Jérémie
Nous avons travaillé en groupe le
livre de Jérémie, mais nous avons dû constater que c'est un livre où, outre des
styles différents, les événements sont souvent rapportés dans le désordre; de
ce fait le livre est difficile à saisir, malgré de nombreux passages que l'on
pourrait qualifier de très riches pour notre vie spirituelle.
J'ai alors essayé d'écrire un
texte à la première personne, en faisant parler Jérémie, ce prophète qui se
plaint, mais qui se plaint à juste titre, ce prophète qui, un peu comme Job,
tient tête à Dieu, qui proteste, qui crie, qui hurle même parfois. Mais cet
exercice que pourtant j'aime beaucoup ne "coulait" pas facilement.
J'ai alors pensé qu'il fallait
remettre l'histoire de Jérémie dans le déroulement chronologique, car avant de
lire ce que Jérémie peut raconter, il est nécessaire de comprendre que qui se
passait, et contre quoi et contre qui il avait à lutter.
Le texte proposé est donc
articulé en trois parties: une introduction, qui se centre sur le message de
Jérémie, une description de ce que furent les rois auxquels Jérémie dut
s'affronter, et enfin une reprise à la première personne de la longue et
douloureuse histoire de ce prophète.
Introduction
Le livre du prophète Jérémie est
un gros livre: 52 chapitres. Il s'étale sur 40 ans; Jérémie a été le témoin de
nombreux événements relatés dans le second livre des Rois et dans le second
livre des Chroniques. Il a vécu la destruction du temple de Jérusalem et a
assisté à la déportation de ceux qui ont réchappé au siège et aux destructions.
Le message de Jérémie est
relativement clair: Jérusalem ne pourra pas résister à ses assaillants
(Babylone) parce qu'elle s'est détournée de l'unique Dieu, mais aussi parce que
la Loi n'a pas été respectée. Dieu, dans le futur, ramènera les rescapés (un
"petit reste)"; la ville sera reconstruite: elle deviendra LA VILLE
,et une nouvelle alliance existera entre le Seigneur et son peuple. Les peuples
dont Dieu s'est servi (car il est le Maître), seront à leur tour châtiés, et
disparaîtront de la face de la terre.
Mais en fonction des rois qui
règnent sur Juda, et qui veulent la libération du joug des Babyloniens, les
oracles de Jérémie ne peuvent être entendus et acceptés, car ils évoquent la
ruine et la captivité. Cela mettra donc le prophète dans des positions plus que
difficiles, car en s'opposant aux autres prophètes - qui promettent la réussite
(en caressant donc le roi et le peuple dans le sens du poil) -, il ose proférer
des paroles de malheur, qui lui vaudront d'être emprisonné et d'être bien près
de la mort. Les écrits de Jérémie, retranscrits pas son secrétaire Baruch et
mis sous forme de livres ("prends un livre et écris", lui dit le
Seigneur), ont été détruits volontairement par les rois. Et même si des
réécritures ont été faites, la lecture de ce livre est compliquée parce qu'elle
ne respecte pas vraiment une chronologique. Il s'agit finalement d'une
reconstitution.
Les oracles s'adressent tantôt à un roi, tantôt
à un autre. S'y mêle aussi l'histoire propre de Jérémie, ses malheurs. C'est
parce que le Seigneur lui demande d'acheter un terrain dans son pays qu'il sera
arrêté (pris pour un déserteur), et passera de longs mois en prison.
Pour comprendre un peu mieux ce
livre, il me semble nécessaire de présenter d'abord ces différents rois, qui
furent tous, sauf Josias qui est le dernier grand roi d'Israël, des rois mis en
place par l'ennemi, et qui sont influencés par des prophètes de cour, prophètes
remplis d'un esprit de mensonge (1R 22, 23). Le projet de Dieu était bien, en
conduisant son peuple en exil, de créer un petit reste qui apprendrait à vivre
de lui et par lui, avec lequel il pourrait faire une alliance nouvelle, et qui
serait le berceau duquel serait issu le Messie. On peut aussi penser que l'exil
a permis aux scribes de réfléchir sur l'histoire d'Israël: leurs écrits ont
permis aux exilés de conserver leur identité, et de ne pas se fondre parmi les
impies en prenant leur manière de vivre.
En reprenant les livres des Rois
et les livres des Chroniques, on comprend un peu mieux ce que fut le rôle de
Jérémie, durant sa vie qui commence avec le Roi Josias, le dernier roi
"autonome": il a succédé à son père Amon (assassiné par ses
serviteurs) sans que la main des royaumes étrangers y soit pour quelque chose.
Rappel des derniers rois du royaume de Juda.
