dimanche, novembre 12, 2023

Mt 25, les trois dernières paraboles. Introduction et généralités.

Ces trois dernières paraboles, le chapitre 25 de l’évangile de Matthieu, sont lues (et donc commentées) lors des trois derniers dimanches de l’année liturgique, le dernier dimanche étant celui du Christ-Roi. 


 

Il y a donc: la parabole des dix jeunes filles,les sages ou avisées et les sottes ou insensées; la parabole des talents (en Français la monnaie mentionnée - les talents - permet de faire un jeu de mots avec les talents qui sont les nôtres, ces talents donnés, mais cela doit être différent dans d’autres langues; et enfin la parabole du jugement dernier, mais est-ce une parabole?
Si on lit attentivement ces textes, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’une mise en garde sévère: ce qui est fait sur cette terre est fait, et on ne peut plus revenir dessus. Dans l’évangile de Matthieu, il a été dit à de nombreuses reprises que les premiers (ceux qui sont sûrs d’être des élus) risquent d’être derniers. On peut penser que ces textes s’adressent aux pharisiens, et peut-être même à ceux qui se sont convertis par la suite et qui sont dans la nouvelle église.

 

Généralités sur les trois paraboles

 

Dans un premier temps, je pensais écrire un texte, je veux dire trouver un conteur pour chaque péricope, chacune étant séparée, autonome en quelque sorte. Mais c’est là que les difficultés ont commencé.


 Bien entendu, je pouvais donner la parole à un disciple de Jésus présent à Jérusalem qui aurait entendu tout ce qui est rapporté entre les chapitres 21 et 25, à savoir (je résume exprès): les paraboles adressées aux grands-prêtres et aux autorités (21 et 22); les réponses faites à ceux qui veulent le mettre à l’épreuve (lui faire la peau en le lapidant) (22);  les reproches - qui viennent un peu comme un cri de tristesse de Jésus - faits à ceux qui connaissent la Loi, et qui permettent aussi de montrer ce que Jésus attend lui de ses disciples: qu’ils soient comme lui des serviteurs et prennent toujours la place du petit (ce qui renvoie à ce petit peuple, ce petit reste que Dieu fait naître pendant et après l’exil, ceux qui font confiance) (23). Et ce que nous appelons le discours apocalyptique (24). qui précède donc les trois paraboles.  


Seulement cela ne me plaisait pas, et la seule idée qui me venait était de faire parler une jeune fille éconduite, le serviteur qui a enterré son talent par peur du maître, et un de ceux qui n’a pas su regarder les petits et les pas nantis qui étaient sur son chemin, mais c’était juste une idée. Seulement ils n'ont pas d'existence propre, puisque ce sont des personnages de fiction, créés par Jésus. 

 

Alors je me suis mise au travail sur les versets, en espérant que petit à petit quelque chose naîtrait. 


Mais je voudrais déjà, avant de passer au travail habituel sur les versets, revenir sur certains mots qui m’ont interpellée lors ma lecture. 

 

Le premier, c'est la finale de la première parabole, avec cette phrase brutale: "Je ne vous connais pas..."

 

    Jésus dit aux jeunes filles qui frappent à la porte qu’il ne les connaît pas. Quelque part, je trouve que c’est terrible. C’est comme s’il leur disait: vous n’avez pas d’existence pour moi, il n’y a pas de relation entre moi et vous, parce que la relation vous n’en n’avez pas voulu;et, si on en croit Luc, parce que vous ne vous êtes pas ajustés à moi. 

