L'évangile bien connu de Marthe et Marie. Luc 10, 38-42.
Le texte.
Depuis 2005, date de mon premier écrit sur ce texte : https://giboulee.blogspot.com/2005/08/marthe-et-marie-lc-1038-43.html, trois autres textes ont vu le jour.
Quant aux sermons ou aux homélies entendues, il y en a eu beaucoup. C'est un évangile qu'on n'entend que tous les trois ans, lors des messes dominicales, mais qui revient beaucoup plus souvent lors des messes de semaines et lors de la fête de la Sainte Marthe.
Aujourd'hui, plus personne n'ose dire du mal de Marthe, personne ne la fustige pour sa soi-disant jalousie, personne ne dit que seule la contemplation est importante. Mais, malgré tout, même si on nous suggère d'avoir nous, les écoutants, les deux attitudes, servir et écouter, il n'en demeure pas moins que la réponse que lui fait Jésus, cette unique chose qui est nécessaire, peut nous tarauder à certains moments. Mais revenons au texte.
Je ne peux m'empêcher de penser que lorsque Marthe coupe la parole à Jésus, en fait tout est prêt. Si comme nous le dit ou ne le fait comprendre Jean, lorsqu'il rapporte la retour à la vie de Lazare, et le festin qui est donné par la suite, (Jn, 11 et Jn 12), la famille des deux sœurs et de Lazare, n'est pas une famille pauvre. Il est alors vraisemblable qu'il y a des servantes dans cette maison. Alors pourquoi n'y aurait-il pas des servantes qui sont là à demeure d ans le récit de Luc ? Marthe a-t-elle vraiment besoin d'aide?
Ne trouve-t-elle que sa sœur qui reste assise au milieu d'hommes, n'est pas du tout à sa place. Une femme doit savoir où est sa place. Une femme c'est fait pour servir. D'ailleurs cela Luc nous l'a dit lors de la résurrection de la belle-mère de Pierre : " à l'instant même la femme se leva et elle les servait. " En d'autres termes, elle reprend sa place, son rôle de femme, de maîtresse de maison.
Mais ce qui m'a frappé en entendant ce texte aujourd'hui, c'est la composition de cette famille. On a deux sœurs célibataires. Rien ne fait penser à la présence d'un homme dans cette maison, si on reste au texte lucanien. Dans l'évangile de Jean, il paraîtrait quand même difficile de faire l'impasse sur une veuve, si Lazare avait été marié.
Or il me semble que se marier est quelque chose d'important dans le peuple juif, on se survit par la procréation. C'est donc une famille un peu spéciale qui accueille Jésus et ceux qui sont avec lui. C'est une fratrie qui à mon avis, doit faire un peu jaser, comme Zachée, le riche publicain, fait aussi jaser quand il reçoit Jésus.
Ce que je veux dire, c'est que Jésus choisit d'être accueilli dans une famille un peu marginale et que ce n'est pas un hasard.
Bien sûr Luc nous dit que c'est Marthe qui offre de l'accueillir, mais avec Jésus il n'y a pas de hasard. S'il va dans cette famille, c'est qu'il y a quelque chose à faire ! C'est une famille qui a besoin de sa présence, pour que quelle chose reprenne la vie. Car c'est bien cela que fait Jésus tout au long de sa vie terrestre;
J'aime à m'interroger sur les prénoms. Marthe serait un prénom d'origine araméenne, qui signifie "dame, maîtresse de maison". D'emblée cette femme a une fonction, elle est celle qui s'occupe de la maison, qui la dirige, qui la gère, et ce n'est pas rien. Vivre avec un prénom qui inclue une fonction, n'est pas si simple. Est-ce possible de ne pas faire? De ne pas être semblable à cette maîtresse de maison décrite dans le livre des Proverbes au chapitre 31?
Quant à Marie (Myriam), on le trouve dans la bible dans le livre de l'Exode, la sœur de Moïse portant ce prénom. Il pourrait signifier goutte de mer, mais il vient aussi de l'égyptien et il signifierait "aimée".
On apprend alors, et cela montre bien comment cette famille est différente des autres, que l'une d'elle au lieu de "servir" se met aux pieds de Jésus, pour l'écouter parler.
Un commentateur, dit que cela c'est la posture de la servante. J'en doute un peu.
Nous savons nous que Jésus a dit précédemment que lorsqu'on est accueilli dans une maison, on commence par donner la paix à cette maison, que l'on mange ce qui est proposé, qu'il faut guérir les malades et de dire que " le royaume de Dieu s'est approché. " Et c'est bien ce qui se passe. Jésus parle, Jésus enseigne et pour moi, Jésus guérit.
Seulement, rester assise, écouter, avec d'autres compagnons de Jésus, mais avec mentionné. Marthe, qui elle, fait tout bien, doit trouver un moyen pour ramener sa sœur à la raison. Elle doit la trouver un peu folle sa sœur. Que va-t-on penser d'elle ? Que va-t-on penser d'eux? Car déjà, elles n'ont pas très bonne réputation, elles qui n'ont pas de mari ou qui en ont refusé.
