mardi, septembre 13, 2022

Lc 15;1-32. Les trois paraboles de la joie: quand un pécheur se convertit - 24° dimanche du temps ordinaire année C - Septembre 2022

  

La parabole du fils prodigue, nous l'avons entendue pendant le temps du Carême (année C), et la revoilà pour ce 24° dimanche du temps ordinaire, de cette même année C. 

 Pour ma part, j'ai proposé au fil des années plusieurs regards sur ce passage de Luc. Celui du père, https://giboulee.blogspot.com/2016/09/les-paraboles-de-la-misericorde-luc-15.html

celui de l'aîné, qui semble rempli d'envie et de rancœur,  https://giboulee.blogspot.com/2021/03/luc-15-32-32-il-fallait-festoyer-et-se.html et enfin celui de ce fils qui a pris un jour de sa vie la clé des champs pour faire une expérience de ce qu'il pensait être la liberté:  https://giboulee.blogspot.com/2021/03/luc-15-14-il-fait-tout-depense-quand.html . Donc trois regards sur cette parabole du fils perdu et retrouvé comme on dit aujourd'hui. Comme le font remarquer certains, il s'est perdu tout seul, un peu comme la brebis, mais personne n'est vraiment parti à sa recherche. Et on assiste plutôt à des retrouvailles dans ce texte, du moins pour ce fils-là, car pour l'aîné, on est plutôt dans une scène de rupture. 

 

 Peut-être manque-t-il le regard de Jésus. Qu'est ce qui le pousse encore et encore à essayer de convertir ces pharisiens qui par certains côtés ont comme lui un amour dévorant pour la parole, pour son père, mais qui se sont enraidis à vouloir obéir sans discerner ce qu'il en est de la volonté de Dieu, et peut-être à se façonner un Dieu à leur image.  Dans le chapitre qui précède celui qui nous est proposé aujourd'hui, il avait été question de la guérison de l'homme atteint d'hydropisie, un jour de Sabbat dans une synagogue. Jésus avait posé une question aux pharisiens qui sont là: "Est-il permis oui ou non de faire une guérison le jour du Sabbat", question presque analogue à celle qu'il avait déjà posée lors de la guérison de l'homme à la main desséchée dans une synagogue. Devant l'absence de réponse, Jésus guérit l'homme et le renvoie chez lui. Mais quand j'entends ce texte, je l'associe automatiquement à ce qui passe dans l'évangile de Marc, lors de la guérison de l'homme à la main desséchée (Mc 3,1-6),où l'évangéliste rapporte que devant l'absence de réponse à sa question 'Est-il permis un jour de sabbat de faire le bien ou de faire le mal, de sauver une vie ou de la perdre', il promène sur eux un regard navré de colère (trad B.J.), ce qui traduit bien sa tristesse devant cette rigidité. 

 

Alors peut-être qu'un jour je laisserai la parole à Jésus, car je me demande parfois si ce fils qui quitte la maison de son père, non pas pour brûler la vie par les deux bouts, mais pour se frotter à nous qui sommes infréquentables et nous aimer encore et encore, et donner sa vie pour que nous puissions retourner à notre maison, ce n'est pas lui ce fils prodigue qui distribue tout. 

 

Mais j'ai choisi de laisser parler un pharisien, un de ceux pour lesquels ces trois paraboles, ces trois histoires sont racontées; peut-être un de ceux qui n'a pas du tout apprécié cette guérison un jour de Sabbat et les réflexions de Jésus sur ceux qui se précipitent sur les premières places au cours d'un repas, et inviter ceux qui ne peuvent rendre l'invitation; sans parler de cette parabole où ceux pour lesquels un repas de noces, préparé de longue date, sera finalement donné à d'autres, qui n'en sont peut-être pas dignes au regard des pharisiens.  

 

Un pharisien raconte.

 

Ce qui est sûr, c'est qu'il faudra bien trouver un moyen pour le faire taire, ce Jésus de Nazareth. Il se prend pour un prophète, pour l'envoyé. Il ose dire qu'il est le maître du Sabbat. Il ne réprimande pas ses disciples quand ils transgressent l'interdiction de tout travail agricole le septième jour. Il fait des guérisons ce jour-là, alors qu'il y a six autres jours dans la semaine pour venir se faire guérir. Il risque de pervertir nos propres disciples. 

 

Et parfois, pourtant, il dit et il enseigne de beaux préceptes. Ne dit-il pas qu'il faut aimer et prier pour ses ennemis, donner tout ce que l'on a et tout ce que l'on est? Sauf que, de cela, qui en est capable? Mais sa prédilection pour les pécheurs, pour les femmes de mauvaise vie, pour les collaborateurs, est vraiment insupportable. Il se permet de nous donner des leçons de morale: ne pas prendre la première place quand on est invité à un festin, mais surtout il semble vouloir nous faire comprendre que nous, nous n'entrerons pas dans le Royaume; alors qu'en respectant la Tora comme nous le faisons, c'est pourtant cela que nous désirons de toute notre force.