Josias
(640-609) règne 31 ans sur Jérusalem. C'est un roi qui suit la conduite de son
ancêtre David. Non seulement il fait démolir les lieux de cultes consacrés aux
Baals et le fait lui-même, mais il fait réparer et purifier le Temple de
Jérusalem. La découverte d'un rouleau (on pense qu'il s'agit du Deutéronome)
provoque un renouvellement de l'Alliance. Il est important de se souvenir que
la fin de ce livre est très centré sur la rétribution: si la loi de Dieu est
suivie, alors des bénédictions (bonnes récoltes, absence de stérilité) seront
là. Dans le cas contraire, les pires malédictions tomberont sur celui qui n'a
pas respecté les commandements. Or Josias s'opposa aux Egyptiens, qui venaient
attaquer la puissance grandissante de Babylone, et perdit la vie, ce qui sembla
"injuste" à Jérémie. Il composa une lamentation qui est peut-être
dans le livre des Lamentations.
Les rois qui se succèdent ensuite
sur le trône de Juda, sont des rois "postiches" mis en place par les
puissances du moment: l'Egypte ou Babylone, qui l'une et l'autre lèvent de
lourds tribus et n'ont aucune considération pour des rois qu'ils considèrent un
peu comme des marchandises, dont ils disposent.
Joachaz 609, succède à
Josias et ne règne qu'un an. Il est "rapté" par les Egyptiens qui
rançonnent le pays, mettent Elyaqim à sa place et changent aussi le nom de ce
dernier en Joiaquim.
Joiaquim 609-598 , bien que
mis en place par les Égyptiens, est pris par la montée en puissance du royaume
de Babylone. Il commence par accepter la soumission (3 ans), ce qui veut dire
être soumis à l'impôt, puis se révolte et est vaincu, sans que les Égyptiens ne
viennent à son aide.
Joakîn 598, qui est mis sur
le trône à 8 ans, , se laisse certainement manipulé par la cour, et fait ce qui
déplaît au Seigneur. Il est fait prisonnier par Nabuchodonosor (ce qui dans la
logique de l'époque est normal) et est remplacé par celui qui sera le dernier
roi de Jérusalem et celui avec lequel Jérémie aura le plus de conflits,
Sédécias. C'est le premier siège et la première
déportation. Les trésors du temple partent à Babylone. Sont emmenés en
exil, dix mille personnes, notables, dignitaires, artisans du travail du métal.
Le petit-fils de Joakin reviendra
de Babylone après l'exil, comme gouverneur de Jérusalem.
Sédécias 598-587 . Il n'est
qu'un jeune homme quand il est mis sur le trône. Son nom est changé par le Roi
de Babylone. Il ne respecte pas le culte du Seigneur. Puis il se révolte contre
Nabuchodosor, fait des alliances désastreuses et c'est l'exil de la population
en Chaldée.
Dans un premier temps, au bout de
9 ans de règne, Jérusalem est assiégée, et le roi est fait prisonnier et
conduit à Babylone. 5 mois plus tard, la ville est à nouveau mise à sac, le
temple est incendié, et le peuple déporté.
Godolias est mis en place
comme gouverneur de Jérusalem par
Nabuchodonosor. Il rencontre ce qu'on pourrait appeler des forces armées
résistantes à Miçpa, lieu sacré important dans l'histoire d'Israël (Livre des
Juges et 1° livre de Samuel) et proche du Mont Hermon (Le choix de ce lieu se
comprend d'autant mieux que le Temple a été détruit). Il leur demande de
collaborer avec les forces babyloniennes. Ce discours ne peut être accepté et
Godolias est assassiné. A la suite de cet acte, ce qu'il reste du peuple part
en Egypte, en emmenant Jérémie avec eux.
Jérémie est à la fois un prophète
du malheur, mais aussi un prophète qui parle de sa relation à Dieu, qui souffre,
qui est parfois exalté, puis déprimé, qui en veut à ce Dieu qui l'oblige à dire
des paroles qu'il ne voudrait pas dire, mais aussi un prophète qui annonce une
autre alliance, cette alliance qui passe par la circoncision du cœur, et par la
présence de Dieu non plus dans un temple, mais dans chaque être qui le
reconnaît comme le Seigneur.
Le récit de Jérémie
Me voici en route vers l'Egypte, ce pays d'où mon peuple est sorti par
la volonté de mon Dieu et sous la conduite de Moïse. Pourquoi ne suis-je pas
mort à Jérusalem lors de l'assaut donné par les Babyloniens? Pourquoi,
pourquoi? Mon Seigneur n'a t il pas dit à ces fous qui croient qu'aller en
Egypte, le pays d'où Moïse les fit sortir est une bonne chose, que l'Egypte
sera elle aussi vaincue par Babylone et que leur sort sera pire que ceux qui
seront restés au pays ou qui auront choisi l'Exil?
