samedi, juin 25, 2022

Luc 1, 57-60.80. Fête de la nativité de Jean le Baptiste.

 J'ai déjà écrit quelques textes, et bien sûr il y a des similitudes entre eux et ceux de ce jour.  

        https://giboulee.blogspot.com/2018/12/temps-de-lavent-zacharie-retrouve-la.html


https://giboulee.blogspot.com/2021/12/luc-1-77-79-zacharie-raconte-la.html


   

Travail sur le texte lui-même:

 

 

57 Quand fut accompli le temps où Élisabeth devait enfanter, elle mit au monde un fils. 

58 Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait montré la grandeur de sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle. 

 

C'est étonnant, ce n'est qu'au moment de la naissance que quelque chose est comme révélé. Un peu comme si ce bébé qui a un père muet était l'enfant du secret. Et on ne parle pas du père, on se centre sur Elisabeth et sur le fait qu'elle est vivante, et que Dieu a montré sa miséricorde et sa grandeur. 

 

59 Le huitième jour, ils vinrent pour la circoncision de l’enfant. Ils voulaient l’appeler Zacharie, du nom de son père. 

60 Mais sa mère prit la parole et déclara : « Non, il s’appellera Jean. » 

61 On lui dit : « Personne dans ta famille ne porte ce nom-là ! »

 

La première semaine de vie du nouveau-né se passe, et c'est la circoncision. Pourquoi vouloir l'appeler Zacharie alors qu'en général dans les généalogies le fils ne porte pas le nom du père? Peut-être parce que comme Zacharie a une infirmité qui l'empêche d'aller au Temple, son fils sera prêtre comme lui, et cela qui est dit ici. 

 

62 On demandait par signes au père comment il voulait l’appeler. 

63 Il se fit donner une tablette sur laquelle il écrivit : « Jean est son nom. » Et tout le monde en fut étonné. 

 

Et le père confirme bien que l'enfant (Dieu fait grâce) ne sera pas son successeur, qu'il aura un destin autre, un peu comme celui de Samson ou de Samuel.

 

64 À l’instant même sa bouche s’ouvrit, sa langue se délia : il parlait et il bénissait Dieu.

 

Pour moi, ses cordes vocales ont pu à nouveau vibrer, vibrer de reconnaissance. Il confirme ce qu'a dit sa femme; il retrouve la parole et la voix. Et c'est son cantique qui prend place: "Toi petit enfant, tu seras appelé prophète du très haut"...

 

 65 La crainte saisit alors tous les gens du voisinage, et dans toute la région montagneuse de Judée on racontait ces événements. 

66 Tous ceux qui les apprenaient les conservaient dans leur cœur et disaient : « Que sera donc cet enfant ? » En effet, la main du Seigneur était avec lui. 

 

De quelle crainte s'agit-il? Mais en même temps on a le "bouche à oreille": et le "les conservait dans leur cœur" fait écho à Marie. 

 

       Le cantique de Zacharie. Béni soit le Seigneur le Dieu d'Israël.. 

 

Zacharie retrouve la voix et la parole.

 

     80 L’enfant grandissait et son esprit se fortifiait. Il alla vivre au désert jusqu’au jour où il se fit connaître à Israël.

C'est un enfant pas comme les autres. Il semble ne pas s'occuper de ses parents et répond à un appel: vivre au désert.


 

Réflexions

 

Pour la fête de Jean le baptiseur, fils très tardif d'Elisabeth et de Zacharie, la liturgie nous propose l'évangile de Luc, la fin du premier chapitre. Le chapitre 2, lui, racontera l'autre naissance, celle dont Zacharie parle dans son cantique (que nous ne lisons pas aujourd'hui). 

 

Dans les versets qui nous sont lus, on peut se centrer un peu sur Elisabeth. Car il est quand même étonnant que finalement personne de son voisinage ne soit au courant de ce qui est en train de se passer en elle. Cette naissance, est un peu comme un secret. On n'en parle pas, de même que Zacharie ne peut pas parler non plus. Il est condamné au silence et il en va de même pour sa famille. 

Mais après la naissance il y a le choix du prénom. Je pense qu'il faut revenir un peu là-dessus: Zacharie veut dire "Dieu se souvient"; Elisabeth serait "Dieu est serment", et Jean "Dieu fait grâce". 

 

Les parents et l'entourage voudraient que l'enfant porte le prénom de son père/ Or si je me réfère aux tables des nombreuses généalogies qui émaillent l'ancien testament, il me semble que c'est rarissime. Alors pourquoi? Une explication serait qu'en tant que fils d'un descendant d'Aaron, un prêtre, l'enfant sera prêtre comme son père, et comme celui-ci est encore muet (ce qui est une tare, une infirmité qui le rend impropre à assurer son service), l'enfant sera un autre Zacharie. Il devra à son tour rappeler au peuple que Dieu se souvient, que Dieu n'oublie pas, que Dieu a une mémoire, que Dieu est le Berger de son peuple, le maître de sa Vigne. 


