dimanche, mars 18, 2012

"Père pardonne-leur" Luc 23, 33


"Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font" Luc 23,33-34


Lytta Basset dans un de ses premiers écrits « guérir du malheur », explique que Jésus sur la croix, face au mal qu’il subit ( ne meurt il pas comme un un « vaut rien » ) demande à Dieu, qu’il nomme « Père » de pardonner, comme si – et cela m’avait paru très éclairant quand j’ai lu ce livre - il y avait des actes que l’humain ne peut pas pardonner, parce que c’est au dessus de ses forces.

Jésus qui ne s’est jamais privé de parler en son nom propre (On vous a dit, moi je vous dit et qui est réputé pour parler avec autorité), ne dit pas qu’il pardonne, mais qu’il remet d’une certaine manière le pardon à son Père.

J’ai donc cru, pour suivre la logique de l’auteur, que l’homme Jésus qui peut figurer toutes les victimes indiquait par cet acte qu’il y a des pardons que l’homme ne peut donner et que c’est pour cela qu’il remettait cet acte de miséricorde à son père. Aujourd’hui je n'en suis plus aussi sûre de cela.

Si on reprend les 7 paroles du Christ en croix, la relation au Père n'apparaît que dans l'évangile de Luc, qui est l'évangile de la miséricorde. Dans l’évangile de Jean (3paroles) le lien explicite au Père est absent, par contre Jésus reste jusqu’au bout le maître de la situation. Matthieu et Marc mettent le psaume 21 dans la bouche de Jésus,  qui au delà de la détresse montre que jésus reste en relation avec Dieu. Mais finalement quand on est sur le point de mourir n’est il pas normal de se tourner vers celui qu’on aime et parfois de lui demander comme une dernière faveur, à savoir ne pas imputer à ceux qui sont là, ce qui est en train d'advenir mais dont ils ne comprennent pas le sens, eux qui contemplent celui qu'ils ont transpercé?

Je pense et continue à penser qu’il y a des actes qui sont tellement destructeurs pour celui qui les subit, que pardonner à celui qui a fait de vous un objet, est extrêmement difficile voire impossible. Et je ne pense pas que Dieu puisse en faire grief. Dire qu’il « faut »pardonner, cela me semble un non sens. Et surtout ajouter que si on ne pardonne pas, Dieu ne vous pardonnera pas, c’est rentrer  à nouveau dans la logique de l’agresseur et  condamner la victime au lieu de l’aimer.
Je ne rentrerai pas ici dans le choix des versets de l’évangile qui justifient la pratique du pardon, je veux simplement dire que obliger une victime à pardonner alors que tout en elle dit non est une aberration.

Même si au fond de moi je crois que le pardon est (et il y a des groupes de parole aux Etats unis qui ont cet objectif) ce qui redonne à l’humain sa dignité, qui le sort de son statut de victime, qui le met debout au sens fort du terme, qui le ressuscite, je sais pertinemment que c’est le plus souvent impossible, et que déjà le « lâcher prise » est une réussite.

Il ne faut pas oublier que tout le psychisme et bien souvent le corps sont dévastés par le ou les traumatismes subis, et que l’idée même du pardon est impossible. Même quand la justice est passée par là, je ne suis pas certaine que cela soit suffisant pour pouvoir mettre dans le passé ce qui reste souvent très présent et qui empoisonne le futur.

Par ailleurs, dans la Bible, le pardon (comme la vengeance) appartient à Dieu ( voir par exemple la critique des scribes à Jésus quand il pardonne les péchés du paralytique :Luc 5,21 : Qui peut remettre les péchés sinon Dieu seul).

Alors que Jésus remette ce jour là le pardon à son Père, pourquoi pas ? Sauf que Jésus et son Père sont un seul et même Dieu. Et si Jésus dans ce même évangile de Luc promet à celui qui est condamné à juste titre qu’il sera « sauvé » c’est à dire qu’il entrera dans le royaume, c’est bien que pardonner, faire miséricorde, il peut le faire !

Si Jésus demande cela à son Père, c’est qu’Il sait bien que dans une certaine logique, certains péchés provoquent la colère de Dieu et que cette colère se traduit presque toujours par des actes violents de destruction.