Pourquoi mon Dieu m'a t il choisi moi le petit prêtre qui vivait dans
le pays de Benjamin, suffisamment loin de Jérusalem pour couler des jours à
servir mon Dieu en accomplissant le service demandé par David aux descendants
d'Aaron? Pourquoi m'a-t-il donné une vie qui a été si difficile? Voir par deux
fois la ville de Jérusalem envahie, voir le peuple emmené en captivité, est ce
que ne n'est pas de l'ordre de l'insupportable? Que moi j'aie été emmené en
captivité en Egypte, cela même si c'est difficile, je peux l'accepter parce que
je crois que si mon Dieu m'a maintenu en vie, c'est pour une bonne raison, mais
voir ces massacres, ces pillages, ces incendies, ces innocents tués, cela c'est
affreux. Parfois j'ai l'odeur des morts, l'odeur des incendies qui
m'envahissent.
Et pourtant j'en ai eu des visions qui allaient toutes ou presque dans
le même sens: le Seigneur se détournait de son peuple et appelait les peuples
du nord pour l'humilier, le dévaster le détruire.
La première vision que j'ai eue, c'était celle d'un amandier.
L'amandier avec ses fleurs c'est l'arbre du printemps, l'arbre du renouveau.
Cette vision m'a été donnée comme pour me dire que, oui, le Seigneur savait
bien que je n'étais encore qu'un tout jeune prêtre, un enfant qui ne sait pas
parler, mais qu'il ferait de moi un Veilleur; et pour un prêtre c'est bien mon
rôle, et j'étais heureux. J'en avais presque oublié les paroles qu'il m'avait
dite et où il me disait que ma fonction serait d'arracher et de renverser (et
moi je suis un doux, je ne me vois pas entrain de renverser qui que ce soit ou
d'arracher du sol quoi que ce soit), d'exterminer et de démolir (comment
veut-il que je sois un messager de la mort, alors que Lui il est la vie et
qu'il nous demande de choisir la vie), et de bâtir et de planter. Cela oui,
mais si c'est pour bâtir et planter sur une terre dévastée, je n'arrive pas à
voir. Seulement Dieu, lui, il est dans le long terme, il a des projets; et qui
peut comprendre sa pensée. Sûrement pas moi. Alors la vision de l'amandier a
été comme un baume sur mon cœur. Je me sentais un peu comme Aaron lorsque son
bâton de prêtre a été couvert de fleurs d'amandiers, le confirmant ainsi dans
son rôle de grand-prêtre.
Et, juste après, est arrivée la première de ces visions de destruction.
Le Seigneur m'a montré une espèce de grosse marmite, comme remplie de lave, qui
se déversait sur Jérusalem. Cette vision de destruction elle m'a dévasté. Ce
malheur arrive parce que nos rois se sont détourné du vrai Dieu. Mais comment
vais-je, moi, annoncer cela aux puissants qui sont à la tête de notre peuple?
Et les reproches que le Seigneur fait à son peuple se sont mis à
résonner dans ma tête, et c'était insupportable. Ma tête aurait voulu que ça se
taise, que ça s'arrête. Des reproches, des reproches, toujours des reproches.
Et je sais bien qu'Il a raison, mais ma tête éclate, mon cœur éclate, et les
cris et reproches que je vais adresser à mes frères je sais bien qu'ils ne serviront
à rien.
Ce qui était incompréhensible pour moi, c'est que le Seigneur parlait
des exilés, de ceux qui un jour devraient quitter le pays pour partir dans des
terres lointaines, comme d'une espèce de semence. Ils partiraient, ils
s'établiraient, ils fructifiaient, en quelque sorte Dieu serait avec eux; et un
jour ils reviendraient pour faire un temple nouveau, une ville nouvelle avec
une alliance renouvelée. Ce futur m'échappe.. Je ne le comprends pas, mais je
dois l'annoncer.
Les gens de ma ville ont voulu me tuer, et je ne me suis pas rebellé;
je ne savais même pas ce qu'ils tramaient contre moi (Jr 11), eux qui voulaient
me mettre à mort. Mais j'aurais voulu comprendre pourquoi les méchants
réussissent et pourquoi les justes sont mis à morts. J'aurais voulu que le
Seigneur prenne ma défense. Certes je ne suis pas mort, mais je n'existe plus plus pour les miens.
Un jour il m'a demandé d'acheter une ceinture de lin et de la porter.
