mardi, juin 21, 2022

Jean 21 - Réflexions

 

Jn 21, dernière semaine du temps pascal.

La semaine après la fête de Pâques, l'octave de Pâques comme on dit, nous avions entendu le début de ce chapitre 21, avec la pêche des 153 poissons au bord du lac. Puis après avoir été plongés tout au long de ces sept semaines dans les textes johanniques, nous voilà arrivés au bout du parcours, avec la finale des chapitres 20 et 21. 

 

Le chapitre 20, qui relate ce qui se passe le matin de la résurrection et l'apparition de Jésus auprès des onze avec Thomas, se termine de la manière suivante:

 

"30 Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas écrits dans ce livre.

31 Mais ceux-là ont été écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant, vous ayez la vie en son nom".

 

On aurait pu s'attendre à ce que le rédacteur en reste là. Mais non, puisqu'il y a ce chapitre 21, qui lui se termine d'une manière assez semblable 

 

24 C’est ce disciple qui témoigne de ces choses et qui les a écrites, et nous savons que son témoignage est vrai.

25 Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait.

 

Il me semble que cela permet de comprendre que l'auteur de cet évangile a écrit logiquement bien après les autres rédacteurs, car le commentaire qu'il donne sur la mort de Simon-Pierre montre qu'il sait que ce dernier est mort sur une croix, comme son Maître. Et, pardonnez-moi, mais il se lance quand même des fleurs, en disant à propos de lui-même: "Nous savons que son témoignage est vrai". 


Or si je ne mets pas cela en doute, il me semble que cet additif montre une certaine amertume. Lui, le disciple qui était tout près de Jésus le soir du lavement des pieds, lui qui était au pied de la croix, lui qui a pris chez lui Marie la mère de Jésus, lui qui comprenait tout alors que Pierre accumulait les erreurs, voilà que lui, il doit attendre de mourir de vieillesse et dans des conditions somme toutes assez pénibles, puisque la tradition le met en exil à Patmos. 

 

Dans toute la deuxième partie de l'écrit de celui que nous pensons être le disciple bien-aimé, ce que nous appelons le livre des heures, il est beaucoup question de la relation entre ces deux hommes. 


Lui, le jeune qui a suivi après le baptême de Jean, qui court plus vite, qui comprend plus vite, qui a aussi été capable de faire entrer Simon-Pierre dans la cour du Grand-Prêtre la nuit de l'arrestation, le voilà qui est confronté au choix de Jésus: qui confirme ce Pierre qui n'est plus tout jeune, qui a renié le Maître par trois fois, qui n'a rien compris quand il a vu le tombeau vide, qui est même retourné en Galilée comme si le don de l'Esprit n'avait pas été fait. Et c'est lui qui est choisi, confirmé comme le Pasteur. Il y a peut-être de quoi en vouloir un peu quand même au monde entier. 

 

On peut dire que Jean a eu souvent le rôle de portier avec Pierre; il le fait entrer dans la cour du Grand-Prêtre, il le précède au sépulcre, il reconnait Jésus sur la rive, ce qui permet à Pierre d'arriver le premier sur la rive, et comme je l'ai écrit, c'est à Pierre que sont confiées les clés du Royaume. À lui restera le rôle, qui pour nous est son titre de gloire, de transmettre, de faire entendre et comprendre qui était Celui que le Père a envoyé, qui était Celui par lequel l'Esprit Saint a été répandu sur le monde, et surtout de parler de l'Amour infini, cet autre nom du Père dont personne ne pouvait comprendre la profondeur.

 

Alors merci à cet homme qui, par sa réflexion, nous donne d'entrer à chaque lecture de son écrit un peu plus profondément dans la dynamique du don, dans la dynamique de l'amour.  

 

Le disciple "bien-aimé" explique. 

