Jn 6, 16-23: Les disciples voulaient le prendre dans la barque.
On trouve le même épisode rapporté par Matthieu et par Marc. Il est absent chez Luc, chez lequel il n'y a pas de multiplication des pains, ce qui laisserait à supposer que ce qui s'est passé la veille de la passion est le plus important.
Mt 14, 22 | Mc 6 45- | Jn 6 16-23 |
22 Aussitôt Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules.
23 Quand il les eut renvoyées, il gravit la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul.
24 La barque était déjà à une bonne distance de la terre, elle était battue par les vagues, car le vent était contraire.
25 Vers la fin de la nuit, Jésus vint vers eux en marchant sur la mer.
26 En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils dirent : « C’est un fantôme. » Pris de peur, ils se mirent à crier.
27 Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! »
_______________________ 28 Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. » 29 Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. 30 Mais, voyant la force du vent, il eut peur et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! » 31 Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
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32 Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba.
33 Alors ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui, et ils lui dirent : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! »
| 45 Aussitôt après, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, vers Bethsaïde, pendant que lui-même renvoyait la foule.
46 Quand il les eut congédiés, il s’en alla sur la montagne pour prier.
47 Le soir venu, la barque était au milieu de la mer et lui, tout seul, à terre.
48 Voyant qu’ils peinaient à ramer, car le vent leur était contraire, il vient à eux vers la fin de la nuit en marchant sur la mer, et il voulait les dépasser.
49 En le voyant marcher sur la mer, les disciples pensèrent que c’était un fantôme et ils se mirent à pousser des cris. 50 Tous, en effet, l’avaient vu et ils étaient bouleversés.
Mais aussitôt Jésus parla avec eux et leur dit : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez pas peur !
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51 Il monta ensuite avec eux dans la barque et le vent tomba ; et en eux-mêmes ils étaient au comble de la stupeur,
52 car ils n’avaient rien compris au sujet des pains : leur cœur était endurci. 53 Après la traversée, abordant à Génésareth, ils accostèrent.
| 15 Mais Jésus savait qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi ;
alors de nouveau il se retira dans la montagne, lui seul.
16 Le soir venu, ses disciples descendirent jusqu’à la mer. 17 Ils s’embarquèrent pour gagner Capharnaüm, sur l’autre rive. C’était déjà les ténèbres, et Jésus n’avait pas encore rejoint les disciples.
18 Un grand vent soufflait, et la mer était agitée.
19 Les disciples avaient ramé sur une distance de vingt-cinq ou trente stades (c’est-à-dire environ cinq mille mètres), lorsqu’ils virent Jésus qui marchait sur la mer et se rapprochait de la barque. Alors, ils furent saisis de peur
20 Mais il leur dit: « C’est moi. N’ayez plus peur.
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21 Les disciples voulaient le prendre dans la barque ; aussitôt, la barque toucha terre là où ils se rendaient.
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On voit que les différences sont nombreuses, sans parler de la demande de Pierre de marcher sur les eaux. Par ailleurs, dans les synoptiques Jésus donne un lieu précis aux disciples, et c'est lui qui les envoie; chez Jean les disciples abandonnent Jésus, ils le laissent se débrouiller tout seul pour rentrer. Du coup, ce qui se passe ensuite peut tout à fait évoquer ce qui se passera après la mort de Jésus, quand les disciples vivront une véritable tempête intérieure, tempête que les annonces de Marie de Magdala ("le corps a disparu" suivi de "il est ressuscité"), n'apaisent pas. Et, comme sur le lac, Jésus sera pris pour un fantôme. Et c'est lui qui en quelque sorte fera accoster la barque.
Mais quand j'ai travaillé ce texte, c'est le dernier verset qui m'a beaucoup interrogée: "Les disciples voulaient le prendre avec eux dans la barque; aussitôt la barque toucha terre là où ils se rendaient".
Un commentateur insiste sur le verbe "prendre", en disant que ce verbe se retrouve déjà plus haut: la foule veut prendre Jésus (s'en emparer) pour le faire roi, et Jésus se "retire" seul dans la montagne. Pour ma part, le verbe se retirer m'a toujours fait penser à la mer qui se retire, et on ne peut pas la retenir. Là, le verbe prendre, mettre la main sur est important, surtout dans cet évangile où Jésus est le maître: nul ne lui prend la vie, c'est lui qui la donne et qui décide le "quand" et le "où".
