samedi, juillet 22, 2023

Jn 20, 10-18: fête de Marie de Magdala. 22 juillet 2023

22 juillet: fête de Marie-Madeleine. 


Cette fête m'a un peu surprise, j'avais oublié. Et pourtant j'ai quand même écrit quelques textes, mais plus souvent avec le temps de la résurrection. 



https://giboulee.blogspot.com/2013/07/oh-voleur-jn-20-1-211-18.html

https://giboulee.blogspot.com/2020/07/jai-vu-le-seigneur-jn-20-18.html

https://giboulee.blogspot.com/2022/04/jn-20-12-18-la-rencontre-entre-marie.html

 

 

Donc, en  pensant à cette fête ce matin mais surtout à cet évangile si connu de la rencontre de Marie avec son Rabbouni, j'ai pensé à un autre moment où cette même Marie (enfin pour moi, c'est la sœur de Lazare), avait déjà été devant une tombe, celle son frère, et Jésus était présent. 

 

Je vais donc reprendre les versets du texte d'aujourd'hui, et de comparer ce qui s'était passé si peu de temps auparavent. Car si on suit la chronologie de Jean, la résurrection de Lazare a eu lieu très peu de temps avant la Pâque.

 

En effet, quand cette résurrection est connue à Jérusalem, Jean l'évangéliste nous dit que Jésus ne séjourne plus dans les villes, mais dans une région proche du désert. La Pâque juive était proche, et beaucoup se demandaient si Jésus aurait ou non le courage de s'aventurer à Jérusalem, puisque sa tête est mise à prix. Il est "wanted" comme on pourrait dire de nos jours. (Jn 11,53-57).

 

Puis c'est le repas à Béthanie, qui a lieu 6 jours avant la Pâque, donc une petite semaine avant. Marie, la sœur de Lazare, verse du parfum sur les pieds de Jésus, et les essuie avec ses cheveux... Bon, là, permettez-moi d'être un peu sceptique, parce que pour essuyer quelque chose avec des cheveux, ce n'est pas terrible; mais il faut aller au-delà et être sensible au symbolisme, qui pour moi évoque un geste très maternel. Et Jésus ira au-delà, en disant qu'elle a utilisé cet usage en vue de son ensevelissement.

 

Tout ce préambule pour dire que Marie, qu'elle soit de Béthanie ou de Magdala, a dû affronter deux morts, coup sur coup, celle de son frère et celle de son Seigneur, et que cela fait quand même beaucoup. 

 

Pour mémoire, reprenons ce qui se passe entre Marie et Jésus, lorsque ce dernier revient à Béthanie.

 

Marie, Jésus, Lazare

 

32 Marie arriva à l’endroit où se trouvait Jésus. Dès qu’elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. »

 

C'est la même phrase que celle de Marthe. Comment faut-il l'entendre? Venant de Marie, pas comme un reproche, mais comme une sorte de regret. Si tu avais été là, tu aurais certainement pu le guérir, mais maintenant c'est fini et mon frère a succombé.

 

33 Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotionil fut bouleversé,

 

Les pleurs de Marie et les pleurs des autres sont communicatifs, et on voit bien toute l'empathie de Jésus, et la manière dont il réagit.  Dire que Jésus est saisi d'émotion et qu'il est bouleversé, c'est presque redondant, mais on voit bien ce qui peut se lire sur le visage de Jésus. Ce terme "bouleversé" sera repris lors du dernier repas (Jn 13,21):  Après avoir ainsi parlé, Jésus fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera ».  J'aime l'humanité de Jésus.

 

34 et il demanda : « Où l’avez-vous déposé ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens, et vois. »

35 Alors Jésus se mit à pleurer.

36 Les Juifs disaient : « Voyez comme il l’aimait ! »

 

Jésus demande donc où le corps a été déposé. C'est le même mot qui sera employé pour lui: Jn 19, 41-42: À l’endroit où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin et, dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore déposé personne. À cause de la Préparation de la Pâque juive, et comme ce tombeau était proche, c’est là qu’ils déposèrent Jésus.

 

Et c'est la demande de Marie au jardinier: dis-moi où tu l'as déposé, et moi je le prendrai.

 

Jésus, quand il pense à ce corps déposé, pense peut-être à ce qui va advenir du sien. Et les larmes sont là, larmes pour Lazare, larmes pour lui. La partie "vrai homme" de Jésus peut tout à fait être saisie de tristesse et d'angoisse, en pensant à sa propre mort. 

 

38 Jésus, repris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre.

39 Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. »

 

Bien entendu, dans ce récit, l'entrée de la tombe est condamnée, la pierre est en place et personne n'y a touché; derrière cette pierre, c'est la mort et la décomposition. Mais pour Jésus, il faut que la pierre soit enlevée, comme ce sera aussi pour lui. Ici, nous savons qui a enlevé la pierre et ce qu'il y a derrière.

