vendredi, mai 04, 2007

Réflexions sur la place de l'humain sur notre planète.

Catherine Lestang


La révolution copernicienne, basée sur les découvertes scientifiques, a permis de comprendre que même si Jésus s’était incarné sur cette terre, celle-ci n’en n’était pas pour autant le centre le l’Univers : contrairement à ce que dit notre vision, ce n’est pas le soleil qui tourne autour de la terre, mais l’inverse.

Se fier uniquement à nos sens, pour comprendre le monde et théoriser cela, c’est fonctionner avec l’intelligence « intuitive » qui d’après Piaget caractérise l’intelligence des enfants de 2 à 6 ans. Sur le plan scientifique, nous avons appris à utiliser l’intelligence « abstraite », mais en ce qui concerne le religieux, il me semble que trop souvent pour comprendre le fait « Dieu », nous fonctionnons comme de petits enfants. Certes il nous est bien dit d’être comme « des petits enfants » pour entrer dans le royaume, mais pas de nous complaire dans un mode de pensée révolu. Paul ne dit-il pas dans la première épître aux corinthiens 13,11 «Lorsque j'étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant; une fois devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était de l'enfant.

Mais pour penser en adulte, il est nécessaire de se décentrer, d’abandonner des représentations de l’homme dans l’univers qui le mettent au sommet de la création. Cette décentration, comme celle qui a été demandée du temps de Copernic est difficile, car nos mythes font de l’humain une sorte de dieu qui aurait perdu par sa faute ses aptitudes. C’est bien agréable de penser qu’un jour, on retrouvera ce qu’on a perdu, plutôt que de reconnaître que l’humanisation est quelque chose de très progressif, de difficile et c’est pourtant cela notre finalité. Être à l’image et à la ressemblance de Dieu c’est bien laisser faire en nous une certaine transformation. C’est reconnaître que nous sommes fragiles, vulnérables et que cela nous pousse à utiliser notre intelligence à nous défendre en ne tenant pas compte de l’autre. Mais sommes nous devenus vulnérables donc blessés parce nous nous sommes détournés de dieu, ou par ce que c’est notre réalité historique ? La religion choisit la première hypothèse, mais est-ce la bonne ? N’est-ce pas celle qui fait de nous le centre des espèces qui vivent sur la terre ? Ne faut-il pas nous regarder avec un oeil un peu moins narcissique ?

Les apports de la science ont toujours eu un énorme impact sur la philosophie, c’est-à-dire la réflexion sur l’homme et sa place dans le monde. Je pense que ce qui est difficile ce n’est pas la relation entre la science et la foi, car la foi est quelque chose de relationnel, la reconnaissance de la présence de quelqu’un qui veut nous permettre de devenir à son image, mais entre église(s) et science. Car la science oblige à sortir d’un discours mythique et mythologique sur l’homme et cette sortie n’est pas forcément bonne pour l’institution ecclésiale qui doit avoir un certain pouvoir sur ses membres.

Il me semble que la conception biblique de l’homme et de ses rapports avec Dieu, devrait subir elle aussi une révolution du type copernicien. On ne peut pas maintenir avec Dieu des conceptions qui celles d’un enfant de 3 ans et qui d’une certaine manière donne à l’homme une place qu’il n’a peut-être pas.

L’homme est le fruit d’une évolution. Que nous le voulions ou non, nous avons une histoire « animale ». Nous appartenons à l’ordre des mammifères, ces animaux à sang chaud, qui ne pondent pas des oeufs, mais qui mettent au monde leur progéniture après une gestation interne. Certes nous avons le langage et l’intelligence, mais nous faisons partie de l’ordre des mammifères. Le cortex est une couche « tardive » du cerveau et l’étude des couches sous-corticales montre combien l’animal est présent en nous.

Ce qui nous différencie pourtant en grande partie des autres mammifères c’est que le petit être qui vient au monde est un être profondément immature, inachevé qui a besoin de soins pendant de longs mois avant d’être « autonome » et capable d’apporter quelque chose d’utile à la vie du clan. Cette dépendance crée obligatoirement entre lui et sa mère, entre lui et le groupe d’humains qui l’entourent une relation très forte. Je pense que cette relation est à la base de ce que l’on appelle l’amour. Je veux dire par là que ce sentiment est le propre de l’espèce humaine, ce qui la différencie partiellement des autres mammifères. Ce sentiment-là va être à la source de la recherche du bon, du durable, mais aussi de la capacité à donner sa vie pour celui que l’on aime.

Mais il n’en demeure pas moins que la composante animale reste très présente et que tout le but de l’éducation et des civilisations avec leurs lois est de lutter contre la violence intrinsèque qui est la nôtre et qui nous a aussi permis grâce à notre intelligence, à perdurer dans cet univers hostile.

Le discours religieux, mythique pose comme un postulat l’existence d’un Dieu tout bon qui a crée un univers excellent et un être capable de le « gouverner » être tout aussi parfait que ce monde. Cela donne une représentation idéale l’homme, représentation somme toute bien agréable, en tous les cas pour notre narcissisme. Autrefois il y avait un humain qui ne connaissait pas la mort et qui dominait le monde. À un moment donné, cet homme a écouté en lui la voix de l’envie, de la jalousie et il a voulu s’attribuer les attributs de ce Dieu qui l’avait crée. Il désobéit et il est puni : il connaît désormais la mort et une vie difficile. Il s’est détourné de Dieu pour écouter le Mal. Je mets ici une majuscule car il y a bien un combat entre ces deux forces qui semblent toujours dans une conception un peu mythologique vouloir faire basculer l’humain dans l’un ou l’autre camp. Pour ma part je remplacerai bien par combat entre l’animal et l’humain.