Cette ceinture, elle était un peu devenue une partie de moi. Puis il m'a obligé
à m'en séparer, à la mettre dans un trou, à côté du ruisseau qui coule près de
chez moi. Et ce qui devait arriver arriva. Elle a pourri, elle est devenue un
haillon. Elle est devenue inutilisable. Et le Seigneur m'a dit que c'était ce
qui allait arriver à son peuple, qui se croyait fort, mais deviendrait comme un
tissu qui se délite. Et cette ceinture, il la jetterait. Alors dire cela?
Puis peu après il m'a demandé de leur raconter une histoire de cruches.
Une cruche, c'est fait pour être rempli de vin, et le vin ça rend ivre; et
quand on est ivre on ne sait plus ce qu'on fait. Alors les habitants de
Jérusalem, les princes, les prêtres, tous seront comme devenus ivres; ils
seront comme pris par un esprit de destruction et ils se détruiront les uns
contre les autres. J'ai raconté, mais ils n'ont pas compris que Dieu les
menaçait. Ils n'ont pas voulu entendre qu'ils seraient la risée de tous. Et moi
je devais raconter tout cela, et en moi mon cœur se brisait pour eux, malgré
tout le mal qu'ils me faisaient.
Une autre fois, c'était au début du règne de Sédécias, il m'a demandé
de me fabriquer un joug avec des cordes et de le mettre sur ma nuque. Quand j'y
pense, quelle horreur. J'ai dû convoquer les représentants des rois d'Edom, de
Moab, des Ammonites, de Tyr, de Sidon et je devais leur dire que s'ils ne se
soumettaient pas au roi de Babylone, ils seraient soumis. Le Seigneur voulait
leur faire comprendre qu'ils devaient accepter cette humiliation, s'ils
voulaient rester en vie, car c'était Nabuchodonosor qui avait la faveur de
notre Dieu.
Ce joug, le prophète du roi l'a enlevé de ma nuque et l'a brisé, car il
savait disait-il que dans quelques mois tout ce qui nous avait été volé par nos
conquérants nous reviendrait. Mais cela c'était dans sa tête, et je savais bien
que ce n'était pas le projet du Seigneur, même si j'aurais tellement aimé
pouvoir rassurer le peuple. Et le Seigneur m'a donné des paroles de mort pour
lui, et proférer ces menaces, vous pouvez pas imaginer à quel point mon cœur se
tord en moi quand je dois ainsi parler.
Puis il y a eu une famine, une famine affreuse, un de ces famines dont
on sait qu'elles sont voulues par Dieu. J'ai invoqué le Seigneur et il ne m'a
pas répondu, occupé qu'il était par sa colère et par sa volonté de détruire le
peuple qu'il avait pourtant fait sortir d' Égypte. Voir ce que j'ai vu, ça m'a
mis en colère moi aussi. Alors j'en ai voulu à Dieu, je lui ai dit que je me
demandais pourquoi il m'avait laissé naître, pourquoi je n'étais pas mort.
Pourquoi est ce que je me suis laissé séduire par Lui, pourquoi est ce que je
ne peux pas me taire, pourquoi sa parole en moi fait si mal.. J'ai hurlé contre
lui, j'ai hurlé: je lui ai dit (Jr 15, 16 ) que j'étais amer, déçu,
inconsolable. Et il a fait comme s'il n'écoutait pas ma plainte, il il m'a dit
qu'il continuerait à se servir de moi, qu'il ferait de moi comme un rempart de
bronze fortifié et qu'ils ne pourront rien contre moi. C'étaient de belles
paroles, elles m'ont redonné la force de continuer à "être sa
bouche", mais pardonnez- moi de dire cela, même s'ils ne m'ont pas tué,
ils m'ont enfermé, mis dans une citerne; et si un étranger n'était pas venu
implorer le roi Sédécias, je serais mort. Oui, je suis vivant, mais
"tomber entre les mains du Dieu vivant", parler en son nom, vous
condamne à mort devant les autres.
Il faut aussi vous dire que le Seigneur n'a pas voulu que je prenne
femme. Il disait que les enfants engendrés en cette période allaient mourir de
maladies mortelles et qu'il n'y aurait personne pour les pleurer. Je crois que
cela voulait dire que du fait de la déportation il ne resterait plus personne à
Jérusalem, mais j'aurais bien voulu ne pas "être un signe", et vivre
une vie prospère, la vie promise aux justes. Et en même temps il parlait de
ceux qui un jour reviendraient, qui seraient comme de l'or purifié et qui
seraient, eux le "reste" son peuple, peuple qui le connaîtrait et le
respecterait, peuple qu'il chérirait à nouveau.