 

Peut-être vous demandez-vous pourquoi j'ai jugé nécessaire de rajouter ces histoires étonnantes qui se sont passées en Galilée, sur les bords du lac, après que Jésus soit redevenu vivant et nous ait donné son Esprit? C'est parce que beaucoup d'entre vous se demandent pourquoi je suis encore vivant après toutes ces années: et peut-être que je suis "éternel"? Mais il n'en n'est rien, je vais vers ma mort, que j'attends comme chacun d'entre nous, car c'est à ce moment-là que je serai à nouveau couché sur la poitrine de mon bien-aimé. Mais le temps est long, il me dure et je trouve que Simon, finalement a toujours eu de la chance, lui qui était tellement à la traîne. 

 

Moi, j''ai été le premier avec André à suivre Jésus, sur les bords du Jourdain. Simon-Pierre, c'est son frère qui est allé le chercher. J'ai toujours eu l'impression qu'il ne comprenait pas grand-chose, sauf peut-être après la multiplication des pains, car lui a été capable de prendre la parole au nom de tout le groupe et de dire qu'ils ne quitteraient pas Jésus; qu'ils ne l'abandonneraient pas car en lui il y avait les paroles qui donnent la vie éternelle, cette vie qui comme il l'avait dit à la Samaritaine est source d'eau jaillissante qui ne tarit jamais, quand elle est dans le cœur de celui qui lui a ouvert la porte.

 

J'étais là pour son premier miracle, à Cana, quand il a changé de l'eau en vin, mais je ne savais pas qu'un jour, ce serait son sang qui deviendrait vin de noces pour nous, vin de l'alliance. 

 

Je l'ai vu chasser les vendeurs du Temple, et affirmer que son corps à lui était le temple de la Présence; et surtout qu'il se relèverait au bout de trois jours. Mais cela nous ne le comprenions pas.

 

J'ai assisté à ses démêlés avec les pharisiens, j'ai vu leur mauvaise foi, leur haine qui gonflait de plus en plus. Et pourtant, rendre la vue à un aveugle-né, ou permettre à un homme paralysé depuis 38 ans de se mettre debout et de marcher, n'est-ce pas un signe de la Présence? Seulement il n'aurait pas fallu faire cela un jour de Shabbat, et surtout de pas dire au paralytique de prendre son brancard. Mais comment ont-ils pu être aussi aveugles? 

 

J'étais tout près de mon maître lors de ce repas que nous avons pris ensemble après qu'il ait ramené à la vie notre ami Lazare. C'était juste avant de partager les plats qui avaient été préparés pour ce soir-là, qu'il nous a lavé les pieds. Et il a fallu que Simon refuse, et que Jésus soit obligé de lui faire comprendre que ce geste était un peu comme un baptême, et que ce geste-là, nous aurions à le faire les uns pour les autres, pour nous souvenir que comme Jésus, nous devons être au service de nos frères, quels qu'ils soient. 

 

C'est moi qui ai compris qui était celui qui allait trahir Jésus, et je l'ai dit à Pierre qui n'a pas voulu me croire; lui, n'avait pas compris que ce qui rendait Jésus si triste, c'était de savoir que l'un de ceux que lui avait choisi allait le vendre pour une bouchée de pain, alors que nous venions de partager ce même pain. 


Je dois reconnaître, même si j'ai écrit que celui qui hait son frère n'est pas dans la lumière, que quand j'ai vu Judas arriver avec les soldats, j'aurai bien aimé que Simon, au lieu de s'en prendre au serviteur du grand-prêtre, lui plonge son poignard dans le cœur; mais Judas est parti tranquillement après avoir livré celui qui l'avait choisi.

 

C'est encore moi qui lui ai permis d'entrer dans la cour du grand-prêtre, sauf que je me dis que je n'aurais peut-être pas du le faire, parce que cela aurait lui aurait évité de faire comme s'il ne connaissait pas Jésus, de le renier publiquement; et pourtant Jésus l'avait bien dit. 


