L'évangile d'aujourd'hui, 13° dimanche du temps ordinaire, m'a un peu surprise. On n'est qu'au chapitre 9, et c'est déjà la route vers Jérusalem. Mais ce n'est vraiment que quand Jésus sera à Jéricho (chapitre 18) qu'il sera à l'entrée de la ville.
Toujours est-il que, du coup, j'ai relu ce chapitre, qui est très "rempli", puisqu'on y trouve l'envoi des apôtres en mission, la multiplication des pains, la profession de foi de Pierre, la transfiguration, la guérison de l'enfant épileptique, des annonces de la passion, et les deux péricopes de ce jour. La première raconte le refus d'un village samaritain d'accueillir Jésus, avec la réaction de Jean et de Jacques; la seconde porte sur l'appel, soit que l'on décide de suivre Jésus, soit que lui-même appelle; avec le côté radical: ne pas faire comme les invités à la noce qui ont de bons prétextes pour ne pas accepter l'invitation.
C'est la réaction de Jean, celui qu'on appelle, avec son frère, fils du tonnerre, qui m'a intéressée. Car il est désireux de rayer ce village de la carte. La violence est là, il veut faire un exemple, mais Jésus ne se laisse pas faire. Je le laisse donc raconter…
Jean, fils de Zébédée raconte:
Je dois dire que Jacques, et moi Jean son frère, nous les premiers appelés par le Maître, nous étions très heureux. Il nous avait donné un peu de ses pouvoirs, et nous pouvions chasser les démons, et guérir les malades. Cela devait convaincre les gens des villages où Jésus allait passer qu'il était vraiment celui que nous attendions, et que Dieu visitait son peuple. Nous nous sentions un peu comme des dieux, nous sentions en nous une force.
Puis Il nous avait pris sur la montagne avec lui, et nous l'avions vu devenir lumineux, et nous l'avions vu avec Moïse et Elie.
Je ne peux pas vous raconter, vous expliquer ce que j'ai pu ressentir; mais j'avais la certitude que la nuée qui était sur lui était aussi sur nous; et même si je ressentais de la crainte, il y avait cette toute puissance du Très Haut. Il y a eu aussi cette voix qui nous disait de l'écouter. Cette voix qui résonnait en nous, je sais bien qu'elle venait d'ailleurs, que ses sonorités étaient autres et qu'elle me faisait vibrer. Quant à la crainte, qui était là, je crois que c'est normal, parce que quand le Très Haut se révèle, Béni soit-il, quelque chose en nous est pris par tout ce qui est si sombre en nous, si loin de lui. On se sent tellement infirme, tellement minuscule mais aussi tellement incapable.
L'ennui, c'est qu'ensuite, il avait aussi reparlé de ce qui l'attendait. Et ça ne nous plaisait pas trop, parce que ce serait la fin de quelque chose, et que cela nous faisait vraiment peur. Mais on n'y pensait pas trop et on se sentait capable de faire de grandes choses.
Et puis, il a pris la longue route qui mène à Jérusalem. Il était déterminé, il savait que c'était sa vie. Il a quitté la Galilée, notre terre, là où nous avons nos racines. Et il s'est même mis à marcher assez vite. Comme d'habitude, il a envoyé des disciples dans un village proche, un village samaritain, pour préparer sa venue. Mais ceux-ci sont revenus et ont dit qu'ils ne voulaient pas nous recevoir parce que nous étions des juifs et que nous allions vers Jérusalem. Ah, ces samaritains, qu'est ce que je ne les aime pas.
Alors mon sang n'a fait qu'un tour, et nous avons demandé à Jésus qui marchait devant nous, s'il nous permettait de faire tomber sur eux le feu du ciel pour les détruire, eux qui ne respectaient pas les lois de l'hospitalité. J'avais vraiment envie que ce village subisse le sort de Sodome, qui avait refusé hospitalité aux anges envoyés par le Seigneur.
Comment peut-on refuser de recevoir celui qui vient au nom du Seigneur! Mais au fond de moi, je ne suis pas trop sûr que notre Dieu et le leur soit le même. Ils ne nous aiment pas, mais nous non plus.
Pourtant, je n'étais pas très sûr que Jésus soit d'accord avec cette idée, parce que jamais il n'a fait quoique ce soit de cet ordre là. Mais si par hasard, il était d'accord, moi, cela me remplirait de joie. Je peux même dire que cela me gonflerait d'orgueil, parce qu'après un tel exploit tout le monde parlerait de nous.
Seulement il a très très mal reçu notre demande. Il s'est retourné vers nous, avec sa tête des mauvais jours, et il nous réprimandés comme des gamins! Et nous avons compris que nous aurions dû ne pas laisser la colère monter en nous. Et du coup un autre village a été trouvé, où il a pu parler du Royaume.
Mais j'espère bien que, quand il sera dans ce royaume dont il parle tant, il nous donnera les meilleures places, qu'on sera les chefs avec lui, et qu'on pourra faire tomber du feu là où on en aura envie, et leur faire comprendre qui est Jésus…
Pourtant quand Jean, le fils de Zacharie, celui qui baptisait dans le Jourdain, parlait du Messie qui allait venir, il en parlait comme de celui qui tenait dans sa main une pelle à vanner, et qu'il brûlerait la paille au feu qui ne s'éteint pas. Il avait aussi dit qu'il baptiserait dans l'Esprit Saint et dans le feu...
Et lui, il a dit qu'il était venu apporter un feu sur cette terre, et qu'il avait hâte que ce feu soit allumé. Seulement il y a feu et feu, et vu son regard, c'est de l'autre feu qu'il parle! Ce n'est pas le feu qui détruit ou qui dévaste, non c'est un autre feu.
C'est un feu qui purifie, c'est un feu qui est comme le souffle de l'amour, qui rend le cœur brûlant. Et ce feu là, c'est celui qui est en moi depuis qu'il m'a appelé, depuis qu'il m'a pris avec lui pour le voir redonner vie à fille de Jaïre; c'est le feu de la nuée qui était là, sur lui et sur nous; c'est le feu de son amour à lui. Alors pourquoi est ce que j'ai laissé le feu de la colère m'envahir?
Ce village qui n'a pas voulu de nous, tant pis. La paix que nous aurions pu lui apporter n'ira pas sur lui, mais sur cet autre village qui nous accueille. Et moi, qui me suis senti d'abord tout honteux devant le regard du Maître, je me sens maintenant plein d'amour pour lui, lui qui va par amour pour son Père, vers son destin...
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