Curieusement quelques mois avant la fin, alors que j'étais prisonnier
dans la cour des gardes du roi, un de mes cousins est venu me proposer
d'acheter un champ à Anatot, ma ville. Cela me semblait fou, mais le Seigneur
m'ordonna de le faire. Je fis faire une copie de l'acte et le fis mettre dans
un vase de terre pour qu'il se conserve, car c'était comme un signe d'espoir,
un signe qu'un jour à nouveau on vivrait heureux sur la terre de nos pères, on
bâtirait, on planterait, on vivrait.
Pour me faire comprendre cela et pour le faire comprendre aux habitants
de Jérusalem, Dieu m' a dit d'aller chez un potier (Jr 18), et de le regarder
travailler. Le premier vase ayant été manqué, l'artisan en refit un autre que
cette fois là, il garda. Et le Seigneur me fit comprendre qu'il allait faire
comme ce potier. Les descendants du peuple choisi, du peuple qu'il avait fait
sortir d'Egypte, ne compteraient plus pour lui. Il ne les regarderait plus, il
les mettrait au rebut; mais il allait créer un nouveau vase, avec les
descendants de ceux qui auraient été emmenés en exil; et avec ceux-là il ferait
alliance.
Et puis Dieu m'a demandé d'acheter une cruche. Il doit bien aimer les
cruches, parce que c'est la deuxième fois qu'il s'en sert. Et cette cruche,
j'ai dû la mettre en morceaux, la briser devant les anciens du peuple, et les
anciens des prêtres. J'ai dû leur dire que le Seigneur allait amener un malheur
sur la ville, qui serait brisée comme cette cruche et que cela c'était la
conséquence de leur idolâtrie. Comment ont-ils pu honorer d'autres dieux dans
le Temple du Seigneur et croire que le Seigneur ne le verrait pas?
Mais le prêtre Pashehur, qui
était le fils du chef de la police du temple, a très mal pris mes paroles et
m'a frappé, puis m'a mis au carcan. J'y ai passé la nuit. Moi qui avais échappé
à un attentat ( Jr 15,18), je me trouvais humilié, bafoué alors que j'avais été
la bouche du Seigneur. Le matin Il est venu me libérer, mais là j'avais une
parole pour lui, parole qui ne pouvait que lui déplaire car mon Dieu m'avait
montré cet homme entouré d'ennemis, ces ennemis terrifiants, voyant mourir ses
amis et emmené en exil à Babylone. Cela serait sa punition pour ce qu'il
m'avait fait, et surtout pour avoir prophétisé le mensonge.
Seulement moi, je n'en puis plus. Je suis prétexte à la moquerie (Jr 20,
7), je n'en puis plus de proclamer les violences et la dévastation; je voudrais
me taire, mais ce n'est pas possible. La parole de Dieu est en moi comme un feu
dévorant, et je ne peux faire autrement. Je suis tellement malheureux que,
comme Job, je voudrais ne pas être né; cette vie, je n'en veux plus, je n'en
veux pas. Quel est ce Dieu qui me force à vivre, qui se sert de moi, qui ne
m'écoute pas?
J'ai prophétisé contre Joakîn,
ce roi qui maintenant est admis à la cour du Roi de Babylone mais qui a perdu
toute dignité; j'ai prophétisé contre Sédécias, qui écoutait les princes de sa
cour; qui me demandait les paroles que le Seigneur me demandait de lui dire,
mais n'en tenait pas compte; j'ai prophétisé contre les nations qui nous ont
voulu du mal, parce que je savais aussi que le Seigneur un jour nous vengerait,
et que les nations comprendraient que notre Seigneur est l'Unique.
Mais, si un jour vous lisez tout ce que le Seigneur m'a demandé de
dire, m'a demandé de mettre par écrit, vous verrez que comprendre le dessein du
Tout Puissant est impossible. Car une fois arrivé en Egypte, il m'a révélé que
certes l'Egypte serait elle aussi conquise, mais que viendra un jour où
Babylone sera elle aussi divisée, assiégée, piétinée et qu'elle paiera pour le
mal qu'elle a fait à mon peuple et en ne reconnaissant pas que seul le Seigneur
est l'Unique. Pour tous les crimes commis, elle aura à payer.
En attendant, j'attends la mort comme une délivrance, car mes yeux en
ont trop vu, et je voudrais que celui qui a fait de moi un veilleur, à son tour
veille sur moi, et me conduise dans les verts pâturages. Oui le Seigneur est
mon Berger, je suis sa brebis, et il me prendra dans ses bras pour me faire
passer la vallée de l'ombre et de la mort.
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