Mais moi, je l'ai entendu dire cela, et j'aurais voulu qu'il se taise. Pas étonnant qu'ensuite il ait disparu, il avait trop peur de se faire arrêter, lui qui avait coupé l'oreille du serviteur du Grand-Prêtre. Il a beau être plus âgé que moi, c'est un impulsif qui ne se contrôle pas. 

 

Tous, ils ont abandonné notre Rabbi, moi seul je suis resté avec sa mère, avec Marie de Magdala et avec sa tante. C'est à moi qu'il a confié sa mère, pas à Simon. 

 

Je l'ai entendu dire qu'il avait soif. J'aurais tant voulu étancher sa soif, mouiller ses lèvres gercées, mais je ne pouvais pas; je l'aime tant mon maître; mais il fallait qu'il dise cela, qu'il fasse bien comprendre qu'il est pleinement homme, tout autant qu'il est le Fils de Dieu.

 

C'est moi qui l'ai vu rendre son souffle, son dernier souffle. Mais, comme il l'avait dit, ce souffle qu'il a remis à son Père est revenu sur moi, en me donnant une force que je n'imaginais pas. 


C'est moi qui ai vu ces soldats romains rompre les jambes des deux autres condamnés et percer d'un coup de lance le côté de Jésus. Pourquoi ont-ils fait cela? C'était gratuit, ça ne servait à rien, mais il en est sorti du sang et de l'eau, et pour moi, ce sang c'est le sang de la véritable alliance, et l'eau, c'est cette eau dont il avait parlé un jour, en disant que c'était une source d'eau jaillissante. Et il a donné son souffle pour que la vie soit en nous, pour que la vie soit manifestée, lui qui est retourné vers le Père et qui vient du Père.

 

J'ai accueilli Simon chez moi, parce que c'était un endroit relativement sûr. Et au petit matin, quand Marie de Magdala est venue, dans tous ses états, nous dire que le corps avait disparu, nous avons couru vers le tombeau. Comme moi je suis un rapide, je suis arrivé le premier, et j'ai bien vu que la pierre avait été roulée, mais je ne suis pas entré parce que je pensais que Simon devait entrer le premier; et il est entré, je ne sais pas ce que lui a compris, mais moi, quand j'ai vu les linges posés bien à plat sur la pierre, le suaire là où sa tête avait reposé, j'ai su - je dis bien j'ai su parce que c'était au-delà de la compréhension - qu'il n'était plus là, qu'il était redevenu vivant comme il l'avait dit, lui qui disait de Lui qu'il était la lumière du monde, que les ténèbres ne pourraient rien contre lui, qu'il était le vivant. 


Moi j'ai compris. Lui, il était perplexe. Heureusement que Jésus lui est apparu ensuite, comme il nous est apparu dans cette pièce où nous étions calfeutrés par peur des Juifs. 

 

Je n'ai pas compris pourquoi, après que Celui qui est notre Seigneur et notre Dieu nous ait donné son Esprit - cet Esprit qui doit nous rappeler tout ce qu'il nous a enseigné, cet esprit qui est notre consolateur et notre défenseur - Simon est retourné chez lui en Galilée, comme s'il voulait tout oublier. Vraiment je n'ai pas compris. 

 

Et si je raconte ce qui s'est passé sur le bord du lac, si je parle de cette pêche miraculeuse avec seulement des gros poissons, et de ce feu de braises qui nous attendait sur le bord, c'est pour montrer comment Jésus s'y est pris pour que Simon devienne le Pasteur de son troupeau. C'est pour montrer comment il faisait, et comment il fait, pour nous permettre de comprendre nos erreurs, nos manques. C'est pour montrer aussi sa capacité à parler de ce qui va arriver alors que nous n'en n'avons pas la moindre idée.  

Voilà pourquoi j'ai ajouté ces récits à mon grand récit. Pour que vous compreniez que, même si moi j'attends le retour du Maître, même si je sais que ma place c'est d'être témoin et de témoigner que Dieu aime le monde et qu'il lui a donné son fils, même si j'ai autour de moi une communauté que je peux enseigner, le temps me dure, me dure…  

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