jeudi, janvier 07, 2010

Résistances



He 12,4 « vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. »

Peut-être peut-on remplacer péché par mal. Et résister au mal ce n’est pas une mince affaire, même si par son Esprit Saint, Jésus nous a armés pour résister. Mais qui dit résistance dit combat et le tout est de savoir comment combattre.

Quand un pays est conquis par un ennemi, ceux qui résistent à l’oppresseur sont des héros. Les hauts faits de la résistance deviennent des récits qui font la grandeur de ce pays alors même qu’il est affaibli et occupé. Cependant du côté de l’oppresseur il s’agit de rébellion, qui doit être sanctionnée, ce qui veut dire que le jugement porté sur un acte dépend de quel point de vue on se place.

En thérapie, les résistances du patient n’ont pas bonne réputation. Ce qui veut dire que l’on se place systématiquement du point de vue du thérapeute qui se « bat » contre quelque chose qui empêche la guérison de patient et non pas du côté du patient. Les thérapies brèves sont beaucoup plus du côté du patient et proposent une alliance avec lui en utilisant ces résistances. S’appuyer sur ces résistances permet paradoxalement de les faire sauter, car on change le regard que l’on porte et surtout que le patient porte sur elles.

La résistance est cependant classiquement décrite comme quelque chose de mauvais, ce qui peut culpabiliser le patient (qui est déjà coupable de bien des choses).

Finalement ce que l’on trouve dans les écrits, ce sont les moyens trouvés par le thérapeute pour sortir son patient de sa maladie. Les cinq psychanalyses de Freud en sont le prototype.

En d’autres termes, l’analyste (les forces du bien, le Saint Georges des temps modernes) combat les forces du mal qui se déploient chez son patient. Dans le combat contre la ou les résistances il se bat d’une certaine manière aussi contre le patient. Pour que ceci soit supportable il est indispensable qu’il y ait une alliance thérapeutique entre ces deux acteurs. Si cette alliance n’existe pas, la thérapie se solde par un échec.

Ces résistances, on peut les comprendre comme une sorte d’opposition plus ou moins consciente au changement, surtout si l’on reconnaît que le symptôme (origine de la demande de changement) est pour cette personne la manière psychique la plus économique de fonctionner. Quitter ce que l’on connaît n’est jamais facile. Le symptôme est source de souffrance, il fait mal, il est aussi le mal. Il est cette partie de soi que l’on ne contrôle pas, qui agit à votre insu et qui vous oblige à faire des choses que vous ne voulez pas faire et qui finalement vous détruit, mais on le connaît même si c’est lui qui est le maître.

Mais un patient qui ne se laisse pas faire, qui résiste, attaque forcément son thérapeute, en tous les cas son narcissisme, car d’une certaine manière il le rend impuissant. Si le thérapeute est par trop atteint par ce comportement de résistance, il peut mettre en place ce que l’on appelle le transfert négatif et à lui l’analyste de comprendre ce qui se passe pour ne pas se laisser empêtrer dans ce jeu sans fin. Cela parfois peut mener à une fin prématurée de la thérapie, l’analyste ne supportant plus son patient. Et là de mon point de vue, il s’est rejoué quelque chose autour du rejet et de l’abandon et cela est la première source de souffrance qui est en tout être humain. Mais cet échec ne peut que renforcer la culpabilité du patient qui est quand même venu pour ne plus être mangé par elle.

Pour éviter d’en arriver là, il est nécessaire que le thérapeute se fasse aider par un superviseur ou un contrôleur.

Mais il est rare que l’analyste pense que par ce qui semble être un échec, il se passe quelque chose de très important : son patient essaye de lui communiquer quelque chose qu’il est incapable de mettre en mots. J’ai toujours pensé que l’un des rôles du thérapeute est de fonctionner comme un rein artificiel, c’est à dire de laisser passer en lui (en faisant toute fois attention à ses limites) le poison qui empêche son patient de vivre, et de lui redonner par le biais de la parole un sens à ce qui se passe dans la relation. Epurer en quelque sorte, purifier. C’est être « la machine à penser les pensées » comme le dit Bion quand il parle du rôle de la mère dans les premières semaines de la naissance de son enfant.

