jeudi, septembre 13, 2007

Le "non savoir".


Une longue promenade en longeant la côte bretonne, m'a laissé du temps pour laisser s'installer en moi "la prière du coeur" et pour penser. Ce que j'aime avec cette prière, c'est qu'elle s'adapte au rythme de la marche, elle s'installe en moi, elle s'inscrit en moi. Cela ne m'empêche pas de réfléchir, de penser.

A un moment donné j'ai ressenti le besoin de vider ma tête de certaines préoccupations. Et j'ai pensé à ce que Jésus dit des riches. Il est plus difficile pour eux d'entrer dans le royaume que pour un chameau de passer par la porte de l'aiguille. En d'autres termes- car l'image du chameau me parle, car il porte un tas de marchandises sur ses flancs, ce qui l'empêche de passer sauf s'il se déleste de ses paquets- il y a des préoccupations qu'il faut laisser s'envoler...

J'ai perdu mon chat il y a un peu plus de deux mois. Et cette absence qui par moments est encore très douloureuse, est un peu comme si j'avais été délestée de quelque chose, car compte tenu de son âge et des soins journaliers très nombreux, elle avait un certain poids.La perte de cet animal qui a partagé ma vie pendant 17 ans, m'a permis de ressentir que quelque chose de ma vie partait.Mais que cet allégement pouvait me permettre de vivre autrement et que de ce mal pouvait surgir un bon.

J'ai dû faire face à des problèmes de santé; même s'il s'agit d'une pathologie détectée très tôt, là encore il a bien fallu que quelque chose "tombe", car cette atteinte somatique est un rappel que la mort est peut-être proche. Alors apprendre à vivre peut-être autrement, se créer moins d'obligations.

En fait il y a longtemps que j'espérais cet allègement, mais le chemin qui m'a été proposé reste un chemin étroit, et pierreux. Cependant il correspond bien à une demande déjà très ancienne. "Ce corps là est trop lourd" dit le Petit Prince à l'aviateur. C'est si facile d'accumuler et d'imaginer que cette accumulation sert de citadelle.

Je sais beaucoup de choses en psychanalyse. Mais actuellement ce savoir est comme en arrière plan. Je peux l'utiliser quand il est nécessaire, mais je n'ai pas besoin de me réfugier derrière ce savoir pour me sentir exister. Il est en moi, en profondeur, il est intégré, ce n'est plus un ballot de savoir.

J'ai appris quand j'étais étudiante beaucoup de choses sur la religion qui est la mienne, à savoir le catholicisme. Ces dernières années d'autres acquis sont venus et viendront car pour animer un groupe un certain savoir est nécessaire.

Mais ce savoir sur Dieu (pour simplifier) peut devenir pesant. On peut se réfugier derrière ce que l'on sait. Et le savoir peut devenir une sorte d'idole.

Alors tout en marchant, la prière du coeur a pris une autre direction. Seigneur enlève mon savoir et remplace le par le non savoir.

Le non savoir ce n'est pas "pas savoir" ou ignorer. Non, c'est abandonner ce que l'on sait car de toutes les manières un savoir sur le divin ne peut-être que partiel. C'est cesser de s'accrocher à ses certitudes, à ses représentations (qui heureusement évoluent au fil des événements de la vie), c'est enlever les ballots pour se laisser guider par l'esprit.

Durant cette marche j'ai eu beaucoup de mal avec certaines dénivellées.Je me suis rendue compte que je pouvais modifier la trajectoire quand c'était possible, pour faire comme sur un sentier de montagne: casser la pente par des petits changements de direction. Et c'était un peu comme si un autre savoir que j'avais oublié, se manifestait.

J'ai lu autrefois un livre consacré aux femmes à la naissance de leur premier enfant. Cela s'appelait "le Gai Savoir". Le Gai Savoir c'est celui des sages femmes.

Et peut-être que peu à peu le "non savoir" peut se transformer et peut-être même se transmettre comme le gai savoir, qui n'est pas la propriété privée des femmes sages.

Cet après-midi nous avons atteint un lieu nommé " les quatres vents" ce qui m'a fait penser à Ezéchiel dans la vision des ossements desséches et ensuite sur la mer il y avait quatre grands oiseaux blancs, superbes qui en s'envolant donnaient corps à ces quatre vents et qui pour moi, cet après midi, symbolisaient la présence de l'Esprit de Dieu, celui que Jésus nous a donné en plénitude.

On parle beaucoup des "doutes" de Mère Thérèsa en ce moment. Et si cette apparente sécheresse était justement l'incarnation de ce non savoir sur Dieu qui ne se laisse jamais enfermer, même dans l'être humain?

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