Si on reprend le texte il semble donc que, Jésus s'étant caché, les disciples sont comme livrés à eux-mêmes et ils ne savent pas trop que faire. Ils décident d'aller au lieu habituel, Capharnaüm, mais c'est leur propre initiative. Est-ce la bonne direction?
Toujours est-il qu'on dirait que les éléments se déchainent comme pour les noyer, comme s'il ne fallait pas que la mission s'accomplisse. On pourrait presque dire, puisque la lumière n'est pas avec eux, alors les ténèbres peuvent s'en donner à cœur joie. Il y a le grand vent et l'agitation de la mer.
Mais curieusement ce n'est pas cela qui leur fait peur, c'est Jésus qui arrive en marchant sur ces éléments déchaînés. Et la réponse "c'est moi", la même que l'on aura et au jardin des oliviers, et surtout dans le cénacle.
Jésus monte -t-il ou pas? Dans les synoptiques, il monte, là, ce n'est pas certain, parce que les ténèbres ont été vaincues, le calme est revenu, et la rive est là. Je dois dire que j'aime bien cette idée où je verrais presque Jésus le premier à terre tirant sur la barque pour la faire accoster, avec les disciples à l'intérieur. Ils sont comme tractés par Jésus, le Maître. Peut-être faut-il essayer de trouver des harmoniques avec Simon-Pierre, qui remonte dans la barque après la pêche des cent cinquante-trois poissons, au petit matin, et qui deviendra le Berger.
Un disciple raconte.
Ce jour-là, il avait donné à manger à environ cinq mille hommes, et il y avait eu beaucoup de restes, surtout du pain. Bien entendu le poisson lui avait été entièrement mangé. On avait douze corbeilles remplies de pain. Les corbeilles elles étaient pour nous. Mais quelle surabondance.
La foule, elle, aurait bien voulu le prendre pour en faire un roi, leur roi, seulement lui, pendant que nous nous occupions de rassembler les morceaux, il avait disparu dans la montagne. Il a laissé tout le monde sur sa faim si j'ose dire, et pourtant nous étions rassasiés.
Nous les disciples, nous ne savions pas trop que faire; la nuit était venue. Nous avons pensé qu'il trouverait bien un moyen de nous retrouver et nous avons pris notre barque pour retourner à Capharnaüm. Enfin, par la terre ce n'est pas si loin. Mais on ne lui a pas demandé s'il voulait qu'on l'attende. On avait envie de souffler un peu, de nous retrouver à la maison.
Seulement pendant la nuit la tempête s'est levée, la mer s'est agitée, et nous ne savions plus du tout où nous allions. On se demandait même si ce n'était pas comme une punition, parce qu'on l'avait laissé tout seul. Le bateau se remplissait d'eau, et nous ramions, ramions, mais dans la nuit totale, nous étions complètement perdus - et pourtant ce coin là, nous le connaissons par cœur. Mais là nuit, c'est autre chose quand même.
Et là, tout d'un coup, nous avons vu une silhouette qui marchait sur l'eau, et nous étions dans l'effroi le plus total. Était-ce un fantôme, un esprit mauvais? La peur nous avait envahis. Mais non, c'était Jésus, notre maître, qui nous avait rejoints ainsi.
Lui, la lumière, il avait vaincu les ténèbres qui nous menaçaient et qui voulaient nous avaler. Il nous a dit "C'est moi, n'ayez pas peur", mais sa manière de dire cela, c'était comme si le très Haut parlait par sa bouche, c'était un Moi, rempli de puissance et de force. Et le calme était là; mais la barque tanguait toujours pas mal.
Nous pensions le prendre dans la barque avec nous, mais à notre grande surprise, la terre était là.
Et lui le premier a mis pied sur la terre ferme et c'est lui qui a tiré la barque sur le rivage. Puis nous sommes rentrés à la maison aux premières lueurs du jour.
Mais en nous il y avait bien cette question: qui est-il vraiment, lui qui est venu à notre aide, qui nous a fait arriver sur le rivage, qui nous a sauvés des eaux profondes; et qui a donné à manger avec trois fois rien à autant de monde?
Puis il est sorti et nous avec lui, et très vite il y a eu du monde, beaucoup de monde. De fait ils ne comprenaient pas comme Jésus avait fait son compte pour arriver là, et ce n'est pas nous qui allions leur dire ce que nous avons vécu cette nuit là. C'est notre secret.
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