 

43 Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! »

44 Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. »

 

Quand Jésus dit "Déliez-le", cela évoque pour moi le psaume 114, 3:  "J'étais pris dans les filets de la mort, retenu dans les liens de l'abîme, j'éprouvais la tristesse et l'angoisse ". Mais je pense que je dois avoir en tête une traduction de la BJ: "les filets de la mort m'enserraient". Lazare sort lié par le vêtement des morts (on se demande d'ailleurs comment il fait pour se lever, pour avancer jusqu'à la lumière. Lazare est comme prisonnier de la mort; Jésus, lui, en sera vainqueur. Le dialogue qu'il a eu avec Marthe, mais pas avec Marie, va dans ce sens.

 

Marie, Jésus

 

11 Elle se tenait près du tombeau, au-dehors, toute en pleurs.

 

Nous savons que Marie est venue alors que le jour se levait, mais que c'était encore les ténèbres, ténèbres dehors, ténèbres dans son cœur, tristesse infinie. 

Nous savons qu'elle trouve la pierre roulée, qu'elle voit que le corps a disparu, qu'elle se dépêche de prévenir Jean le disciple et Simon Pierre, qui viennent au pas de course constater qu'elle a dit vrai. 

Nous savons qu'ils repartent. L'un, Simon-Pierre, est perplexe; l'autre est convaincu que la mort a été vaincue. 

Nous savons que Marie, elle reste, et qu'elle ne peut que pleurer. 

 

Lors de la mort de son frère, elle était aussi toute en pleurs, mais dans un premier temps à l'entrée du village, puis au tombeau. Les pleurs sont contagieux, mais Marthe, elle, ne pleure pas. Différence entre ces deux femmes. 

 

 En pleurant, elle se pencha vers le tombeau. 

12 Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus.

13 Ils lui demandent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répond : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé. » 

 

Là, elle est seule, Marthe n'est pas là; elle se plaint de ne pas savoir où le corps a été déposé. C'est un peu comme si elle reprenait à son compte la question que Jésus pose à propos de Lazare: Où l'avez-vous mis? Mais pour Lazare, c'était facile. Lazare est sorti du tombeau à la voix de Jésus. Là elle ne peut pas imaginer qu'une voix ait pu faire sortir Jésus du tombeau (et il n'est pas question, chez Jean, de tombeau gardé par qui que ce soit).

 

14 Ayant dit cela, elle se retourne ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. 

15 Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » 

Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » 

 

La question de Jésus est beaucoup plus précise que celle des anges. Il y a le même pourquoi pleures-tu (qui pourrait peut-être s'entendre comme un reproche, tu sais très bien qu'Il a annoncé qu'il reprendrait vie le troisième jour, pourquoi es-tu en panique?) Et la deuxième partie, "Qui cherches-tu? Qui est vraiment celui que tu cherches?"  Et c'est peut-être là  que tout se noue, car le Jésus que cherche Marie-Madeleine n'est pas Jésus le ressuscité. I

 

Jésus est désormais autre, avec la gloire et dans la gloire de son Père. Mais pour Marie, elle cherche le corps qu'elle veut, et doit trouver pour le mettre là où il doit être. Il faut lui donner un lieu décent pour son repos.

 

16 Jésus lui dit alors : « Marie! » S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : « Rabbouni ! » c’est-à-dire : Maître. 

 

Et c'est là que se fait le retournement intérieur: le son de son prénom dans la bouche de celui qu'elle prend pour le jardinier, en qui elle n'a pas reconnu le maître. Elle l'avait bien entendu parler, la questionner, mais cela avait comme glissé sur elle. Cet homme, ce jardinier, ne ressemble pas à celui que son cœur aime, à celui qu'elle a vu défiguré sur la croix. Mais le son de sa voix qui prononce son prénom crée en elle un cœur nouveau. C'est une sorte de miracle. Certes elle dit simplement Rabbouni, mais je crois que dans ce mot "mon maître à moi" il y a bien plus que que la reconnaissance de son Rabbi. Il y a le Ressuscité, celui qui a vaincu la mort.

 

17 Jésus reprend : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. »

 

Jésus anticipe le geste normal (trouvé dans l'évangile de Matthieu) de le tenir, de le retenir; avec une raison un peu étonnante, comme si Jésus était surpris de se trouver là, alors qu'il pensait peut-être à un autre lieu. Est-il descendu aux enfers, comme le dit le credo? En tous les cas, sa place est désormais ailleurs.  Mais avec une annonce, mon Père est aussi le vôtre, il vous adopte. Il est votre Père et il est votre Dieu, un Dieu autre, un Dieu différent..

 

18 Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur ! », et elle raconte ce qu’il lui a dit.

 

Lazare est redevenu un vivant parmi les vivants; mais un jour la vie cessera à nouveau. Pour Jésus c'est radicalement différent. De cela Marie est témoin, et c'est pour cela qu'elle peut aller annoncer ce qui vient de se passer: elle a vu le Seigneur, et elle peut rapporter ses paroles; à eux d'en faire ce qu'ils pourront. 

 

Marie raconte

 

En moins de dix jours j'ai perdu mon frère Lazare et celui que mon cœur aime plus que tout. Pour mon frère, par certains côtés ce qui s'est passé est extraordinaire, mais il n'est plus du tout le même. Je ne devrais pas dire cela, mais il n'est pas encore vraiment revenu; et je sais aussi qu'en accomplissant ce miracle, rendre la vie à quelqu'un qui est mort depuis quatre jours, Jésus s'est condamné lui-même. Je sais que le collège des grands prêtres a mis sa tête à prix. 

