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vendredi, avril 03, 2009
Vous ferez ceci en mémoire de moi. Lc22, 19
Vous ferez ceci en mémoire de moi. Lc22, 19
Le texte de ce billet est lié à la lecture du livre de François Genuyt : l’épître aux romains, l’instauration du sujet, une approche sémiotique le cerf,2008 .
Je ne suis pas certaine d’avoir tout"bien compris" car l'approche sémiotique reste un peu ardue pour moi, mais l'épître aux romains est devenue beaucoup plus "amicale" pour moi. Cette lecture a orienté différemment ma réflexion et c’est ce qui s’est passé pour moi avec ce livre. Mais il a fallu du temps pour que cela puisse de transmettre dans l'écrit.
Ce qui aujourd'hui a pris sens pour moi, c'est la phrase "faites mémoire" comme si elle unissait les deux symboles pain et vin et leur permettait de devenir signe d'affiliation pour moi à l'ordre divin.
Quand je faisais mes études de psychologie, on m’avait enseigné que le père doit transmettre la loi à ses enfants. Ceci veut dire que le père peut transmettre une loi qui lui a été transmise par son propre père et qu’il a respectée, mais il n’est pas la loi.
Dans le cas de la transmission de l’interdit de l’inceste cela se dit de la manière suivante :" toutes les femmes sauf ta mère".
Ceci est bien proche de l'interdit donné à Adam dans la Genèse, " tous les arbres sauf l’arbre de la connaissance du bien et du mal".
Moïse a donné une loi au peuple, mais cette loi il ne l’a pas crée, elle lui a été donnée, on peut presque dire qu’elle est divine. Il doit lui aussi s’y soumettre. Cetteloi ayant été donnée par un Autre, elle n’est pas la sienne et il est donc comme tous ceux de son peuple : s’il veut avoir le bonheur, il doit s’y soumettre, il doit obéir.
L’interdit de la genèse, me semble être l’interdit fondamental qui permet la vie sociale et qui oblige à tenir compte de la présence et de la volonté d’un Autre, et de reconnaître que cet Autre ne fonctionne pas dans l’arbitraire. Car la seule loi donnée dans la Genèse est celle qui vient bloquer la convoitise, or la convoitise c’est bien la marque de fabrique de l’humain : vouloir ce qu’à l’autre ; jusqu’à l’en faire mourir.
Mais...
Mais jee pense que chaque fois qu’un être humain décide de « faire » sa loi, alors ça dérape. Faire sa loi ce n'est peut-être être au-dessus des lois (encore que bien souvent il s’agisse de faire sa propre justice), mais de pervertir quelque chose: faire de l’autre un objet, alors que le but de la loi est de faire de l’autre un sujet à part entière.
Quand la loi est transgressée, cela a des effets dans le futur et sur les descendants. Ce n’est plus comme avant. D’une certaine manière c’est cela qui est raconté dans la genèse: il y a eu transgression et perversion de l’interdit, les effets atteignent les auteurs, mais aussi leurs descendants et leur environnement.
Mais quand la loi n’est pas donnée il y a comme le dit Lacan forclusion. Ce n’est plus de la perversion, c’est un véritable barrage, comme sur un cours d’eau et les risques d’inondation (perte de limite si l’on peut dire) sont considérables.
Ce qui permet l’interdit d’être efficace, c’est la parole dite et donnée qui permet à celui qui la reçoit de devenir sujet de cet ordre là et de rentrer dans une culture. Cela nécessite une soumission.
Dans le nouveau testament, quand Jésus la veille de sa passion dit aux disciples « ceci est mon corps, puis ceci est mon sang », il signifie qu’il se donne à eux totalement, qu’il ne retient rien pour lui et que d’une certaine manière l’interdit de la non absorption du sang est levée, puisque normalement il y a dans la genèse (‘alliance noachique) une équivalence entre sang et âme qui appartient à Dieu.
Ce don total pour moi, aujourd’hui, est une sorte de fusion, actualisée par Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le christ qui vit en moi ».
Le symbolisme de l’alimentation est primordial, car c’est bien cette relation à la mère qui donne le sein, que se crée une relation unique qui perdurera qu’on le veuille ou non toute la vie.
Se donner totalement, personne ne peut le faire ici bas. Il y a incarnation de la parole : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ».
Mais si on reprend l’idée de la nécessité d’une parole qui vise à la transmission, il me semble que la phrase de Jésus : « faites ceci en mémoire de moi « est fondamentale, pour moi presque plus que ceci est mon corps, ceci est mon sang. Elle donne sens.
Faire mémoire, c’est faire d’une certaine manière faire advenir du vivant. C’est montrer que Jésus n’a pas disparu, que la mort ne l’a pas vaincu, qu’Il est vivant pour l’éternité, non seulement vivant, mais actif.
Il y a comme une extension dans le temps des paroles prononcées ce soir là, au milieu de ses disciples. L’Amour de Jésus qui se donne totalement, et qui ouvre le chemin vers son Père (je préfère cette phrase à la notion de réconciliation, quitte à choquer, car la représentation d’un dieu, qui ne peut être apaisé que par un sacrifice « physique », renvoie à une image d’un Dieu de destruction, même si la résurrection montre qu’Il sort de cette violence pour passer dans la vie). Et c’est cette phrase qui pour moi, aujourd’hui, permet d’une certaine manière d’approcher un peu ce mystère de la présence de Jésus.
Si j’accepte « d’agir » cette phrase, d’être dans la transmission et peut-être une certaine obéissance, alors je rentre dans un monde autre, un monde d’amour et je demeure en Christ, comme lui demeure en moi. Je deviens sujet d’un autre ordre. Il ne s’agit pas d’oublier le premier interdit qui en terme psy est un interdit du cannibalisme, de l’incorporation de l’autre pour prendre ses pouvoirs, pour le détruire par convoitise, car cet interdit est la base de toute vie sociale . Mais de reconnaître que celui qui se donne totalement donne la vie en plénitude et que la mort est déja vaincue.
Faire mémoire, c’est rentrer dans un mouvement de transmission. C’est faire du vivant et c’est bien cela la fonction de l’être humain, même s’il est appelé à disparaître.
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