Je pense aujourd’hui que la résistance peut s’assimiler à la pulsion de mort ou pour des chrétiens au mal. Je veux dire que le travail du psy chrétien n’est pas seulement de permettre de mettre des mots sur ce qui se vit dans la vie du patient, mais aussi de se battre avec lui (et non pas contre lui) pour lutter contre ce mal qui est là, contre ce mal qui refuse de lâcher prise (Jésus ne parle t il pas des 7 démons qui vont venir reprendre la maison qui avait déjà été celle du mal).

Je crois que l’alliance avec le patient, consiste à affronter ce mal, à le lier pour qu’il perde de sa force, et que cette alliance là qui n’a pas forcément besoin d’être dite, est très importante car elle met aussi Jésus le vainqueur du mal en tiers dans la relation. Mais pour cela, il faut faire alliance avec son patient et essayer de se représenter autant que faire se peut la souffrance qui est en lui et essayer avec lui de la vaincre. Il s’agit de comprendre et non pas de détruire.

Le thérapeute sait qu’il a besoin de la présence de l’Esprit Saint pour le guider (quelle que soit sa pratique) qu’il doit demander sa présence pour que le Mal qui se manifeste chez son patient, lâche prise pour être remplacé par la Lumière. J’aime beaucoup cette phrase de prologue de l’évangile de Jean : « et les ténèbres ne l’ont pas retenue ». Le travail du psy c’est de permettre à ce que la lumière qui est là émerge de ce filet de mal qui est présent chez son patient et que petit à petit les nuages, la nuit et les ténèbres se dissipent. Car en tout être humain la lumière est là, mais il faut en quelque sorte enlever les cailloux pour que la source jaillisse.

Si on considère la résistance non pas comme une volonté délibérée (même inconsciente) du patient de ne pas guérir mais comme la mise au jour du Mal qui est en lui, du Mal qui l’habite depuis des années du fait de ce que la vie lui a fait subir, alors le thérapeute devient un combattant et comme tout combattant il prend des risques et il doit apprendre lui aussi à se protéger. Il est indispensable qui lui-même prie pour que la force du Christ vainqueur du mal lui soit comme un bouclier, comme une armure, je dirai même qu’il prenne du temps pour se préparer avant le temps qu’il va passer avec son patient. Je crois que dans les « écoles de guérison » en particulier dans la maison de Lazare, le fait qu’il y ait un groupe de personnes qui prient pour celui qui demande et aussi pour celui qui reçoit, est une bonne chose, car l’aidant est lui-même aidé et étayé par la prière de ses frères.

J’ai toujours étonnée par le fait que le premier pouvoir (et première mission) que Jésus donne à ses disciples est de « chasser les esprits mauvais », et que cela vienne avant les guérisons proprement dites, mais aujourd’hui cette lutte contre le mal est effectivement la priorité, parce que si le mal est lié (et il l’est depuis la résurrection du Christ) alors la Vie peut advenir et le thérapeute n’est finalement quelle que soit sa technique qu’un canal pour que la Puissance du Seigneur de manifeste et ce même si son patient ne le sait pas.

Enfin il me semble que lorsque Dieu a décidé de se servir de quelqu’un il se débrouille pour faire sauter ce qui résiste et il ne fait pas dans la dentelle. Bien entendu je pense à la manière dont Saül a été saisi sur la route de Damas… Cela a du bon d’être Dieu.

1 commentaire:

TOURNESOL a dit…

"Les résistances on peut les comprendre comme une sorte d'opposition plus ou moins consciente au changement surtout si l'on reconnaît que le symptôme est pour cette personne la manière psychique la plus économique de fonctionner. quitter ce que l'on connaît n'est jamais facile..."
QUE CELA EST VRAI ce que vous écrivez là.... C'est pourquoi il est si difficile d'aider quelqu'un.
Je pense à quelqu'un que l'on essaie d'aider dans ma rue.Il faut
vouloir, pouvoir plutôt changer.Il y a une pulsion de mort sous-jacente bien souvent... La découverte d'un créateur qui nous aime comme StPaul sur le chemin de Damas est aussi une recherche et un don. Un chemin que certains ne peuvent pas trouver car ils sont trop blessés. Maisn'oublions pas la parole du Seigneur sur la croix: "aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis..." (bonlarron).
Chasser les "esprits mauvais": voilà bien le rôle d'un thérapeute.Que le Seigneur t'aide dans cette tâche car on a déjà pas facile parfois à se "porter " soi-même . Amicalement Tournesol
N.B: Il paraît que Paul veut dire "petit" (une découverte pour moi car je n'ai pas fait des gréco-latines)