L’histoire du peuple choisi peut être lue comme une histoire du lien entre lui et l’Eternel. Quand le lien est fort alors tout va bien. Quand le lien se rompt, soit parce que les hommes se détournent de Dieu, soit parce qu’ils font du mal à leurs frères, alors ils sont dans la tourmente. S’ils  "se " retournent vers Dieu (conversion) , si le lien (et on peut remarquer que souvent c’est Dieu qui prend l’initiative dans l’histoire telle qu’elle nous est racontée), se retisse, alors les choses vont mieux, même si elles restent dans la réalité difficile, mais l'humain n'est plus seul.

Ne peut-on alors pas penser que ce que Jésus demande c’est que le mal qu’il subi ne se transforme pas en mal commis (même si cela serait attribué à son Père). La rupture mal subi, mal commis est bien un de messages de la bonne nouvelle apporté par Jésus.

En d’autres termes ce que Jésus demande c’est que ce mal qui est en train de se commettre là sur sa personne, n’engendre pas une destruction des personnes qui sont présentes à ce moment là. D’une certaine manière il interdit de faire un lien entre ce péché (sa mise à mort) et ce qui arrivera dans le futur au peuple juif.
Et cette manière de voir me paraît un cadeau purement divin.

Si Jésus sauve le monde, s’Il donne le salut, si comme nous le disons si souvent il « enlève, efface » le péché du monde, alors quand le Père regarde vers l’humain, (je sais c’est anthropomorphique)Il ne voit plus toutes ces actions qui sont censées provoquer sa colère, mais son fils qui est là entre nous et Lui, et cela est vrai pour tous les hommes qui reconnaissent la divinité du Fils et le don de l’Esprit. Alors la colère de Dieu, quoiqu’en dise Paul dans le début de l’épitre aux Romains  n’a plus sa raison d’être .

Si Jésus est sauveur, il ne faudrait pas que sa mort provoque une destruction. Aussi intercède-t-Il pour les personnes qui étaient là ce jour là et qui pour beaucoup (peut être parce que le don de l’Esprit n’avait pas été donné) n'avaient rien compris, mais aussi pour nous, qui sommes encore si souvent des aveugles.

Peut-on dire que même si le mal demeure, le lien péché- colère divine  n’a plus sa raison d’être et ce qui prime c’est désormais l’Amour. Le fils de l’homme n’est pas venu pour juger le monde mais pour le sauver Jn3, 17



3 commentaires:

AlainX a dit…

l'interprétation de Lytta Basset ne rejoint pas non plus la mienne. Je suis plutôt du côté de ce que tu dis à un moment, un Jésus qui craindrait plutôt la foudre vengeresse de son père, comme on le voit à maintes reprises dans la Bible.

« Ils ne savent pas ce qu'ils font » cela me semble sous-entendre : ils n'ont rien compris…
Comme s'ils disait à son père : laisse faire le temps de comprendre… (.... esprits sans intelligent, lents à comprendre … Dit-il quelque part aux hommes… )

Un jeune dirait aujourd'hui :
« P'tain ! y a encore du taf !! »
:-)

par ailleurs, j'aime bien ce que tu écris sur la complexité du pardon…

TOURNESOL a dit…

Je suis d'accord avec toi quand vous dites qu'il n'est pas possible humainement de pardonner certaines choses....
La seule chose possible : tenir à distance....
Quand Jésus dit: père pardonne-leur
car ils .....Il condamne d'avance
tous les antisémitismes contr le peuple juif.Je pense que nous aurions été aussi capables de mettre à mort Jésus car notre nature humaine est jalouse du petit pouvoir que l'on a (les pharisiens...)
Ps:je me demande toutefois pourquoi vous dites que StJean
parle peu du Père (au début...)
Dans le chapitre 14 et 15 il en parle beaucoup me semble-t-il.
Saint jean c'est un aigle c'està dire qu'il voit en profondeur.

Giboulee, a dit…

Oui Tournesol jésus dans l'évangile de jean est entièrement tourné vers le Père, mais là, je me centrais d'avantage sur la finale des évangiles.

Amicalement;