aime bien le "on". On peut presque l'entendre comme une critique de Lazare. Après ce qu'on a fait pour lui, n'aurait-il pas dû remercier plus qu'avec un simple repas? Donner de l'argent pour les pauvres? Et on sait qu'il exprime tout haut, ce que les autres disciples disent aussi dans les synoptiques. Seulement c'est le coup de patte de Jean à Judas, qu'il doit détester cordialement;
7 Jésus lui dit : « Laisse-la observer cet usage en vue du jour de mon ensevelissement !
8 Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m’aurez pas toujours. »
Et là, où la zizanie aurait pu arriver, je veux dire que Lazare aurait pu faire des reproches à Marie, ou même Marthe, Jésus apaise. "Laisse-là", elle m'oint en vue de ce jour où je vais être mis au tombeau. Si c'est 6 jours avant la Pâques, on est le dimanche.
9 Or, une grande foule de Juifs apprit que Jésus était là, et ils arrivèrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir ce Lazare qu’il avait réveillé d’entre les morts.
10 Les grands prêtres décidèrent alors de tuer aussi Lazare,
11 parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient, et croyaient en Jésus.
Et là, on passe à autre chose. On sait que la mort de Jésus est décidée, mais si on tue Lazare aussi, la preuve en quelque sorte que cet homme est un homme de Dieu, un prophète comme Elie ou Élisée, alors on aura gagné, plus personne ne désertera le pouvoir des prêtres.
Jean, le disciple bien-aimé, raconte.
Jésus avait redonné la vie à Lazare. Au bout de quatre jours, il était sorti vivant du tombeau, il était sorti peut-être aveuglé par la lumière du jour, mais vivant et je dois dire guéri. Moi qui m'étais attendu à voir quelqu'un décharné par la maladie, il n'en n'était rien.
Peu de jours après, il nous a invités, nous les disciples, à un repas, je dirai plus qu'un repas de remerciements, un repas d'action de grâce. Et comme d'habitude, il en avait laissé l'organisation à Marthe. Et voilà, que Marie, celle avec laquelle Jésus avait pleuré quand il s'était rendu sur la sépulture de Lazare, est entrée dans la salle. Elle avait avec elle un flacon de parfum, un de ces parfums qui est réservé aux riches, et elle l'a versé sur les pieds de Jésus. Une odeur s'est répandue sur ses pieds, mais sur lui, autour de lui, et elle a pris ses cheveux comme pour caresser ses pieds. Elle aussi était tout imprégnée de cette odeur. Cela pour moi évoquait une mère en train de l'occuper de son petit, elle et lui étant inséparables, enveloppés dans la même odeur, dans la même senteur, absents du reste du monde.
Et voilà que Judas a rompu le charme. Il s'est étonné que l'on ne lui ait pas donné ce parfum qu'il aurait pu revendre pour avoir de l'argent pour les pauvres. En fait, comme c'est lui qui gère les finances de notre groupe, je sais très bien que cet argent il l'aurait en grande partie gardé pour lui. Mais c'est un peu comme s'il interpellait Lazare en lui faisant remarquer qu'il devrait faire attention à cette folle de Marie.
Heureusement que Jésus a pris la parole. Il l'a fait taire en lui faisant remarquer que des pauvres, il y en aurait toujours et hélas c'est bien vrai, mais que lui, non, il ne serait pas là pour toujours et que ce geste-là, il était pour lui, pour lui seul, et que c'était un vrai geste d'amour. La mort de Jésus, je me dis que Judas, il doit bien souhaiter que cela lui arrive et qu'il fera tout pour ça. Jésus a ajouté que ce geste, c'était comme pour anticiper ce qui allait de passer. Mon cœur s'est serré quand il a parlé d'ensevelissement. Mais au fond de moi, je sais bien que ça va mal se terminer.
Le repas s'est terminé, mais le charme était rompu. En rentrant à Jérusalem, j'ai appris que les grands prêtres, qui voulaient que Jésus leur soit livré, avaient aussi décidé de tuer Lazare, parce qu'à cause de lui de nombreux pharisiens se détournaient d'eux et apprenaient à vivre d'une manière plus conforme à la volonté de celui que Jésus appelle son Père. Ils sont vraiment odieux. Enfin s'ils s'imaginent que ce meurtre changera quoique soit au dessin du Très-Haut, ils se trompent.
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