Il y a un certain nombre d'années j'ai écrit un texte qui s'intitulait: "Quand il est impossible de dire père à Dieu": http://www.portstnicolas.net/Quand-il-est-impossible-de-dire.html. Il m'arrive encore bien souvent de ne pas pouvoir donner ce nom à Dieu et je connais beaucoup de personnes qui comme moi en sont incapables.
J'en connais d'autres qui ont une relation avec leur "Papa céleste", qui s'imaginent pouvoir aller dans ses bras, être sur ses genoux. Cela me pose question. Moi j'en suis incapable, car malgré tout Dieu est pour moi le Tout Autre, Celui qu'on ne peut posséder.
La prière du "Notre Père", que nous disons à chaque eucharistie, est précédée d'un texte qui si nous l'écoutons montre bien que dire "Père" au créateur des Univers n'est pas si simple.
Les mots utilisés sont:
- "Comme nous l'avons appris du Sauveur" (ce qui fait référence aux évangiles de Matthieu et Luc qui sont pourtant assez différents),
- "Et selon son commandement": là je me demande d'où sort cette phrase, car le seul commandement donné par Jésus est dans l'évangile de Jean: "Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés..."
Maintenant si la phrase utilisée par Jésus: "Quand vous priez, dites..." est un commandement, je trouve que c'est une manière curieuse d'interpréter cette phrase.
- "Nous osons dire": "oser" montre qu'il faut un certain culot et que d'une certaine manière on ne sait pas trop comment le Dieu tout puissant va réagir....
St Paul écrit dans la lettre aux Romains (8,15): "Aussi bien n'avez vous pas reçu un esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte, vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait crier Abba! Père".
Il faut bien admettre que nous avons besoin de l'aide de l'Esprit donné par Jésus, cet esprit qui fait de nous ses frères pour pouvoir ainsi nommer Dieu. C'est bien "l'esprit qui vient au secours de notre faiblesse et qui intercède pour nous"(verset 26).
Dans le premier testament le terme Père (qui est un mot qui signifie littéralement"le père" ou "Ô Père!" n'est cité que 15 fois. Les termes utilisés pour s'adresser à Dieu renvoient davantage à la royauté. Ce mot utilisé par les enfants pour s'adresser à leur père et exprime à la fois un peu de l'intimité qui se dégage du terme "papa" et le respect que sous entend le mot père. Il est en même temps familier et respectueux. Mais c'est aussi un titre honorifique donné aux rabbins juifs des premiers siècles de notre ère.
Il me semble donc que pouvoir dire Père à Dieu n'est possible que si l'Esprit en fait parle en nous, ce qui montre que ce n'est pas si évident que cela.
Et pourtant....
J'ai vu il y a quelques temps un film qui racontait l'histoire d'un petit garçon asiatique qui avait perdu sa maman et qui pensait que s'il devenait moine il pourrait la retrouver, la voir. Je n'ai pas vu le début du film. Mais à un moment le moine qu'il nomme "Vénérable" et qui est un peu comme un père pour lui doit partir faire des provisions pour l'hiver et ne revient pas au moment prévu.
Ce qui est intéressant c'est que l'enfant qui se trouve abandonné et livré à lui-même est persuadé qu'il a fait quelque chose de mal et que cet abandon est une punition de sa supposée méchanceté. En d'autre termes le sens donné à la solitude est la punition. Il découvre un petit temple un peu en ruine dédié à la "déesse de la miséricorde". Il a comme un coup de coeur pour cette statue. Il commence par restaurer ce lieu et parle avec beaucoup de respect à cette déesse qui est certainement une figure maternelle. Un jour il quitte le temple en disant: "Ô déesse, je vous aime et je vous respecte, est ce que vous permettez que je vous appelle maman". Il s'incline et il sort.
J'ai trouvé cela très beau. Et je me suis dit que la partie infantile qui est encore vivante en moi pouvait parfaitement s'adresser ainsi à Dieu qui est aussi le Dieu de la miséricorde.
Laisser vivre ou revivre cette partie là ("si vous ne redevenez semblables à de petits enfants" disait Jésus), c'est une sorte de grâce. C'est découvrir cette joie et ce plaisir, mais en aucun cas ce n'est de la familiarité.
Dans le film, cet enfant est le premier enfant à avoir connu l'Eveil. Pour moi retrouver le contact avec l'enfant qui est en moi est un très beau cadeau. A moi de l'utiliser....
1 commentaire:
J'aime bien votre interprétation...
Il y a la spontanéité de l'enfant qui plein de respect s'adresse à son Père....C'est cette attitude qui rejoint le plus l'esprit d'enfance: "je te remercie ô Père d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents..."
Cet esprit d'enfance demande de l'humilité visà vis de Celui qui nous a donné de VIVRE et ce n'est pas facile car il y a la souffrance , les éternelles questions...
De plus, je pense que j'ai mieux compris le mot PERE-ABBA (papa)
quand je suis passée moi-même par l'état d'être mère et mon mari père.
Cette expérience nous rapproche
du contenu de ce mot "PERE".
Car être mère et père c'est dans les meilleurs des cas vivre cet amour gratuit et plein de tendresse pour ses enfants.
Dans l'ancien Testament cet amour
de Yahweh pour son peuple MALGRE SON INGRATITUDE EST SOUVENT DECRITE.
Notre expérience humaine nous fait mieux comprendre le "NOTRE PERE".
C'est d'ailleurs pour cela que je trouve que la place des laïcs dans l'Eglise est primordiale et notre expérience en tant que non-religieux tout aussi importante...
Enregistrer un commentaire