 

Ce matin, me voilà qui vais là où Joseph et Nicodème ont déposé le corps meurtri de mon Maïtre, avec les pieds troués par ces affreux clous, ces pieds que j'avais "onctionné" avec un parfum précieux, pour qu'avant de partir vers la mort son corps embaume une douce odeur. 

 

Parce que oui, il a été mis à mort, à mort sur une croix, avec deux bandits à sa droite et à sa gauche. À part Jean - ce disciple tellement étonnant - et sa pauvre mère, moi et la sœur de sa mère, il était tout seul; seul, vraiment seul. Mais pour moi, il a choisi l'instant où il allait expirer. Parce qu'il a incliné sa tête et a rendu son souffle, mais sa tête n'est pas tombée toute seule, c'est lui qui l'a laissée s'incliner, comme si par ce geste, il montrait à son Père qu'il faisait sa volonté, totalement, librement. 

 

Mais moi, je le pleure, je ne peux pas m'arrêter. Ce matin je suis donc partie avec des aromates, car je pensais que les hommes avaient fait ce qu'il fallait, mais bon… Il fallait faire plus. 

 

Et quand je suis arrivée, mon cœur était si triste qu'il a failli exploser quand j'ai vu que la pierre était roulée et que le corps de mon aimé avait disparu. J'ai couru comme une folle, dans la ville qui se réveillait, pour prévenir Jean et Simon-Pierre. Ils ont vu mon désarroi et sont venus très vite. Simon-Pierre est entré le premier et ressorti, puis Jean à son tour. Lui, quand il est sorti, il était apaisé - il n'y a pas d'autres mots - mais il n'a rien dit. Et moi je suis restée là, avec ma peine infinie. Qui a pu faire cela? Qui a pu voler le corps? Ce n'est pas pensable, pas imaginable. 

 

Puis je me suis décidée à entrer moi aussi dans ce lieu de mort. Il y avait deux hommes vêtus de blanc, l'un à l'endroit où sa tête avait reposé, l'autre à l'endroit de ses pieds. Mais lui, il est où? Ils m'ont demandé pourquoi je pleurais. Quelle question! Je ne pouvais que leur dire qu'on avait enlevé le corps de mon Seigneur, et que je ne savais pas où on l'avait déposé. Et cette question a redoublé mes larmes, parce que Jésus avait demandé où on avait déposé le corps de mon frère. Mais que pouvaient-ils pour moi? Et je suis retournée dans le jardin, à la lumière.

 

Là j'ai vu un homme; il était grand, un peu de la taille de Jésus, fort; et comme c'est rare de voir un homme à cette heure-là dans un lieu qui est un cimetière, j'ai pensé que c'était le jardinier. Il m'a posé presque la même question que les deux dans le tombeau, ces deux qui semblaient attendre quelque chose. Il m'a dit: femme pourquoi pleures-tu, qui cherches-tu? Lui au moins il avait compris que je cherchais le corps. Et c'est ce que je lui ai dit, que je si c'était lui qui avait fait ça, je voulais qu'il me dise où il avait mis le corps et que moi j'irais le chercher. 

 

Et là, il m'a dit: "Marie".. Ça montrait qu'il savait qui j'étais, qu'il me connaissait..  et moi je l'ai reconnu! Ce n'était pas un jardinier, non, c'était celui que je cherchais! Celui que mon cœur aime! Et j'ai fondu… Il y avait tellement de choses à dire, mais je n'ai pu dire qu'un seul mot: "Rabbouni!". Et je voulais me jeter à ses pieds, lui dire ma joie. Sauf qu'il n'a pas voulu. Il a même eu des mots que je n'ai pas trop compris, mais ça m'était égal, il était là, il était vivant, il était le Vivant. Parce que celui qui est mort sur la croix, ce n'est pas celui qui se tenait devant moi. Je ne peux pas expliquer, mais il était autre. Et cela ça n'a pas du tout été le cas pour mon frère. 

 

Il m'a dit que je ne devais pas le retenir, parce qu'il n'était pas encore monté auprès de son Père. Et il m'a dit d'aller vers les frères et de leur dire qu'il montait vers son père et notre père, vers son Dieu et notre Dieu. Un peu comme s'il disait qu'il rentrait à la maison; et que sa maison devenait notre maison. 

 

Il est parti: je veux dire qu'il avait été là, devant moi, et qu'il n'était plus là. Je suis allée prévenir tout le monde que j'avais vu le Seigneur, et je leur ai tout raconté; mais je crois qu'ils ont pensé que j'étais folle, parce que qu'ils se sont enfermés dans la salle, et qu'ils y ont passé toute la journée dans la peur; alors que moi je leur avais dit ce que j'avais vu. Peut-être qu'ils finiront par me croire, et que mon Seigneur se montrera à eux comme il s'est montré à moi. Mais maintenant, je vais aller voir Marie, sa mère, parce que, elle, elle me croira.  

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