Partie II.
Ce sur quoi je voudrais insister dans cette partie c'est sur la création de la terre en tant que telle et sur la place de l'homme. Car si dans le premier chapitre de la Genèse l'homme est comme le summum de la création puisque il est amené à dominer sur tout ce qui a été crée avant lui, ici il est le premier, tout vient ensuite. Il a une sorte de rôle de serviteur peut être un peu analogue au rôle des humains de la mythologie sumérienne (servir les dieux pour que ceux ci puissent se reposer)... Mais la différence fondamentale avec cette autre mythologie est la place accordée à la relation entre le créateur et sa créature humaine: le créateur tient compte des besoins de celui qu'il a crée.
J'ai d'ailleurs longtemps pensé que ces chapitres 2 et 3 tiennent compte de la réalité dans laquelle vit l'humain et tente de répondre à la question du mal: pourquoi est ce que tout est si difficile en ce monde? Qu'avons nous fait?
Quelques réflexions sur les mots: jardin, poussière, etc..
Le jardin.
J'ai lu que les potentats orientaux (au moment de l'exil du peuple juif) avaient l’habitude de faire créer de magnifiques jardins (des lieux de délices) où ils pouvaient se « re créer » si l’on peut dire. Les jardins qui entourent des palais existent de nos jours, mais il faut tout un personnel pour l’entretenir. Ce lieu on peut le considérer comme une sorte d’environnement parfait, un endroit « délicieux » où rien ne doit interrompre la quiétude de son propriétaire. On peut alors comprendre que l'écrivain de ces chapitres (qui connait peut -être la dure réalité de l'exil) ait imaginé que le créateur avait mis l'homme dans un tel endroit, un endroit où on est à l'abri, un endroit de bonheur.
Comme je l'ai déjà écrit, j’ai longtemps pensé que l’Eden était une sorte d’utérus, dont l’homme aurait dû de toutes les manières sortir, un lieu où tout est donné sans rien avoir à faire. Or ce territoire, ce jardin dans l’Eden, l’homme a quand même pour mission de le « garder et de l’entretenir ». Alors peut être faut il voir autre chose dans cet jardin qu’un lieu de délices. Peut être que ce lieu n’est pas une matrice, mais un terrain qui va permettre à l’humain de devenir ce qu’il a à devenir, une sorte de lieu où il va pouvoir s’expérimenter.
La poussière.
J'y reviendrais car ce mot est utilisé 3 fois dans le chapitre 3. Mais la poussière nous n'aimons pas. Elle empêche de respirer... Il me semble qu'en latin on utilise le mot humus qui est est la racine du mot humilité. Peut être que l'insistance sur ce matériau est là pour rappeler à l'homme que même s'il est à l'image de Dieu, il n'a pas à s'enorgueillir car son origine est bien modeste.
Je me propose maintenant de commenter à ma sauce un certain nombre de versets (italique).
A : Ce qui est dit de la terre.
Verset 5 : « il n'y avait encore sur la terre aucun arbuste des champs, et aucune herbe des champs n'avait encore germé, car le SEIGNEUR Dieu n'avait pas fait pleuvoir sur la terre et il n'y avait pas d'homme pour cultiver le sol ».
Au commencement la terre est désertique (nue, pas bonne). La pluie n’existe pas et comme c’est l’eau du ciel qui fait pousser (fécondation du haut si l’on peut dire) il n’y a rien de vivant. Nous connaissons l’importance de la pluie dans les régions désertiques : quand elle tombe tout se met à croître. La pluie comme le créateur est source de vie. L’eau et la vie vont de pair.
Verset 6 « mais un flux montait de la terre et irriguait toute la surface du sol ».
Il semble que si l’humidité existe, ce flux qui vient du dedans ne permet pas la croissance, mais une sorte de stabilisation. Dans une autre traduction on trouve le mot brume qui évoque une sorte de nuage de gouttelettes, comme si une terre chaude était en train de se refroidir et émettait de la vapeur, mais cette vapeur là, différente de la pluie ne donne pas la croissance. On sait simplement que la terre n’est pas désertique, mais elle est loin d’être accueillante.
