samedi, octobre 03, 2015

"Tendresse ou miséricorde"

Je me suis surprise il y a un jour ou deux à réciter le psaume 51 le miserere en disant:

"Pitié pour moi Seigneur en ta bonté, en ta tendresse efface mon péché.
lave moi de toute malice et de ma faute Seigneur purifie moi."

Je suppose que cette traduction date des années 1960 (Gélineau) et que j'ai toujours eu du mal avec le mot malice que j'avais tendance à scinder en deux: ma lice, ce qui ne voulait rien dire mais m'amusait, saut que la lice est quand même un lieu de combat.

Du coup je me suis interrogée sur la traduction utilisée aujourd'hui, qui me semble t il remplace tendresse par miséricorde, ce qui est cohérent avec l'hébreu (Chouraqui) "selon la multiplicité de tes matrices, efface mon péché "(matrice, entrailles, miséricorde) et du latin. Seulement aujourd'hui on insiste sans arrêt sur la miséricorde de Dieu au détriment me semble t il de sa tendresse et la vision sous-jacente est très très différente.

Peut être que dans les années 60, ces années de concile, on essayait de montrer au bon peuple, que Dieu n'était pas celui dont il fallait apaiser le courroux, mais un Dieu présent, un Dieu rempli de tendresse, plein d"amour et qui ne se détourne pas du pécheur. La miséricorde, même si le résultat est le même, renvoie à une autre représentation de Dieu, qui de mon point de vue, insiste sur la condition mauvaise de l'homme, plus que sur le fait que l'important c'est que l'homme tourne son regard et ses bras vers Dieu qui est déjà là.

Je me suis d'ailleurs demandé si l'on peut dire que durant sa vie terrestre Jésus a été un tendre. Spontanément je dirai non, mais dans notre logique, un père ou une mère sont tendres, ou peuvent l'être, un frère ne l'est que rarement. Je ne dis pas que son regard n'a pas été rempli de tendresse, mais souvent ses paroles sondes paroles bien rudes. Dire au jeune homme "riche", vends tout ce que tu as, n'est pas tendre..

Mais avant de revenir sur ces deux notions: tendresse et compassion, je pense qu'il faut faire un détour par le psaume, le remettre dans son contexte et peut être le sortir de son appellation latine"miserere" et voir ce qu'il peut me dire aujourd'hui.

La première phrase du psaume dit: De David, quand Nathan vint à lui, alors qu'il était allé vers Bethsabée. Or plus précisément Nathan vient vers lui après la naissance du du fils né de cet adultère. Car jusque là pour David tout baigne: le mari est mort et la femme lui a donné un fils, alors David doit penser que Dieu est avec lui. Et bien non..Dieu n'est pas aveugle, Dieu sait ce qui se passe, Dieu sanctionne, Dieu punit.. et pourtant Dieu peut se laisser attendrir.

Si on reprend l'histoire dans le deuxième livre de Samuel, les chapitres 11 et 12 le moins que l'on puisse dire c'est que le fait d'être roi permet de faire tout ce dont on a envie. On prend la femme d'un autre, donc adultère, (la femme lui plait, elle est belle, il la veut, il l'a fait venir au palais) et on s'arrange pour faire disparaitre le mari (et là on a les mains propres parce qu'on s'arrange pour faire faire le sale travail par un autre) ce qui permet à la fois de se débarrasser d'un empêcheur de tourner en rond, puisque le mari trompé refuse de coucher avec sa femme ce qui aurait permis de lui mettre la grossesse de cette dernière sur le dos, mais aussi et surtout d'un homme qui va pouvoir en toute bonne foi l'accuser d'adultère, ce qui normalement veut dire mort par lapidation ce qui est loin d'être une mort estimable pour un roi.


 Il faut que Nathan le prophète lui raconte sa petite histoire (chapitre 12), de l'homme riche qui va piquer l'agnelle de l'homme pauvre pour la donner à manger à un voyageur pour que David s'émeuve, et se rendant compte que c'est ce qu'il a fait. Du coup il prend conscience non plus de sa faute (parce que en tant que roi, tout lui est permis) mais de son péché, ce qui finalement est autre chose. David a suivi son bon plaisir et a complètement oublié la Loi. Il s'est fait sa loi et là, en mettant en quelque sorte Dieu à la porte de son intérieur, il est dans le péché. Il faut dire que la sanction est rude, puisqu'on lui annonce non pas la fin de sa royauté, mais l'annonce de luttes intestines entre lui et ses descendants et entre les descendants eux mêmes.