 

Si je reprends le texte, les jeunes filles qui toquent à la porte, qui sont dehors, disent « Seigneur, Seigneur », avec le doublement. Cela renvoie à ce que Jésus dit à la fin du premier discours de sa vie publique (Mt 7, 21): «Ce n’est pas en me disant Seigneur Seigneur que l’on entrera dans le royaume des Cieux, c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » 


Est-ce que ces jeunes filles, qui représentent une partie de l’humanité, une partie de ceux qui ont cru au message ou qui ont cru croire, ont fait la volonté du Père? Dans la suite du texte, on trouve un verbe qui m’interroge: connaître - Mt 7, 22: » Ce jour -là, beaucoup me diront, n’est -ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé les démons, en ton nom que nous avons réalisé beaucoup de miracles ? Alors je leur déclarerai, je ne vous ai jamais connus, écartez-vous de moi, vous qui commettez le mal. ».  

 

En d’autres termes, il me semble que pour être connu du Christ, avoir avec lui une vraie relation, pas une relation de surface, il faut être très vigilants, ne jamais se croire arrivé, et discerner si ce que l’on fait, même si cela paraît « bien », c’est pour Lui, pour que son règne arrive, ou pour nous, pour notre petit ego. 

 

Suit la parabole de l’homme prévoyant, celui qui construit sa vie sur les paroles dites par Jésus et qui les met en pratique.  Et cet adjectif, prévoyant (merci au Père François Lestang), est le même que celui est employé pour qualifier les jeunes filles. Être prévoyant, c’est bâtir sa maison sur le roc de la parole; c’est un travail qui se fait tous les jours. 

 

La lampe et l’huile pour la lampe

 

Si j’en crois le Ps 118 (119),  la lampe c’est la parole de Dieu. Mais pour que cette parole ne devienne pas lettre morte ou simple répétition, il faut que l’Esprit l’entretienne. 


Certes l’huile, c’est cette huile qui fait briller le visage de l’homme (ou l’adoucit - Ps 103,15), et aussi l'huile de l’onction du fils, futur Roi (Ps 45). Mais, je pense qu’il s’agit également de l’onction de l’Esprit, dont Paul dit qu’elle doit être renouvelée (2Tim 1,6). En d’autres termes, l’onction reçue doit être en permanence vivifiée, et c’est cela qui manque à cette humanité qui manque finalement de dynamisme (comme ce sera le cas du serviteur qui ne fait pas fructifier le don reçu). Cette huile-là, je ne sais pas si on peut en faire des provisions, et là encore c’est quelque chose qui ne se fait pas une fois pour toutes, mais qui se renouvelle. 

 

Le serviteur

 

Le chapitre 24 se termine par une description du serviteur chargé de donner aux gens de sa maison leur nourriture en temps voulu (en d’autres termes d’être l’intendant fidèle). Et là c’est une mise en garde, avec la nécessité de rester fidèle, de ne pas pactiser avec les ivrognes,  et surtout la nécessité de veiller. Au chapitre 25, si je schématise, car il est bien question de serviteurs dans la deuxième parabole, celle des Talents, on peut dire qu’on a les « bons » serviteurs, « les prévoyants » (première parabole), « les créatifs » (deuxième parabole), ceux qui font confiance, qui acceptent le don et le font vivre, et les « miséricordieux » (troisième parabole,) je dirais peut-être ceux qui ne sont pas aveugles au monde qui les entoure, qui s’occupent des petits, des malheureux, sans jugement, et les autres qui sont les «non prévoyants», les « craintifs » les « repliés sur eux-mêmes ».

 

La thématique du dehors et du dedans

 

Finalement les « bons » sont capables de sortir d’eux-mêmes, d’aller dans un autre espace, alors que les autres sont repliés sur eux-mêmes; ils restent dans un dedans mortifère. Alors à la fin des temps, ceux qui ont été capables de mouvements se trouvent dans un "nouveau dedans" décrit comme un lieu de relation avec le « l’Époux, » le « Maître » ou le « Roi », un lieu de lumière; de joie, et les autres sont propulsés dehors, et font la découverte d’un lieu de désespérance. Est-ce vraiment pour l’éternité ? Là j’aimerai dire comme Ézéchiel (Ez 37,3): « Toi Monseigneur, tu sais que ces os pourront revivre » (je change un peu les termes).