Le rôle de l'homme comme cultivateur (et non comme éleveur-donc nomade-) est annoncé.
B: Ce qui est dit de l’humain.
Verset 7 « Le SEIGNEUR Dieu modela l'homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l'haleine de vie, et l'homme devint un être vivant »
C'est la fresque de Michel-Ange, mais on est loin d'un bouche à bouche... |
La plus part des textes que j’ai pu lire sur ce verset insistent sur l’haleine de vie, et peu sur la poussière. Or ce mot sera largement repris dans le chapitre 3 : le serpent mangera la poussière et l’homme redeviendra poussière. Cette insistance sur ce mot m’a posé question. Si la terre n’a pas encore produit de fruit, elle est stérile, pas bonne. Et pourtant c’est ce matériel que Dieu utilise. La poussière pour nous, c’est quelque chose de sale, de gris, de mauvais, qu’il faut traquer pour s’en débarrasser. La poussière n’est pas bonne.
Alors peut être que l’auteur veut nous faire comprendre l’haleine de Dieu (le souffle dans d'autres traductions) fait du vivant avec du mort, du pur avec de l’impur, du saint avec de l’informe. L'image qui vient est celle du bouche à bouche qui permet de sauver quelqu'un qui ne sait pas ou ne peut pas respirer.
Il semble donc que le vivant crée par Dieu ait en lui du « pas bon ». Il me semble qu’il a une grande différence entre la poussière et la glèbe (mot employé par Chouraqui). La glèbe, la motte de terre, renvoie à l’argile et elle a un poids, poids que n’a pas la poussière.
C: Ce qui est dit du jardin.
Verset 8 : « Dieu planta un jardin en Eden en orient et y plaça l’homme qu’il avait formé ».
On est dans un pays l’Eden, en orient et dans ce pays Dieu dessine (plante) un jardin. Pour l’homme il y a donc un passage du dehors (pauvre, désertique) vers un dedans (riche et organisé). Mais on ne sait rien sur ce que ressent l’homme placé dans ce jardin, sauf que Dieu le met dans un environnement propice pour qu’il puisse se développer sans danger. On peut presque dire qu’il passe d’un monde inculte à un monde cultivé, civilisé lui qui sera appelé à être cultivateur.
Verset 9 « Le SEIGNEUR Dieu fit germer du sol tout arbre d'aspect attrayant et bon à manger, l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais ».
La question que l’on peut se poser est de savoir de quel sol d’agit il ? La terre devient elle capable à ce moment là de donner de la vie ? Ce qui est certain c’est que les arbres de la vie et de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais sont dans ce lieu différent de la terre. Ce qui est certain aussi c’est que ce lieu peut devenir source de convoitise. D’une certaine manière ce jardin peut évoquer le jardin des Hespérides avec ses pommes d’or ou la plante qui donne la vie dans le récit de Gilgamesh. Dans toutes les mythologies la plante qui donne la vie (l'immortalité) est objet de convoitise. En faisant des recherches sur le serpent (qui est une divinité dans beaucoup de récits mythiques) http://cosmobranche.free.fr/MythesSerpent.htm j'ai trouvé ceci:
Dans la tradition sumérienne, NINGISHZIDA est une divinité liée au monde souterrain. Fils du dieu chthonien Ninazu, il est le Dieu de la végétation dont il assure la pérennité. Son nom signifie "Seigneur du bon arbre". Maître de l'Arbre de Vie, ce Dieu Serpent devint par la suite le dieu personnel de Gudea, roi de Lagash.
La présence du serpent dans le chapitre 3 n’est peut être pas fortuite. Peut être veut il récupérer ce qui lui appartient ?Je veux dire que si de nombreuses traditions considèrent le serpent comme gardien de l'arbre de vie, on peut penser que si cet arbre lui échappe, il va vouloir le récupérer et que comme il est astucieux il va utiliser un être qui l'est beaucoup moins.
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D- Regard sur le monde le monde extérieur.
