dimanche, décembre 01, 2019

"Va et ne pèche plus" - Jn 5,14

La guérison du paralytique - Jn 5

Si on suit la chronologie du rédacteur de l'évangile de Jean, Jésus se trouve à Jérusalem, après être passé par la Samarie. C'est un jour de sabbat, un jour où tout travail est interdit, pour respecter le "repos" de Dieu créateur, mais aussi pour faire de ce jour un jour non profane, un jour consacré au Seigneur. Cela, Jésus le sait, et le sait même parfaitement.

Des guérisons le jour du sabbat, il y en a un certain nombre dans les synoptiques. Dans l'évangile de Jean, elle est unique, de même que la pathologie du malade: un paralysé. Et Jésus ici n'attend pas une demande.

Il voit un homme, qui à mon avis peut lui faire penser à son père Joseph. Car si l'homme est paralysé depuis 38 ans, même si ce nombre peut être pris d'une manière symbolique (le temps du désert avant l'entrée définitive en terre promise avait duré 38 ans et cet homme par sa guérison sort du désert), il n'en demeure pas moins qu'il ne s'agit pas d'une paralysie de naissance. On peut alors penser que cet homme a perdu peut-être l'usage de ses jambes lors d'un accident, par exemple en tombant d'un toit... Et qu'il a donc un âge qui tourne autour de la soixantaine, et cela peut pour Jésus évoquer son père et peut-être éveiller sa compassion.

Cet homme n'est pas un mendiant; il attend un miracle. Quand Jésus s'adresse à lui - avec une question qui nous paraît étonnante: "Veux-tu être guéri" - il répond en se justifiant… Ce dont Jésus ne tient pas compte, et lui donne un ordre, très semblable à celui que l'on trouve dans l'évangile de Luc: "Lève-toi, prends ta civière et marche"; trois ordres. Puis Jésus disparaît, comme s'il voulait que l'homme ne s'accroche pas à lui, comme à un bienfaiteur ou à un faiseur de miracles, car ce n'est pas son heure.

Et c'est là que les choses se compliquent, car porter n'est pas permis ce jour-là, et l'homme devient la cible des pharisiens; qui ne rendent pas gloire à Dieu pour la guérison, mais pointent ce qui ne va pas: porter son grabat.

Puis on a une rencontre qui se passe au temple, et qui me paraît importante. Car cet homme, dont j'imagine qu'il est allé directement au Temple pour rendre grâce et gloire à Dieu, retrouve son bienfaiteur. Je pense, même si on n'en dit rien, que ce type de rencontre doit être un bouleversement. Et que Jésus lui dise, un peu comme dans l'évangile de Luc, "va et ne pêche plus", montre certainement qu'il y a eu à la fois guérison de la maladie - de ce qui se voit, on pourrait dire du symptôme - mais aussi du péché, qui lui ne se voit pas; qui est différent d'une personne à l'autre, et qui bien souvent crée des paralysies. Et de cela aussi Jésus guérit. Mais les pharisiens, qui en restent à ce qui se qui se voit, ne peuvent pas le percevoir. 

Faire - ou laisser - parler cet homme, c'est pour moi insister aujourd'hui sur cette double guérison: car l'une ne va pas sans l'autre, et manifeste la divinité de l'homme qui ne respecte pas le sabbat...

L'homme paralysé raconte

Comme toutes les semaines, le jour du sabbat, même si ce n'est pas permis par la loi de me porter, mes enfants me déposent au bord de cette piscine dont l'eau a des pouvoirs miraculeux. Comme moi, ils espèrent. Comme j'ai encore de la force dans les bras, ils pensent que je vais pouvoir me débrouiller pour me plonger dans l'eau quand elle bouillonne. Ils ne se rendent pas compte que c'est impossible; mais peut-être qu'un jour quelqu'un sera là, et me mettra dans un de ces petits bassins qui jouxtent la piscine elle-même.

Cela fait 38 ans que je suis comme ça, trente huit ans que je viens, et mes cheveux sont blancs maintenant, mais je suis toujours là. Trente huit ans, c'est la durée de ce temps où mes ancêtres qui n'ont pas voulu faire confiance à notre Dieu sont restés dans le désert et sont morts. Peut-être que pour moi le temps est arrivé de sortir de ce désert. Peut-être que quelqu'un viendra, mais cela fait tant de temps que j'attends... 

Tiens, il y a un homme jeune qui se dirige vers moi, comme s'il me cherchait. Il s'approche, il me demande si je veux être guéri. Quelle drôle de question! Bien sûr que je veux être guéri, sinon je ne serais pas là. Alors je lui dis que personne n'est là pour me descendre dans l'eau quand elle bouillonne. Et lui il me regarde, me regarde. Il a un regard étonnant, j'ai l'impression de me noyer un peu dans ce regard. Et je sens que dans mon corps quelque chose se passe, comme si ça devenait vivant. Il me dit de me lever, de prendre cette civière qui est la mienne depuis tellement d'années, et de marcher! Et je me lève, et je me baisse pour ramasser mon grabat, et je me mets à marcher!

J'aurais pu rentrer chez moi, mais malgré tout personne ne m'attend. Et le temple n'est pas loin, alors je décide de m'y rendre. Seulement, sur le chemin, je suis interpellé par des pharisiens, qui me demandent pourquoi je porte mon grabat alors que c'est interdit. Je leur réponds que je viens d'être guéri et que l'homme qui m'a guéri m'a dit de ne pas laisser mon grabat mais de le prendre avec moi; et je ne connais pas le nom de cet homme. Ils me demandent alors de venir leur dire qui a fait cela, si je le rencontre à nouveau.

Et dans le temple, voilà qu'il est là. Il prie.. Et à nouveau nos regards se croisent. Et là encore quelque chose se passe. Il me dit une phrase curieuse: "Te voilà guéri, ne pèche plus, il pourrait t'arriver quelque chose de pire"; et à nouveau il disparaît, sauf que maintenant je comprends qui il est. Il s'appelle Jésus, il vient de Nazareth, et parle de Dieu comme si Dieu était son Père; il fait beaucoup de miracles. Je vais prier d'abord, rendre grâce à Dieu pour sa miséricorde, parce que je me sens guéri du dehors et du dedans, et puis j'irai dire aux pharisiens que cet homme s'appelle Jésus, et qu'il est l'envoyé du Père. S'ils ne veulent pas me croire, tant pis pour eux. Moi, je vais le chercher et le suivre, parce que ce qu'il a fait dans mon cœur, personne ne peut le faire. Il a remis la vie en moi, dans mon corps mais aussi dans mon esprit. Béni soit le Très Haut de nous avoir envoyé un tel homme.

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