Seulement la vocation de cet enfant n'est pas de prendre la succession de son père, mais bien d'annoncer que le temps du changement est advenu; que des temps nouveaux sont tous proches. Son nom qui signifie "Dieu fait grâce" lui donne d'emblée ce rôle de prophète que Zacharie annonce: "et toi petit enfant tu seras appelé prophète du très Haut, tu marcheras devant à la face du Seigneur et tu prépareras ses chemins, pour donner à son peuple de connaitre le Salut par la rémission de ses péchés". 

 

Le temps de grâce est donc advenu. A cet enfant de préparer le chemin de celui qui est le Messie. 

 

Puis le récit nous rapporte qu'Elisabeth n'a pas beaucoup de succès quand elle dit que l'enfant s'appellera Jean, et il faut alors demander l'avis du père. Pourtant dès la Genèse ce sont les femmes qui nomment les enfants. Et dans la plus part des généalogies, les fils ne portent par le nom de leur père. C'est étonnant cette réaction des proches. Peut-être pensent-ils que c'est un caprice de vieille femme, qui a un peu perdu la tête malgré tout. 

 

J'ai toujours trouvé très curieux le fait que l'on demande par signes à Zacharie comment l'enfant doit se nommer. Zacharie est muet, il n'est pas sourd. Mais c'est presque comme si on nous disait qu'en refusant d'écouter la voix de l'Ange, Zacharie avait été sourd à la voix du Seigneur, et que cela se manifestait par la perte de la parole. 

 

On sait que c'est lorsqu'il confirme la parole d'Elisabeth que la parole lui est rendue et lui permet de louer et de bénir le Seigneur. 

 

A ce propos, je voudrais parler de quelque chose que j'ai vécu. Suite un choc que je peux qualifier d'émotionnel, j'ai eu une paralysie partielle des cordes vocales. L'une d'elle ne vibrait plus, ce qui avait inquiété un médecin qui craignait un cancer du cerveau. C'était rentré dans l'ordre après un traitement à l'électricité. Mais si je raconte cela, c'est que cette paralysie des cordes vocales, pourrait expliquer la mutité de Zacharie; mais cela ne l'empêche pas de prononcer les mots, et celui qui sait lire sur les lèvres peut décoder; peut-être Élisabeth était-elle dans ce cas; et je vais me servir de mon vécu pour parler de celui de Zacharie.  

 

Zacharie raconte

 

Neuf mois, neuf mois que pas un mot n'est sorti de ma bouche; que je dois m'exprimer par gestes, que je suis souvent incompris, et que tout le monde me tourne le dos. Je suis muet depuis que j'ai eu du mal à ne pas mettre en doute la parole de l'Ange du Seigneur qui m'est apparu durant mon service au Temple, alors que j'offrais de l'encens dans le Sanctuaire. 

 

Il était là, debout à la droite de l'autel, et comme le disent les prophètes Ézéchiel et Daniel, j'ai ressenti en moi une très grande crainte: l'envie de tomber face contre terre, de disparaître. Qui suis-je, moi, pour rencontrer l'Ange du Seigneur? Il m'a dit que ma prière avait été exaucée; je me demandais bien laquelle. Il a dit qu'il s'agissait de nos prières pour avoir un fils. 

 

Seulement je dois dire que ces prières, nous ne les faisons plus depuis longtemps, notre temps d'enfanter est mort. Nous sommes âgés l'un et l'autre.

 

Et l'Ange, lui, me disait que je devais donner à l'enfant le nom de Jean. Et que cette naissance nous rendrait très heureux, et pas seulement nous, mais ceux qui l'apprendraient. Il a ajouté que l'enfant ne devrait pas boire de vin ni de boissons fortes, et cela pour moi m'a fait penser à la naissance du Juge Samson. Sa mère devait s'abstenir de toutes boissons alcoolisées durant sa grossesse et ne pas lui couper les cheveux. Mon fils serait-il un nouveau Samson? 

 

Puis il a ajouté qu'il serait rempli d'Esprit Saint dès le ventre de sa mère. Là, j'ai eu du mal à le croire. Les prophètes sont certes choisis - comme le dit Jérémie - dès le sein de leur mère, mais l'Esprit saint ne les remplit que bien plus tard. Et lui, ce serait avant même d'avoir vu le jour. Et puis ma pauvre femme sera-t-elle capable de porter à terme une grossesse?

 

Il a dit qu'il ferait revenir de nombreux fils d'Israël au Seigneur leur Dieu, et cela je dois dire que c'est mon vœu le plus cher, peut-être la demande qui a remplacé celle d'avoir un enfant, de sortir de la honte de la stérilité. 


Puis il a comparé mon fils au prophète Elie, dont le retour a été annoncé par le prophète Malachie; en disant qu'il aurait la puissance et l'esprit du prophète Elie, pour réconcilier les pères et leurs enfants, ramener les rebelles à la raison et préparer au Seigneur un peuple bien disposé. 

 

J'écoutais, j'entendais toutes ces merveilleuses paroles, mais en moi il y avait la peur que compte tenu de nos âges nous ne puissions pas être les témoins de cela, les instruments dont notre Dieu avait besoin. Alors je me suis risqué à le dire, car malgré tout, la mort n'est pas loin. 


