mercredi, février 16, 2022

Mc 8, 22-26 L'aveugle de Bethsaïde

Après avoir eu cette prise de bec avec les pharisiens (Mc 8, 11-13), Jésus accoste à Bethsaïde, le village d'origine de Pierre et d'André. Dans l'évangile de Matthieu ce village est déclaré malheureux, car il ne s'est pas repenti (changé de conduite, converti) devant les miracles qui ont été faits là. Et la punition sera lourde. S'agit-il de cette guérison, ou de bien d'autres guérisons, nous ne le savons pas. De même que nous ne savons pas où habitait cet infirme, puisque Jésus lui dira de rentrer dans sa maison sans passer par le village. 

 

En essayent de visualiser ce texte, je me suis rendue compte que lorsqu'il est dit que Jésus met de la salive sur les yeux de l'infirme (et c'est aussi ce qui se passe avec l'aveugle-né de Jérusalem), j'avais toujours imaginé qu'il s'agissait des paupières. Mais un aveugle a les yeux grands ouverts, il ne vit pas les yeux fermés, il vit avec des yeux morts, qui ne sentent plus rien, qui ne voient plus. Et c'est sur la cornée (pour parler en termes un peu techniques) que Jésus va déposer sa salive, et j'ai eu l'impression que pour cet homme, cela ne faisait ni chaud, ni froid, car il n'y croyait plus. C'est un geste sans importance. 


Et la question de Jésus l'a comme réveillé. Il a levé les yeux, il s'en est servi comme d'un organe vivant, et là c'est cette première perception de pouvoir enfin distinguer, mais de manière floue. 


Et là, au fond de moi, je pense qu'il devient capable de mettre sa foi dans cet homme qu'il ne distingue peut-être pas bien, mais qui peut le guérir complètement de sa cécité et c'est ce qui se passe. 


Il voit "nettement" comme le sourd-muet parlait "correctement". Il y a quelque chose de restauré, de totalement restauré car quand Jésus agit, il le fait complètement.


Aujourd'hui, nous voyons comme dans un miroir, en énigmes, mais alors je verrai face à face. À présent je connais de manière partielle, mais alors je connaîtrai comme je suis connu. 1Cor 13,12


Des organes morts, je pense que nous en avons tous, et  peut-être que l'on finit par s'y habituer. Que le Seigneur redonne vie à ces organes  c'est mon cri du jour. 

 

L'homme aveugle raconte.

 

J'ai perdu la vue petit à petit, et maintenant mes yeux sont morts. Ils sont ouverts, mais je ne vois rien. Des guérisseurs j'en ai vu, mais je n'ai pas retrouvé la vue.

 

Des gens de Bethsaïde sont passés chez moi, pour me conduire à un certain Jésus qui paraît-il a fait beaucoup de miracles. Des pêcheurs de ce lieu ont même quitté leur barque pour le suivre. Mais bon, moi les guérisseurs, je n'y crois guère, j'en ai tellement vu qui promettaient monts et merveilles.

 

Nous avons un peu marché, ma maison n'est pas très loin du village. Je me suis rendu compte qu'il y avait beaucoup de monde. On m'a présenté à Jésus et on lui a demandé qu'il me touche.

 

Il n'a pas répondu, mais il m'a pris par la main et il m'a conduit un peu à l'écart, mais pas très loin. Je ne savais pas du tout où j'étais, j'étais un peu perdu. C'est cela être aveugle, il faut toujours faire confiance quand on n'est pas dans un lieu que l'on connait, et c'est difficile pour moi. Mais j'ai aimé qu'il me prenne par la main, car ce n'était pas de la pitié, mais un vrai désir de m'aider, d'éviter que je ne me prenne les pieds, que je tombe.

 

Nous nous sommes arrêtés, nous n'étions pas loin de la mer. La mer, que j'aimais la regarder, mais maintenant entendre le bruit des vagues c'est douloureux. J'entends mais je ne vois pas. J'ai alors senti qu'il mettait du mouillé sur mes yeux, je pense que comme tous les guérisseurs, il utilise sa salive. Et il a ensuite touché mes yeux. Mais moi, mes yeux ils sont morts, et ils ne servent plus à rien, et même s'ils étaient ouverts; ils sont baissés si je puis dire, ils sont renfermés sur eux-mêmes. Ce n'est pas facile à expliquer. En fait mes yeux sont endormis, ils ne servent pas.

