dimanche, février 11, 2024

Marc 1, 40-45: la guérison d'un lépreux.

 Mc 1, 40-45

 

J'ai déjà parlé de cet évangile dans le billet précédent. Il s'agit de la guérison d'un lépreux, et cela tout au début de l'évangile de Marc. 

 

Or, en lisant le commentaire proposé par "regards protestants", une fois de plus je suis amenée à me poser des questions sur les traductions qui nous sont proposées et dont nous sommes tributaires quand on ne connaît pas les langues anciennes, le latin et surtout le grec, puisque c'est dans cette langue que les évangiles ont été rédigés.

 

Le Pasteur Antoine Nouïs insiste sur le fait que, dans certains manuscrits, Jésus n'a pas du tout un regard de compassion vis-à-vis du lépreux qui est quand même un trouble-fête, mais un regard irrité, je pourrais presque dire rempli de colère. 

 

Or ce regard, qui pourrait être rempli de colère, n'empêche pas la tristesse, la compassion. Là je fais référence à ce qui se passe au début du chapitre 3, quand Jésus est confronté au silence des pharisiens, qui veulent pouvoir le condamner parce qu'il va oser opérer une guérison le jour du Sabbat. Marc nous dit que Jésus promène sur eux un regard de colère, navré de l'endurcissement de leur cœur. Or il est très possible que ce soit ce qui se passe. D'un côté Jésus a le cœur ému devant cet homme qui pour le moment a tout perdu, qui est un exclu, et est considéré comme un pécheur, puisque la lèpre est associée au péché dans la Bible, mais aussi qu'il y ait de la colère en lui, parce que cet homme, malgré tout, n'aurait pas dû être là. 

 

Cette interprétation permettant de mieux comprendre ou entendre ce qui se passe ensuite, et qui selon les traductions est plus ou moins violent. La traduction liturgique se contente de dire que Jésus le renvoie avec fermeté, ce qui est très doux à côté de ce que l'on trouve, soit dans la BJ - "en le rudoyant, il le renvoya aussitôt", soit dans TOB - "s'irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt. On est quand même loin de "renvoyer avec fermeté". 

 

 

J'avais proposé en 2017 un texte où je laissais parler le lépreux, et de son incompréhension devant ce qui semble être un renvoi violent alors qu'il vient d'être guéri:
https://giboulee.blogspot.com/2017/01/la-purification-du-lepreux-en-marc-1-40.html . 

 

Je me demande aujourd'hui s'il n'y a pas moyen de laisser Jésus, et un témoin de cette courte scène,  rapporter ce qu'ils ont vécu ce jour-là.

 

 En fait Jésus sait que si l'homme proclame ce qui vient d'être fait pour lui, s'il insiste sur le fait que Jésus ne s'est pas contenté de lui parler mais de le toucher, lui, ne pourra plus entrer dans les villes, il partagera l'exclusion vécue depuis un certain nombre de mois ou d'années par cet homme et sera obligé de suspendre sa première évangélisation de la Galilée. 

 

Pour l'analyse du texte, je renvoie au billet précédent: https://giboulee.blogspot.com/2024/02/marc-1-29-39-mc-1-40-45-cinquieme-et.html

 

Jésus raconte

 

Mon Père m'a demandé de ne pas rester à Capharnaüm, mais de parcourir la Galilée pour annoncer les temps nouveaux, les temps du renouvellement. Et j'ai alors proclamé la bonne nouvelle dans les villes, les bourgs et les villages. J'en ai guéri des malades, j'en ai expulsé des esprits impurs. Ces esprits, je devais les faire taire, car certes eux savent qui je suis, mais même ceux que j'ai appelés à me suivre ne le  savent pas, et ils devront le découvrir et l'accepter au fil des jours. 

 

Et voilà, que se présente à moi un homme qui s'agenouille devant moi, et qui me supplie. Et c'est en le regardant que je vois que c'est un lépreux. Mais comment a-t-il pu s'approcher de moi, alors qu'il sait que c'est interdit? Je dois dire qu'à la fois j'étais rempli de compassion pour lui, mais aussi très en colère, très irrité, parce qu'il n'aurait pas dû être là. 

