Le chapitre 6 de Marc, se termine par la première multiplication des pains et la marche de Jésus sur la mer. La lecture liturgique fait ici un saut: on passe des miracles à ce que dit Jésus. Jusque là, dans cet évangile, peu de discours sont rapportés, mais on sait que les scribes et les pharisiens sont à l'affût. On peut penser qu'ils sont allés à Jérusalem pour parler de cet homme, qui ne dit pas être le Messie, mais qui dit et fait des choses étonnantes. Et ce sont eux, ces hommes de Jérusalem, qui vont lancer la première flèche: "Tes disciples ne se purifient les mains avant de se mettre à table, et tu les laisses faire. Quel Maître es-tu donc, si tu ne leur fait pas respecter la tradition des anciens". Et le débat s'instaure, et Jésus leur clôt le bec: ce sont les versets du texte de ce matin (Mc 7, 1-14). Puis dans un deuxième temps, mais Jésus est coutumier de cette manière de faire, il utilise ce qui vient de se passer pour donner un enseignement: et c'est ce qu'il dit sur le pur et l'impur. Ce ne sont pas les aliments qui rendent impur, mais bien ces pensées qui rongent le coeur de l'homme, qui le divisent (ce qui est bien la question du pur et de l'impur), et qui le coupent de l'amour.
Et j'ai voulu laisser Jésus lui-même raconter...
Jésus raconte.
Quand je les ai vus arriver, avec leur air coincé (pardon pour ce jugement), je savais bien qu'ils allaient me chercher des noises. Je sais que les pharisiens qui vivent en Galilée ont peur de ce que je raconte, peur de mes miracles, et de mes guérisons. Ils disent même que c'est avec l'aide du prince de démons que je guéris, et rends la vie. Ils veulent ma peau, et ils l'auront un jour... Mais aujourd'hui, comme mes disciples ne s'étaient pas lavé les mains avant de prendre le repas bien mérité - car souvent il y a tellement de personnes qui vont et viennent pour se faire guérir qu'il est impossible de prendre le temps de se restaurer, ils sont venus avec leur bec enfariné, me demander pourquoi mes disciples ne respectent pas la tradition des anciens. Alors là, mon sang n'a fait qu'un tour. Comment opposer la tradition des anciens à la Loi donnée par Moïse...
Je sais bien que se laver les mains au moment du repas, c'est signifier qu'on entre dans une autre dimension, celle du partage, de l'hospitalité, et que mon Père est présent. Mais tant que moi, je suis avec mes disciples, ils sont purifiés; sauf que cela, jamais ils ne le savent pas. Quand je suis avec eux, leur cœur n'est plus partagé, ils font corps avec moi, ils font corps ensemble, ils ne sont pas dans la division mais dans la pureté.
Alors je me suis servi des paroles du prophète Isaïe pour qu'ils comprennent - parce que si je m'appuie sur la Parole, ils ne pourront rien faire contre moi: qu'ils servent mon père non avec leur cœur, mais du bout des lèvres.
Puis je leur ai montré combien cette tradition pouvait être perverse. Mon Père, par Moïse, a dit qu'ils devaient honorer leur père et leur mère; et eux, ils poussent leurs disciples à donner leur argent pour le Temple et ainsi à laisser leurs parents dans le besoin. Et ils n'honorent plus leur père et leur mère; ils les poussent à devoir mendier.
Ils sont partis, mais ils étaient très en colère.
En fait moi aussi je l'étais, mais j'étais surtout triste, et j'ai peur que leur enseignement ne fausse complètement le jugement de ceux qui les écoutent. Alors je me suis adressé à ceux qui étaient là, qui avaient assisté à cette petite scène. Je voulais leur faire comprendre que le pur, c'est autre chose.
Un jour mon pauvre Pierre aura une vision où il verra sur une grande nappe des animaux de toute sorte, des purs et des impurs (Moïse a développé tout cela) et une voix lui dira d'immoler et de manger; il se récriera en disant qu'il n'a jamais mangé d'animaux impurs. Et la vision lui fera comprendre qu'il n'a pas à appeler impur ce que mon Père appelle pur; et il ira vers ceux qui sont appelés les païens.
Mais moi aujourd'hui, je voulais qu'ils comprennent que ce qui rend impur, séparé de mon Père, ce n'est pas ce qui pénètre par la bouche, parce que cela ne demeure pas en l'homme, mais c'est ce qui sort du cœur: ces paroles d'envie, de haine, d'orgueil.
Qu'ils comprennent que dans le cœur de l'homme, il y a ce mauvais, cette présence du mal; et que se débarrasser de cela, c'est autrement difficile que de s'abstenir de manger certaines choses, ou de se laver les mains. Et qu'ils comprennent que moi je suis venu pour qu'ils deviennent purs à l'intérieur d'eux-mêmes; que je peux leur donner cela.
De même que les lépreux qui me touchent sont purifiés, sans que pour autant je sois contaminé, de même s'ils se laissent toucher par moi, si leur cœur de pierre se laisse toucher, alors ils auront en eux un cœur de chair, un cœur purifié et rempli de mon amour.
Mais la route est encore longue avant que même mes disciples le comprennent.
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