 

Et là, comme en nous-mêmes nous pestions parce que ceux qui le suivent, ce sont comme je l'ai dit des pécheurs et des publicains, il s'est adressé directement à nous, et nous a raconté trois histoires, ces histoires dont il a le secret. Je crois qu'il veut nous prouver qu'un pécheur, qui renonce à ses péchés, fait quelque chose de bien; et que cela est agréable à notre père céleste. Cela le prophète Ézéchiel le disait aussi.  

 

Mais je dois dire que le voir en permanence ou presque, même si ses disciples disent qu'il passe des nuits entières à prier, avec ces pestiférés, prendre ses repas avec eux, alors que toute la loi nous dit de ne pas frayer avec eux, c'est insupportable. Et pourtant il chasse des démons, il guérit des malades, et il mange avec les pécheurs. Qui est-il? Puisqu'on sait que Dieu n'exauce pas les pécheurs. 

 

Pour sa première histoire, il nous a pris à partie ou presque. Il nous a demandé si, lorsque l'une de nos brebis venait à se perdre, nous n'abandonnions pas tout le troupeau, les quatre-vingt dix-neuf autres, pour aller la rechercher. Il a parlé de brebis qui se serait perdue dans le désert. Une brebis si difficile à retrouver. Il en faut de la patience pour la faire sortir d'une crevasse, il faut espérer qu'elle ne s'est rien cassé, et il faut la porter souvent sur les épaules pour la ramener. 

 

Là, je me suis demandé de qui il parlait vraiment. De nous, de lui qui dit qu'il est venu chercher les malades, qui se prend un peu pour un berger, ou même de notre Berger, celui qu'il ose parfois appeler son Père. Parce que c'est comme cela qu'il le nomme. Ne l'avons-nous pas entendu dire: "Je te bénis Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux savants et de l'avoir révélé aux tous petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. Tout m'a été remis par le Père, nul ne connait le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler". 

 

Et il a ajouté, ce qui est vrai, que lorsque nous retrouvons cette brebis qui s'est sauvée, qui a quitté le troupeau, nous en sommes tellement heureux que nous convions tous nos amis et que nous faisons la fête avec eux. Et pour lui, cette joie-là, elle existe aussi au ciel, pour un seul pécheur qui change de vie. Et il a même dit qu'il y avait plus de joie pour un pécheur qui se convertit que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion. Peut-être qu'il voudrait que nous nous réjouissions pour ces foules qui le suivent; et qui, d'après ce qu'on dit, pour beaucoup changent de vie? Mais là, il peut toujours rêver. 

 

Après je dirais qu'il a enfoncé le clou, en racontant l'histoire d'une femme qui avait dix pièces d'argent et qui en perd une; et qui retourne toute sa maison pour retrouver la pièce. Si c'est la pièce de la couronne de la mariée, alors oui, je la comprends. Sans la pièce, toute la couronne est bonne à jeter. Et même si c'est une simple pièce d'argent, je comprends qu'elle remue tout,  et même qu'elle allume une lampe en plein jour, pour la retrouver. Enfin ça, c'est bien un truc de femme. Qui d'entre-nous perdrait une pièce d'argent! Et il parle ensuite de la joie qui est la sienne, quand tout le travail de retourner la maison a porté ses fruits. Et de cette joie qu'elle partage avec ses amies. Et pour lui, ce serait la même chose avec les anges qui se réjouissent dans leur chœur angélique quand un pécheur se convertit.  Mais qu'est-ce qu'il en sait? 

 

Puis il nous a raconté une histoire assez différente, celle d'un homme qui a deux fils. L'un d'entre eux, je dirai que c'est le prototype de pécheur: il demande son héritage, il prend tout, il s'en va, il fait la fête, il dilapide tout. Il brûle, comme on dit, la vie par les deux bouts. Mais voilà, un jour il se retrouve sans le sou, et bien sûr sans amis. Notre livre des Proverbes nous dit de beaux enseignements sur ces insensés. Puis quand il est vraiment au bout du rouleau, il se souvient qu'il a un père, qui donne de quoi manger à ses ouvriers, comme tout bon responsable. Il faut dire qu'il y a une famine dans le pays, et qu'il est réduit à garder des porcs, ces animaux impurs, qui eux peuvent se gaver, mais pas lui. 

 

Et là en quelque sorte cette famine lui permet de réfléchir. Il décide de bouger, de ne pas rester passif à pleurer et à se lamenter sur lui: de rentrer chez son père, et de lui dire de ne plus le considérer comme son fils (ce que je trouve très bien après ce qu'il a fait); et de l'embaucher comme un de ses serviteurs. Il se dit que comme cela il aura à manger, et tant pis pour la honte. 

 

Seulement le père de cet homme ne l'entend pas de cette oreille. Imaginez-vous (enfin cela Jésus ne le dit pas) mais que, jour après jour, il attendait le retour de son fils. Et quand il le voit arriver, en haillons, sentant mauvais, mais en vie, alors que le fils voudrait disparaitre sous terre, lui, il lui ouvre les bras, et le couvre de baisers. Je ne sais pas si beaucoup de pères seraient capables de cela, une mère peut-être, même sûrement, mais un père? Dès que le fils ouvre la bouche pour lui dire la belle phrase qu'il a préparée et où il se reconnaît pécheur et indigne d'être appelé fils, il appelle ses serviteurs pour que ceux-ci le lavent, lui donnent la plus belle robe, des sandales, et même une bague et il fait organiser un grand festin, tellement il est heureux d'avoir retrouvé ce fils qu'il pensait être mort, et qui est vivant. Je ne sais pas qui il a invité, mais j'imagine toute sa maisonnée.