 

Et en plus il me mettait au défi en me disant que si je le voulais, je pouvais le purifier de sa lèpre. Bien sûr que je le peux, mais est ce que je le veux? Mais qu'est-ce qu'il fait là, à mes pieds. Vraiment il ne devrait pas être là. Je n'aime pas qu'on me force la main, qu'on m'oblige. Bien entendu, je lui ai dit que je voulais cela pour lui, que je voulais qu'il soit purifié. 

 

Ce qui s'est passé ensuite est étonnant, car cet homme, ce lépreux dont je ne voyais pas le visage, j'ai tendu la main vers lui, mais ma main ne s'est pas arrêtée, elle l'a touchée, comme elle avait touché la belle-mère de Simon, comme elle a touché tous ces malades que j'ai guéri. Et j'ai senti, en moi, que la lèpre partait, et que sa peau redevenait saine. 

 

Seulement, il me faisait horreur cet homme. Pourquoi n'était-il pas resté loin de moi? Pourquoi m'avait-il en quelque sorte mis au défi? Alors une certaine colère m'a pris, je ne voulais plus le voir. Je lui ai dit de foutre le camp, le plus vite possible, que je ne voulais plus jamais le voir, et qu'il aille se montrer aux prêtres pour être déclaré guéri. Mais surtout qu'il se taise, qu'il disparaisse. 

 

Il y a autre chose aussi, c'est que la lèpre, ce n'est pas qu'une maladie, c'est ce que fait le mal dans l'homme. Myriam a été couverte de lèpre en punition de sa calomnie; le roi Ozias est devenu lépreux car il s'estimait plus grands que les prêtres, en voulant offrir des parfums à l'éternel (2Ch 26). Et moi, je me suis vu couvert de ce mal, à la place de cet homme. Je suis, comme l'a dit Jean, l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde; mais pour l'enlever il faut que je le porte, et cette impureté est horrible, car elle touche aussi bien le dedans que le dehors.

 

Hélas il n'a pas obéi, il s'est mis à proclamer partout que je l'avais purifié et surtout que je l'avais touché. Maintenant c'est moi qui suis considéré comme un paria, comme un lépreux et je ne peux plus entrer dans les villes, je ne peux plus annoncer la Parole. Il me faut, moi, me soumettre à la loi, car là c'est la loi de Moïse. Mais ce n'est que pour un temps, et bien que je fuie les villes, beaucoup continuent à venir à moi, car la vie est plus forte que la mort et la mort sera vaincue. J'ai hâte de retrouver Capharnaüm et la maison de Simon.

 

Simon Pierre raconte.

 

Mais d'où est ce qu'il est sorti celui-là? Comment un lépreux a-t-il eu le culot de s'approcher de mon maître, et de le supplier de le rendre pur?  Il n'aurait pas dû être là; mais bon au fond de moi je peux comprendre: il a une maladie qui ne se soigne pas, il est répugnant aux yeux de tous et en plus, il a dû quitter da famille et habiter comme les rats dans un trou puant. Ce n'est pas une vie.

 

Ce qui est étonnant, c'est que j'ai eu l'impression qu'il défiait un peu le Maître, qui lui a répondu qu'il pouvait lui rendre sa pureté.  Mais Jésus ne s'est pas contenté de menacer la lèpre, et j'ai eu du mal à croire ce que je voyais, car il a d'abord tendu la main vers l'homme, et ensuite il l'a touché. Vous vous rendez compte, il a touché cet homme que personne ne doit toucher. Je sais que ma belle-mère m'a raconté combien le contact de la main de Jésus sur elle avait été fort et bienfaisant. Mais pourquoi le toucher? Il est un peu fou mon maître! 

 

Après je n'ai pas trop compris, parce que Jésus n'est jamais comme ça avec les personnes qu'il guérit. Il l'a carrément chassé en lui disant de s'en aller, et de n'en parler à personne; d'aller faire constater sa guérison par les prêtres. Et croyez-moi, ce n'était pas dit comme un conseil, mais comme un ordre. Je ne dis pas que Jésus lui hurlait dessus, mais ce n'était pas loin, presque comme si l'homme avait été possédé par un démon.

 

 Seulement ce con là, il n'a pas obéi, il s'est mis à proclamer que Jésus l'avait purifié, et du coup Jésus a été exclu à son tour. Nous qui avions vu, nous n'aurions jamais raconté que Jésus l'avait touché, mais lui, il a fallu qu'il raconte ça à tout le monde. Je lui en veux beaucoup, quel dommage que Jésus n'ait pas refusé de le purifier, on aurait eu la paix. 

  

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