vendredi, décembre 27, 2019

Jn 20,8: "Il vit et il crut"


Octave de Noël. Jean l'évangéliste.

L'évangile proposé est le début du chapitre 20. Mais le verset proposé comme verset 2 est, de fait, un mixte des deux premiers versets, ce qui m'énerve un peu. Le verset 1 dit que Marie-Madeleine voit que la pierre a été enlevée, et le verset 2 qu'elle annonce à Pierre et à Jean que le corps a été enlevé, ce qui montre sa panique. Un corps sans sépulture, c'est l'horreur. Et pourtant il n'y a que ce signe de la pierre enlevée.

On sait aussi qu'elle s'est levée très tôt, avant le lever du soleil, et qu'on ne voit pas grand chose. D'ailleurs si Jean note que ce sont les ténèbres, ce n'est pas pour rien. On peut être aussi dans les ténèbres quand le deuil vous tombe dessus, quand le désespoir vous assaille... Psychologiquement, elle est sûrement au fond du trou, Marie de Magdala. Et du coup on ne voit que le négatif.

Elle voit simplement que la pierre a été enlevée. Là on ne dit pas roulée, on dit enlevée. Et pour elle, c'est la panique. Un corps, ça ne bouge pas, ça reste où on l'a posé, un peu comme un bébé que l'on dépose dans son berceau et qui ne peut pas se sauver. Elle était venue pour tout mettre en ordre, pour le faire beau, le corps de celui qu'elle aime, et ce corps il a sûrement été volé, jeté quelque part. Et c'est la panique. C'est l'équivalent d'un rapt, on lui a volé son bébé. Il était dans son berceau (tombeau), il ne pouvait bouger, d'autant qu'il était lié par les bandelettes. Et outre ce corps perdu, il y a aussi la perte totale de la maîtrise (on venait pour s'occuper de lui, et là on est désemparé): nous ne savons pas où on l'a déposé. 

De plus, quand même, ce tombeau dans ce jardin, il a été pris au hasard, même si on dit que c'est celui de Joseph. Du coup, on peut penser que les propriétaires sont venus: ils ont enlevé ce corps qui n'est pas à eux, ils l'ont mis ailleurs, mais où? Et là, il est perdu. C'est comme si elle revivait, elle, l'épisode de Jésus perdu et retrouvé au Temple. Il doit être quelque part, on sait où; et voilà qu'il fausse compagnie, et on le perd, on ne peut plus mettre la main sur lui. Mais qui serait venu en pleine nuit, dans ce drôle de jardin rempli de tombes, pendant la fête de la Pâque, pour visiter un tombeau neuf? Trop invraisemblable, n'empêche que sa peur est bien réelle; on l'a enlevé. 

Et pourtant, est-ce que Jésus (j'utilise une traduction ancienne de Jn 10,17-18) n'a pas dit que sa vie "il la déposerait, parce qu'il a le pouvoir de la déposer et de la reprendre"? Et n'est ce pas ce qui se dévoile là? Mais les yeux ne sont pas ouverts. Il faudra le son de la voix de l'Aimé pour que les yeux s'ouvrent.

Alors pour le moment, elle court, elle court pour alerter les deux qu'elle considère peut-être comme des piliers. Et aux aussi se mettent à courir, pour dire que la vie reprend. 
Et tout se centre alors sur les deux hommes qui viennent, pour voir si Jésus demeure encore dans ce lieu. Et on a l'impression que cette course vers ce lieu répond à ce qui s'est passé autrefois sur les bords du Jourdain quand deux disciples de Jean demandent à Jésus où il habite, et que ce dernier leur répond simplement venez et voyez. Là, ils viennent et ils vont voir...

Ils voient qu'il y a des linges, mais que lui, oui, il n'y est plus. Il est certainement dans cette "demeure" dont il leur a tant parlé et où il doit leur préparer une place. Du moins c'est ce que Jean pourra croire dans un premier temps, avant de croire pleinement en la résurrection.

C'est un peu ce cheminement que j'ai voulu rendre en écrivant ce petit texte.


Le disciple que Jésus aimait raconte:

Les deux jours qui viennent de se passer ont été les pires de ma vie. Dans la nuit qui précédait la Pâque, il a a été arrêté, il a été battu, il a été interrogé, il a été condamné à cette mort d'esclave, cette mort sur la croix. Dans l'après-midi, au moment où les agneaux étaient immolés dans le Temple, il a rendu l'Esprit. Il m'a confié sa mère. Je l'ai prise chez moi. Pierre aussi est venu. Il faut dire que Pierre, il n'est vraiment pas bien. Pierre il pleure, pleure. Et il y a de quoi. Simplement chez moi, il est en sécurité. Il faut dire que blesser le serviteur du grand-prêtre ce n'était pas très malin, mais c'est Pierre... Et faire ensuite par trois fois comme s'il n'avait jamais vu le Maître de toute sa vie, il fallait le faire. Mais qui suis-je pour le juger, mais qui ai mes entrées un peu partout dans Jérusalem?

Tout ça pour dire qu'on a du mal à dormir. Et quand Marie de Magdala est venue toquer à notre porte, avant même que les dernières étoiles ne soient parties, je me suis demandé ce qui se passait. Elle nous a dit qu'on avait enlevé le corps… enlevé le corps: en fait, quand elle est arrivée au tombeau, elle a vu que la pierre qui bloquait l'entrée avait été enlevée, et elle a eu peur. Peur que les propriétaires légitimes du tombeau soient venus, aient enlevé la pierre et le corps, et aient jeté le corps quelque part dans le jardin; et qu'il pourrait être la proie des oiseaux et des chiens errants. Alors on est parti le plus vite possible, en ne disant rien à Marie, la mère de Jésus; ce n'est pas la peine de rajouter à sa douleur.

Quand nous sommes arrivés près du jardin qui jouxte le Golgotha, l'impatience nous a saisis et nous nous sommes mis à courir. Il valait mieux ne pas courir dans Jérusalem à cause des soldats romains qui sont toujours soupçonneux. Mais en dehors de la ville c'est plus facile, même si ça grimpe. Je suis arrivé un peu avant Pierre. J'ai bien vu que la pierre avait été enlevée; je me suis penché et j'ai vu sur le sol les linges: bien pliés, comme s'ils n'avaient pas servi. Et comme Pierre est arrivé, un peu essoufflé, juste après, je l'ai laissé entrer. On ne peut pas dire qu'on voie grand chose, mais il a vu, comme moi je l'ai vu ensuite: le linceul et les bandelettes, pliés, sur le sol; et le suaire sur la pierre qui avait supporté son corps, à la place de la tête. J'ai vu cela.

Ça ne sentait pas la mort dans ce tombeau, ça ne sentait pas les aromates, ça ne sentait pas la nuit, ça sentait lui, ça sentait lui vivant: mais ça c'est ce que moi j'ai senti. Et j'ai cru. J'ai compris qu'il n'avait pas été enlevé, qu'il n'avait pas été volé; qu'il était ailleurs, qu'il était dans la vie de son Père, comme il l'avait dit.

Nous sommes rentrés, Pierre perplexe, ne sachant que penser. Moi, rempli d'une sorte de joie. Marie nous accueillis. Elle ne pleurait plus, elle semblait heureuse; mais elle ne nous a rien dit. Je me demande si elle n'a pas vu son fils, mais pour le moment, je ne pose pas de questions. 
S'il veut se manifester, il le fera. Je sais qu'un jour il a dit que personne ne lui volait sa vie- ni son corps! Que sa vie, il la donnait, mais qu'il avait le pouvoir de la reprendre. Et je crois que c'est ce qui s'est passé.

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