Verset 10-12 « Un fleuve sortait d'Eden pour irriguer le jardin ; de là il se partageait pour former quatre bras. 11L'un d'eux s'appelait Pishôn : c'est lui qui entoure tout le pays de Hawila où se trouve l'or 12— et l'or de ce pays est bon — ainsi que le bdellium et la pierre d'onyx. 13Le deuxième fleuve s'appelait Guihôn ; c'est lui qui entoure tout le pays de Koush. 14Le troisième fleuve s'appelait Tigre ; il coule à l'orient d'Assour. Le quatrième fleuve, c'était l'Euphrate ».
Il faut donc admettre que l’Eden est un lieu de la terre, comme les autres pays qui sont nommés (Hawila, Koush,et les pays arrosés par le Tigre et l’euphrate). Et que de ce lieu nait un fleuve qui va irriguer le jardin que Dieu a voulu inventer. Ce fleuve ensuite irrigue le reste du monde.
Il faut donc admettre que l’Eden est un lieu de la terre, comme les autres pays qui sont nommés (Hawila, Koush,et les pays arrosés par le Tigre et l’euphrate). Et que de ce lieu nait un fleuve qui va irriguer le jardin que Dieu a voulu inventer. Ce fleuve ensuite irrigue le reste du monde.
J’aime l’image du fleuve qui entoure un pays, un peu comme les bras d’une mère. Je dois dire que sur un plan symbolique cette représentation me séduit. C’est un peu comme si sortait de Dieu une force vive (eau) qui va donner la vie à un jardin (l’âme, l’homme) mais que cette vie ne se cantonne pas à un endroit donné, qu’elle va partout, qu’elle vivifie tout. Cela évoque Ez 47, le torrent qui sort du temple et qui assainit tout sur son passage.
E: La place de l’humain dans le jardin.
Versets 15 et 16 : « Le SEIGNEUR Dieu prit l'homme et l'établit dans le jardin d'Eden pour cultiver le sol et le garder. 16Le SEIGNEUR Dieu prescrivit à l'homme : « Tu pourras manger de tout arbre du jardin, 17mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir ».
On peut noter qu’il y a un redoublement car l’homme a déjà été placé dans le jardin, mais il a maintenant une fonction importante : le cultiver et le garder. Ce qui veut dire ou qui peut vouloir dire que ce jardin peut être menacé de l’extérieur et que l’homme protège le bien de Dieu. Peut être que l’interdit qui est donné indique justement ce qui est convoitable dans le jardin et le travail de l’homme est de veiller à ce que personne ne s’en empare. Il me semble parce que cela c’est un peu le propre de l’homme que chaque fois qu’il y a un dehors et un dedans, l'un ou l'autre devient objet de convoitise..
Je passe sur la création des animaux et sur la création de la femme pour arriver au chapitre 3.
Mais en ce qui concerne la création de la femme, elle est tirée du côté d’Adam, qui lui est déjà empli de l’haleine de la vie. Si Adam la nomme "la mère des vivants, la vivante" c'est peut être parce qu'il perçoit cette force de vie qui est déjà là. Peut-être que d'emblée elle est plus à l'image de Dieu que lui Adam qui a d'abord été que poussière. Quand dans le chapitre 3 elle prendra la parole sa phrase: "le serpent m'a séduite et j'ai mangé" me semble beaucoup plus adulte que celle de l'homme qui lui accuse Dieu de l'avoir trompé sur la marchandise: "c'est la femme que tu m'a mise près de moi, qui m'a donné de l'arbre et j'ai mangé"..
1 commentaire:
J'aime bien ce que vous dites sur le DIEU serpent ... je ne savais pas... C'est remettre le texte dans son contexte historique...
De plus je m'étais fait la même réflexion sur l'attitude de la femme et de l'homme. la femme: "le serpent m'a séduit..."elle reconnaît qu'elle a voulu le pouvoir du bien et du mal comme le
Dieu serpent...
Tandis que l'homme : c'est pas ma faute....
Ps: La tendresse est une chanson de Bourvil reprise par... voir sur internet. Une amie décédée voulait que l'on reprenne cette chanson lors de la célébration. J'aime beaucoup aussi.
Enfin soyons nuancés....
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