Ce qui est très étonnant c'est que la simple phrase de David: "j'ai péché contre Yahvé " qui est presque la phrase prononcée par le fils prodigue (J'ai péché contre le ciel et contre toi), entraine le pardon de David, sauf qu'il faut quand même que la justice soit rendue, et ce n'est pas le père qui trinquera mais le fils (ce qui parait injuste) sauf que cela permet la naissance de Salomon qui lui n'est pas conçu dans le péché et donne un éclairage instructif pour les générations à venir. Certes David est l'élu, David est choisi, donc Dien ne peut pas se desengager vis à vis de lui, mais le péché qu'il a commis a des conséquences importantes: naissance de Salomon, division du royaume, exil. Il est évident que je pense que l'exil aurait eu lieu de toutes les manières parce que l'histoire est l'histoire, mais elle prend un autre sens.

Maintenant si on reprend à la lumière de ce récit le psaume lui même, on se rend compte (enfin je me rends compte) que si le début et la fin sont remplis de très belles choses (d'un coeur brisé, broyé tu n'as point de mépris 51,19) on a l'impression d'un mélange. La dernière phrase: rebâtis les remparts de Jérusalem ne peut avoir été écrite par David, même si on voit en lui un prophète.

Ce qui est quand même important c'est que le fait de reconnaître son péché (même si ce n'est pas totalement de sa faute, puisque l'auteur écrit: vois mauvais je suis né, pécheur ma mère m'a connu), permet d'obtenir de Dieu des gestes de purification qui vont le sortir de cet espèce d'abime dans lequel le péché l'a fait basculer et lui permettre un fois pardonné de se faire le chantre de Dieu parmi les frères.

Ce qui me parait important dans ce psaume c'est le dialogue entre l'auteur et son Dieu.

- Dans la première strophe, il y a une demande: je suis pécheur, je le reconnais, et je te demande de me rendre "propre" de me guérir de ma lèpre, de mon impureté.

- Dans les deuxième est troisièmes strophes, l'auteur dit reconnaître son péché (pas nommé, mais si c'est David qui est censé parler), plaide les circonstances atténuantes (pas de ma faute, parce que je porte en moi une tendance à la faiblesse depuis toujours), et reconnait que ce qui lui est arrive est expression de la "justice " de  Dieu.

-La quatrième strophe, semble montrer que si le pécheur se reconnait tel quel, alors le dialogue entre lui et Dieu reprend (et c'est peut être cela l'important), et que une fois le dialogue repris, Dieu purifie comme on le faisait à l'époque ( avec un bain).

-Les strophes suivantes,(strophes cinq, six) sont des demandes pleines de confiance: effacer le mal, rendre la joie (perdue certainement après la mort de ce fils), restaurer le corps malade, reprendre sa place auprès de Dieu, et surtout conserver en soi l'esprit divin.

Il me semble que le psaume bascule à partir du verset 14. Il s'agit en quelque sorte de tirer partie de ce qui est arrivé pour pouvoir rendre témoignage devant les frères de ce que Dieu a fait  et de l'enseigner. Celui qui a été sauvé devient le sauveur de ses frères (c'est ce que l'on dit de Matthieu qui est appelé et sauvé par Jésus, mais qui en invitant largement chez lui, devient le sauveur de ses frères). Il s'agit de témoigner mais aussi d'affirmer et cela c'est important pour nous que ce que Dieu désire ce ne sont pas holocaustes, mais une attitude du coeur.

La finale du psaume qui parle de Sion qui a été détruite, montre soit une vision prophétique de David (pourquoi pas) mais peut être que quelqu'un a repris ce psaume au moment de l'exil pour montrer que Dieu reste fidèle, qu'il respectera ses promesses si le peuple reconnait son péché et se tourne vers lui.

Je ne suis pas sûre de trouver mon compte (c'est à dire de me sentir complètement en phase avec ce psaume), mais ce qu'il décrit de la relation entre l'homme et son dieu, revoit peut être plus à la tendresse qu'à la miséricorde. Le psalmiste a confiance, il -sait que son péché peut être effacé et finalement il ne fait pas grand chose pour ça. il se tourne juste vers Dieu, il lui parle, et il sait qu'il sera écouté et cela pour moi c'est la tendresse de Dieu et non sa miséricorde, mais à chacun sa manière de sentir les affects.

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