Et là, tout Ange qu'il soit, il l'a très mal pris.

 

Pour lui, c'est comme si je doutais de la puissance du Très Haut, et avec un ton de majesté, il m'a dit qu'il se tenait en présence du Seigneur, donc qu'il était un des Anges qui sont en permanence auprès du Seigneur, qui peuvent contempler sa face jour et nuit; qu'il se nommait Gabriel, qu'il avait été envoyé pour me parler et m'annoncer cette bonne nouvelle; et - parce qu'il y a eu un et - que je ne pourrais plus parler, parce que je n'ai pas cru à ses paroles, jusqu'à ce qu'elles se réalisent. Et j'ai senti que quelque chose se passait dans ma gorge, que quelque chose se raidissait. J'ai voulu dire et je n'ai pas pu, mes cordes vocales étaient mortes, elles ne vibraient plus. Ma langue bougeait, mes lèvres aussi, mais plus aucun mot ne franchissait ma bouche.

 

J'ai alors quitté le sanctuaire, mais je ne pouvais expliquer à qui que ce soit ce que je venais de vivre. Les autres me regardaient bizarrement, mais je comprenais bien qu'ils pensaient tous que j'étais un grand pécheur pour être ainsi sanctionné. Je suis resté à Jérusalem le temps de terminer mon service liturgique et je suis retourné chez moi. 

 

Ma très douce femme sait lire sur les lèvres, alors elle a un peu compris ce qui nous était demandé et promis; et l'enfant à naître a pris chair en elle, mais elle n'en parlait à personne, sortait encore moins que d'ordinaire, faisait presque comme s'il ne se passait rien. Cela jusqu'à l'arrivée de notre petite cousine Marie. 


La promesse de l'Ange s'est réalisée. Mon fils a été rempli d'Esprit Saint et a tressailli dans le ventre de sa maman. La vie était enfin là, la promesse se réalisait, mais moi je ne parlais toujours pas, et je sortais aussi le moins possible pour fuir les regards.

 

Heureusement que Marie était avec nous. Elle a dû partir quelques jours avant la naissance de notre fils. Mais elle avait prévenu la sage-femme que je suis allée chercher, et tout s'est bien passé; mon Elisabeth est en vie, mon fils est vigoureux. On en raconte des choses sur les enfants de vieux, mais nous nous sommes des très vieux.. 

 

Ma joie quand il a poussé son premier cri, quand je l'ai pris dans mes bras. J'espère qu'il ne me prendra pas pour son grand-père quand il sera en âge de parler. J'aurais tant voulu chanter une chanson pour lui, mais ma voix n'est pas revenue, et pourtant la promesse a été accomplie et je ne peux que bénir le très Haut de nous avoir donné cet enfant. Combien de temps pourrons-nous être auprès de lui? Mais Dieu pourvoit, alors il fera.

 

Le jour de la circoncision est arrivé, j'aurais pu le faire, mais je n'osais pas. Les proches sont arrivés et ils voulaient que l'enfant se prénomme comme moi, Zacharie; mais ce n'était pas ce qu'avait demandé l'Ange. Elisabeth a dit qu'il s'appellerait Jean, car cela je l'avais dit et elle l'avait lu sur mes lèvres, mais eux, ils ne voulaient pas démordre de leur choix. Pourtant c'est bien la mère qui choisit et donne son nom à l'enfant. C'est ce qu'ont fait la mère de Samson, la mère de Samuel, sans parler de Sarah, de Rebecca, et de toutes ces femmes qui nous ont précédés.

 

Ils sont venus me chercher et m'ont demandé, en faisant de grands gestes comme si j'étais sourd, comment je voulais l'appeler. Ils m'ont donné une tablette et j'ai écrit: son nom est Jean. Et là, le miracle s'est produit, j'ai senti que la vie revenait dans ma gorge, que ma voix m'était rendue! Et vous savez, j'ai une belle voix, un chant a jailli de mes lèvres, un chant dont les paroles n'étaient pas de moi mais de l'Esprit qui avait œuvré dans mon fils. Et j'ai loué et béni le Très haut qui a daigné visiter son peuple. 

 

Les mots coulaient tout seuls, ma voix n'était pas rouillée et pourtant elle sonnait un peu autrement. J'ai chanté la force de notre Dieu, qui nous visite, qui est fidèle à ses promesses; qui nous délivre de la main de nos ennemis, qui va faire surgir la force que nous attendons dans la maison de David son serviteur, et qui va utiliser mon fils pour annoncer ce qui va advenir. Non, mon fils ne sera pas prêtre, mais s'il est descendant de la tribu d'Aaron, il sera prophète, comme le fut le prophète Élie.

 

Puis, la vie a repris son cours. Qu'adviendra-t-il de mon petit? Verrai-je, verrons-nous, les promesses faites à ma petite cousine se réaliser? Je ne sais pas, mais ce que je sais c'est que Dieu est fidèle et que ses promesses il les tient.

 

 

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