 

Je pense que Jésus, veut nous faire comprendre la joie qu'il peut y avoir au ciel quand un pécheur se repent, reconnaît son péché, même si finalement la motivation qui le pousse à revenir chez lui, auprès de son père, est le désir de ne plus souffrir de la faim, et non pas de demander vraiment pardon. Je dois dire que parler du très Haut comme cela, ça m'a un peu retourné. Mais Jésus a continué son histoire et là, j'ai beaucoup moins aimé. 

 

Il a parlé de l'autre fils, le fils aîné, celui qui fait en quelque sorte marcher le domaine. Il est un peu comme un super-intendant. Car le fils revient des champs, fatigué, épuisé par sa journée de travail, et il entend le bruit de la fête. Il n'en croit pas ses oreilles, et il demande ce qui se passe. Un serviteur lui dit que son père a fait tuer le veau gras parce que son frère est revenu, et qu'il est en bonne santé. 

 

Alors là, il se met très en colère; et je le comprends, parce que ce n'est pas juste. Il est tellement en colère qu'il ne veut pas participer au festin. Il dit à son père qu'il fait la fête pour ce malpropre, alors que pour lui, le père n'a jamais rien donné, et que vraiment ce n'est pas normal. Et le père de lui dire qu'il pouvait demander et même se servir sans demander, et là le fils a ouvert des grands yeux, jamais il n'avait imaginé que son père pouvait être comme ça. Puis il ajoute qu'il fallait bien faire la fête parce que son frère est revenu à la vie. 

 

Ce que fera ce fils, Jésus ne le dit pas. Est-ce qu'il va entrer dans la maison, pour faire plaisir à son père, pour lui obéir, mais comment va-t-il réagir quand il verra son frère? Car l'ignorer, il ne peut pas le faire. Peut-il entrer dans la joie? C'est vraiment très difficile, ce qui lui est demandé là. Et là, si moi, j'étais ce fils, je ne sais pas ce que j'aurai fait. 

 

Est-ce que notre Dieu, qui nous a dit "Soyez saints comme je suis saint" peut nous demander de nous réjouir quand un pécheur se convertit? Notre tradition ne parle-t-elle pas des colères de notre Dieu, qui est - comme il l'a révélé à Moïse - un Dieu certes plein d’amour et de vérité, qui garde sa fidélité jusqu’à la millième génération, et supporte faute, transgression et péché, mais ne laisse rien passer, car il punit la faute des pères sur les fils et les petits-fils, jusqu’à la troisième et la quatrième génération? 


Quand je pense à tout ce que ce fils a fait comme péchés, imaginer que notre Dieu, Béni soit-il, puisse dans son paradis faire un festin de noces pour un pécheur qui montre son repentir, c'est pour moi impensable et presque blasphématoire. 

 

Alors oui, ces trois histoires sont bien jolies, mais moi je lui en veux à Jésus. Nous les pharisiens nous n'aimons pas les pécheurs, nous les fuyons,  parce que nous avons peur qu'ils soient un peu comme des lépreux et qu'ils puissent nous souiller, nous contaminer. Nous n'invitons pas n'importe qui chez nous, nous ne faisons pas la fête quand nous apprenons que l'un d'entre eux a renoncé à péché mais nous, toute notre vie est effort pour être agréables à Dieu. 

 

Faut-il être un pécheur pour être aimé de Lui? Je ne sais plus, je ne sais pas, mais je sais qu'un jour Jésus nous a reproché de ne pas entendre les prophètes, ceux qui disent que le sacrifice qui est agréable à Dieu, ce ne sont pas les taureaux ou les chevreaux, mais la pratique de la miséricorde. Et là, le Dieu qu'il nous présente, c'est ce Dieu de miséricorde, ce Dieu d'Amour. Mais est-ce ce Dieu-là dont moi je veux pour sauver notre peuple? Je dois dire que je ne sais pas.

 

Et tandis que je me faisais cette réflexion, une pensée étrange m'est venue. Ce Jésus dit (ou certains pensent) qu'il est le fils du très Haut; d'ailleurs il se présente parfois comme le "Fils de l'homme". Et si c'était lui le fils que nous considérons comme indigne, venu d'en haut pour se commettre avec nous les hommes, nous qui sommes tous pécheurs - car cela je dois le reconnaître; et qui viendrait nous sauver? 

 

Je n'aime pas cette pensée, parce que le messie doit être un descendant de David, et que celui-là il vient de Nazareth. Alors attendons et veillons à la pureté, et battons-nous pour que la loi soit respectée et que notre Dieu vienne visiter ton peuple et faire le grand ménage.On verra alors si ce Jésus, est bien le Messie. Mais en attendant, nous veillerons. 

  

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