D’une certaine manière c’est à une réalité (la mort, la finitude) que le début de la Genèse essaye de répondre avec les moyens qui sont les siens, à l’époque de la déportation du peuple choisi, déportation qui ne peut alors s’expliquer que par la conséquence de la rupture d’une alliance entre un Dieu et le peuple qu’il s’est choisi.

Je veux dire que dans une certaine conception que j’ose qualifier d’infantile, le malheur qui frappe tout un peuple, pour avoir un sens, doit s’entendre en termes de punition. Dieu s’est détourné et a laissé faire, mais Dieu reviendra, car il est fidèle et c’est l’espoir qui s’est par ailleurs vérifié dans l’histoire bien particulière de ce peuple.

Que la punition puisse avoir un rôle éducatif, pourquoi pas ? Mais il ne faut pas oublier que les instincts humains font que l’homme comme l’animal veut avoir un plus grand espace, un meilleur espace, les plus belles femelles, et que la guerre outre le désir de montrer qu’on est plus fort que son adversaire, sert bien à pouvoir occuper le plus de place, les meilleurs places, et avoir le plus de nourriture. Bien sûr du fait de notre intelligence, les moyens sont plus sophistiqués, mais la finalité se retrouve bien dans le règne animal.

Quand dans la Genèse Dieu dit à Caïn Gn4,7: « Mais si tu n’es pas bien disposé, le péché n’est-il pas à la porte, une bête tapie en toi qui te convoite, pourras-tu la dominer ? » il me semble que cette « bête » c’est bien cet animal tapi en nous, prêt à sauter à la gorge de l’autre, si nous nous sentons menacés.Mais si nous pouvons mettre une limite à cette force, alors nous devenons comme Dieu’ capable de cette douceur qui est une force plus forte que la force et qui se différencie d ela faiblesse qui serait dictée par le ressentiment de la privation de force (je reprend sici la terminologie de Paul Beauchamp).

Il y a en nous les hommes, une force animale qui ne supporte pas que l’autre ait un « plus » par rapport à nous. La frustration nous est intolérable et la réaction instinctive, instinctuelle est d’éliminer celui qui me fait de l’ombre de laisser la violence qui est en moi la partie animale prendre le dessus.

Je ne dis pas ici que toute violence est mauvaise, elle nous a permis à nous animaux bien fragiles, bien démunis, de perdurer et certainement aussi à utiliser notre intelligence pour inventer ces outils dont la nature nous avait dépourvus, mais le langage est là aussi pour nous permettre de ne pas agir cette violence qui nous éloigne de la « douceur » de Dieu, douceur que nous désirons tous.

Si je reconnais que ces pulsions qui sont en moi proviennent de ce passé qui est le mien, de cette appartenance qui est la mienne, alors je me sens comme libérée par cette notion si culpabilisante du péché.

La violence, la convoitise, je ne les appelle plus les péchés de la chair, mais je les considère comme des restes importants de l’animalité qui me constitue et je sais qu’il est fondamental pour moi, pour que je sois un humain au sens fort du terme, qu’ils ne me dominent pas. Je sais aussi que ce n’est pas la peur du gendarme qui va me guérir de ces pulsions, ni ma volonté. Vouloir ce n’est pas pouvoir contrairement à ce qui m’a été inculqué pendant mon enfance. Seule la présence de Dieu, actualisée par l’Esprit donné par son fils, peut faire ce travail en moi.

Dans cette approche, où je suis obligée d’admettre que l’animal est présent en moi et qu’il s’oppose parfois brutalement et vigoureusement à ce que je sais être mon humanisation c’est à dire ma capacité à vivre dans et de l’amour, je reconnais ce que je suis et ce que je ne suis pas. Mon désir est de pouvoir reconnaître cette nature tout en désirant ne pas me laisser absorber par elle, car cela va à la mort et non à la vie.

Cette approche où je me mets à ma place, où je ne me considère pas comme un homme déchu, mais un homme en devenir, me permet de sortir de la représentation d’un Dieu « fâché » après sa créature, parce que celle-ci ne l’écoute pas et avec lequel il faut se réconcilier ou se laisser réconcilier par le sacrifice de Jésus.

À un moment donné de l’histoire du monde occidental, il fallait que la compréhension de Jésus passe par la réconciliation qui permet la divination de l’être humain,à l’image de Jésus, mort et ressuscité. Aujourd’hui, il ne s’agit pas pour moi de retrouver quelque chose que je n’ai jamais possédé, mais de laisser grandir en moi ce qui est le propre de l’être humain, c’est-à-dire l’Amour, mais pas n’importe quel amour. Je crois que Jésus est le chemin, la vérité et la vie, que je peux par Lui, vivre dans l’Amour et que cet Amour qui évolue en moi avec le temps me permet d’entrer dans la Vie. Pour moi être sauvé, c’est être vivant, c’est être en relation et ce, même si je suis appelée à disparaître. Et le vivant comme le crie l’apocalypse de Jean c’est bien Jésus mort et ressuscité.

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