 

 

     Il y a un dedans ...

 

- Où vivront ceux qui ont gardé leur lampe allumée, et qui avaient de l’huile pour entretenir la flamme. 

- Où vivront ceux qui auront fait fructifier ce qui leur avait été donné par le maître.

-Et enfin ceux qui tout au long de leur vie se seront préoccupés de ceux qui sont considérés comme des petits, des pauvres, des humiliés, et même des mauvais: on peut être mis en prison pour un tas de raison, hélas. 

 

     Et un dehors, où se retrouveront,

 

-Les imprévoyants,  

-Ceux qui ont manqué de confiance en eux et qui avaient une fausse image de Dieu, 

-Ceux n’ont pas su ouvrir les yeux, qui sont restés centrés sur eux, qui n’ont pas su donner et se donner. 

 

Et ce dehors, celui auquel nous donnons le nom d’enfer, semble être un lieu où règne l’obscurité, donc la peur, mais aussi ces pleurs et ces grincements de dents qui évoquent une colère sans fin, une colère liée à la jalousie, à l’avidité, et peut-être à l’envie.

 

En d’autres termes, pour être sauvé, pour entrer dans le royaume, il ne s’agit pas tant de connaître la loi avec la tête, que d’agir avec son cœur.

 

Ce que nous disent aussi ces trois histoires, c’est que si dans la première, la moitié est sauvée, et les deux tiers dans la seconde, pour la troisième nous n’en savons rien, sauf que le critère ce n’est pas d’avoir respecté la Loi, mais d’avoir su mettre de la vie là où il n’y en avait pas ou plus, de ne pas laisser la mort avoir le dernier mot, et d’avoir su aimer et montrer de la miséricorde envers tous ceux qui souffrent. 

 

Qui sont les petits ?

 

Si je reste au texte, Jésus parle Mt 25, 40 de l’un de ces plus petits de mes frères,  ou c’est à moi que vous l’avez fait, ou l’un de ces plus petits.

 

Nous avons l’habitude de penser qu’il s’agit de ceux qui sont dans le besoin, quel que soit le besoin. Mais si j’en crois les Actes des Apôtres, quand Saül (Ac 9, 4-6) est renversé sur la route de Damas, alors qu’il s’y rend pour faire du mal à ceux qui sont les disciples de Jésus, Jésus s’adresse à lui, en lui demandant pourquoi il Le persécute. Les petits, ce sont les disciples, pas tous les hommes, mais aujourd’hui, cela s’est élargi, et les petits, les plus petits, ce sont ceux que l’on ne regarde pas ou peu, mais que Jésus lui, considère comme ses frères, et en qui est présent. 

 

 

La capacité.

 

Il est écrit que le maître donne à chacun selon ses capacités. Cela peut paraître un peu étonnant. Dans un premier sens, capacité va avec capable. Je te demande ce que je pense tu es capable de faire. En toi il y a la force de faire ce que je te demande. Du coup, on peut se dire que le maître demande à chacun ce dont il est capable. Et les capacités ne sont pas distribuées également. Sauf que parfois, même quand on en a, on ne s’en sert pas, elles peuvent même faire peur, peur de ne pas être à la hauteur. 

 

Mais la capacité, c’est aussi l’aptitude à contenir, c’est donc aussi être un contenant. Et du coup, pour moi cela évoque la phrase du Christ à Catherine de Sienne: « Fais toi capacité et je me ferai torrent » . Le troisième avait en lui la capacité à recevoir, mais il a renoncé à cette capacité, il s’est fermé sur lui-même, il s’est enterré avec ce don dont il n’a pas voulu. Alors que les deux autres ont accepté le don, ils l’ont fait leur; et avec cela, avec cette force là, ils ont pu créer.

 

Arrivée à ce premier stade de réflexion, je ne sais toujours pas qui pourra parler et raconter. Peut-être que le travail sur le texte pourra m’aider.

 

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