La phrase employée est très subtile, car elle fait appel au bon cœur de celui qui est là. Marthe ne s'adresse pas à sa sœur, mais à Jésus. Elle le prend par les sentiments : " Seigneur cela ne te fait rien que ma sœur m'ait laissée faire seule le service? " C'est vraiment très astucieux et même imparable. C'est vraiment : " regarde dans quel état de fatigue je me trouve, moi aussi j'aimerai pouvoir t'écouter, s'il te plait fait ou dis quelque chose. "
Peut-être que si Marthe en était restée là, les choses auraient été différentes. Mais il me semble que s'il y a quelque chose que Jésus semble ne pas aimer du tout, c'est quand on lui dicte sa conduite. Je fais ici allusion à l'homme qui lui demande de "dire à son frère de partager leur héritage" Luc 12, 13, et auquel Jésus répond assez vertement :" Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? " Or, elle lui ajoute : " dis-lui donc de m'aider".
Or cela, ce rôle, de chef, de père de famille, Jésus n'en veut pas. Il n'est pas là pour ça et il va le faire comprendre à Marthe.
Mais je crois aussi, qu'il va, sans rien dire à personne, expulser quelque chose de mauvais qui est en elle, il va la guérir, non pas du démon de la jalousie, (ce que disent certains commentateurs), mais de ce démon, bien plus subtil , que j'appellerai le démon du "paraître", qui vous pousse à être dans le faire, et non pas dans l'être.
Marie, qui écoute, choisit une posture, une attitude où elle laisse entrer en elle les paroles qui sont dites, où elle est dans l'accueil, dans l'hospitalité. Il s'agit d'être présente à l'autre. Elle se moque du paraître. Peu importe ce que diront ou penseront les autres. Ce qui compte, (et après tout, elle sait que sa sœur va tout faire, et le fera très bien), c'est de rester présente à celui qui vient d'entrer chez elle.
Car oui, il y a différentes formes d'hospitalité. SI on relit le passage de la Genèse, proposé pour aller avec cet évangile, on voit qu' Abraham, s'active et fait activer les autres. Certes il fait apporter de l'eau aux voyageurs, mais ceux-ci resteront seuls pour se laver les pieds et attendre que le repas soit prêt. Le maître de maison donne des ordres à sa femme : préparer des galettes de fine fleur de froment pour "un régiment", 30 kg de farine ce n'est pas rien. À son serviteur, de tuer et de préparer le veau gras. Quant à lui, il est allé dans le troupeau pour le choisir ce veau. Il a tout préparé. Ensuite il restera debout tandis que ses hôtes se restaureront. Marthe est un peu comme lui. Mais est -ce qu'elle est vraiment capable de demander de l'aide? Car outre les servantes de la maison, peut-être que des bonnes volontés sont présentes parmi ceux qui accompagnent Jésus ce jour-là.
Jésus ne répond pas à la demande qui lui est faite, au " dis-lui de m'aider ", Mais quelque chose de beaucoup plus intime va se passer ; il se fait le prochain de cette femme en colère, de cette femme qui a peur du quand dira-t-on, du jugement des autres.
Il commence par répéter le prénom de son hôtesse par deux fois, et c'est bien une confirmation de ce "Seigneur" que Marthe a employé pour lui parler. Oui, il est celui qui a parlé à Moïse, à Samuel, et à tant d'autres, il est LE SEIGNEUR.
Il ne va pas dire que c'est mal de se donner du souci et de s'agiter pour bien des choses. Non, cela il le sait, il le voit. Mais est-cela le plus important quand lui est présent? Lui qui a donné en abondance du pain et du poisson à une foule, (Lc 9, 10-17), ne pourrait-il pas aussi restaurer ceux qui sont là?
Et c'est là, que quelque chose se passe pour Marthe, que Jésus expulse ce mauvais démon qui est en elle, ce démon du paraître, ce démon de la peur du jugement. Il lui ouvre les yeux.
Marie sa sœur a fait un autre choix, elle a la meilleure part, et dans un repas, il y a des morceaux de choix. Elle est là, avec celui qu'elle aime et ce moment-là, ce moment précieux, ce moment qui restera en elle et qui portera du fruit. C'est c'est parfois important d'avoir le meilleur morceau, celui que l'on convoite, et cela est à elle, et personne ne le lui enlèvera, et surtout pas Marthe.
Ce meilleur morceau, c'est de profiter pleinement de la présence de celui qui est là, dans cette maison-là, ce jour-là. C'est de l'écouter, peut-être de se "gaver" de tout cela, pour que cela demeure en soi, pas comme un souvenir qui pourrait s'évanouir avec le temps, mais comme la Présence qui demeure. Dans un autre évangile Jésus dira : " si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera, nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure ". Je pense que c'est cela la "meilleure part" qui ne peut être enlevée;
Le livre de l'Ecclésiaste dit qu'il y a un temps pour tout sous le soleil.
À nous de choisir le temps qui est bon pour nous, soit dans l'accueil et dans l'écoute, soit dans une certaine forme de faire, mais de toujours être dans une action qui ne fait pas de nous des machines, qui laisse toujours en nous un peu de place pour nous laisser surprendre par ce qui est en train d'advenir.
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