 

Il n'a pas employé d'incantation, de formule toute faite comme les autres guérisseurs. Il y a eu un petit temps de silence, juste le bruit des vagues. Il m'a demandé si j'apercevais quelque chose. Alors cela a réveillé mes yeux, et je les ai levés et j'ai vu, mais j'ai vu flou. Je lui ai dit que je voyais des gens, mais que c'était comme des arbres, parce que c'est juste une forme, et qu'ils marchaient. 

 

Là, il a à nouveau posé ses doigts sur mes yeux, mais là je les voyais les doigts, et dès qu'il les enlevés, ma vue était revenue, je distinguais tout avec netteté. Passer du flou au net, c'est un vrai miracle. 

 

Avant que je puisse le remercier, il m'a dit de rentrer chez moi, et là, je n'avais besoin de personne; et de ne pas passer par le village. Bon ça je n'ai pas compris, mais j'ai obéi. 

 

Ce qui est sûr, c'est que ce Jésus, comme guérisseur, il est vraiment extraordinaire et il ne m'a rien demandé. Je suis juste rentré chez moi, et ça a été la fête. 

 

Seulement je ne comprends pas pourquoi il a en quelque sorte disparu de ma vie, après me l'avoir rendue, ma vie. 

 

Peut-être que son chemin à lui est autre. Peut-être que son chemin c'est de réaliser les prophéties d'Isaïe, de rendre la vue à ceux qui ne voient pas, et ainsi de nous réveiller, nous qui tellement souvent nous habituons à ne pas voir, à vivre dans l'obscurité alors que notre Dieu est le Dieu qui donne la Vie. Un de ces jours, moi aussi je partirai, je le trouverai et je me mettrai à sa suite. 

 

Jésus raconte. 

 

Je les avais ramenés à Bethsaïde, pour qu'ils puissent retrouver un lieu un peu familier; j'avais déjà fait beaucoup de guérisons dans ce petit village de pêcheurs, mais personne n'a changé son cœur, et cela me désole. 

 

Des gens sont arrivés, ils avaient un aveugle avec eux. Ils m'ont demandé de le toucher, mais lui, il était raide comme un piquet et manifestement , on ne lui avait pas demandé son avis, et il ne croyait pas que le royaume de Dieu s'était approché et que la vie était plus forte que la mort. Ses yeux étaient bien morts eux. 

 

Je l'ai pris par la main, parce que je le sentais perdu avec cette foule qui commençait à s'agglutiner, et nous sommes allés un peu plus loin, en dehors du village, là où on entend le bruit des vagues et où on sent l'air que la peau. Je voulais qu'il se sente bien.

 

Pour qu'il comprenne ce que je faisais, j'ai pris un peu de salive et j'ai enduit ses yeux, comme le jeune Tobit avait enduit les yeux de son vieux père, Tobie, pour lui rendre la vue. Et j'ai touché ses yeux. Curieusement, il semblait ailleurs, je ne sais pas où, mais absent. Je lui ai demandé s'il apercevait quelque chose, et là, ça l'a comme réveillé. Il a levé les yeux, j'ai vu le mouvement des yeux, et il a dit qu'il voyait bien quelque chose. Il a dit: des gens mais qui sont comme des arbres et qui bougent. Il y avait bien des arbres auprès de nous, mais il y avait aussi des gens qui arrivaient pour voir. Voir…

 

Alors j'ai à nouveau touché ses yeux, et là, il est devenu présent, totalement présent, car il attendait quelque chose de moi, et ce quelque chose lui était donné, et il a vu avec netteté, il a retrouvé la vue, mais peut-être plus que cela, il est redevenu vivant. 

 

Je lui ai demandé de rentrer chez lui, car ça maintenant il pouvait le faire sans aide, et de ne pas passer par le village, parce que moi, je ne voulais pas qu'il soit comme montré du doigt, comme un phénomène de foire, parce que dans ce village, les miracles ils refusent d'y croire. 

 

Nous nous allons continuer notre route, cette route qui me conduira à Jérusalem.

 




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