jeudi, février 15, 2018

Un dialogue improbable: Jn 4

En relisant, pour la préparation au baptême dans l'Esprit, le texte de la Samaritaine, et en me demandant un peu le pourquoi de ce texte - dans le cadre d'une réflexion sur la miséricorde, il m'est venu une idée un peu étonnante: celle de le voir sous la forme d'un dialogue entre juifs et palestiniens.

Parce que la Samarie et Israël ce sont bien deux pays ennemis, même s'ils sont conquis par les Romains.

Alors voilà ce que j'ai imaginé, de ce dialogue peut-être surréaliste:


Jésus et la Samaritaine. Un impossible dialogue.

Imaginez, de nos jours, un homme vêtu de noir, avec sa chemise blanche et sa kippa sur la tête, qui arrive dans une zone habitée par les Palestiniens.

Imaginez-le assis, et qu'il y ait un puits (bon, de nos jours ce n'est pas évident, mais imaginez quand même).

Il fait chaud, on est en plein midi, personne dehors, je dirais pas un chat; et voilà qu'une femme du pays, Fatima, arrive pour prendre de l'eau. Elle elle est habillée normalement, pour ne pas fondre au soleil.

Elle voit cet homme, et ça ne lui plait pas du tout. Elle sait très bien que ce n'est pas un ami, et déjà pour elle sortir à cette heure là, elle le fait parce qu'elle n'a pas le choix. Elle n'est pas mariée, les autres femmes la méprisent et parfois lui lancent des injures et des pierres. Elle n'a pas d'enfants, c'est comme ça.

Et voilà qu'il lui adresse la parole; qu'il lui parle un peu comme son homme, sans s'il te te plait, sans merci. Il veut à boire. Eh bien qu'il se débrouille.

Seulement, quand elle lui dit qu'il n'a qu'à se débrouiller, alors lui, il ne lâche pas le morceau. Il lui dit que si elle avait voulu, il lui aurait donné une eau différente, une eau qui apaise le cœur, une eau qui comble, qui désaltère. Et là, elle se demande qui est cet homme.

Et le dialogue improbable se poursuit... Elle pense que cette eau, elle la veut, mais il lui répond d'aller chercher son mari. Or de mari, elle n'en n'a pas, et elle le lui dit. A quoi il rétorque qu'elle a eu cinq maris, mais que celui ci ne l'est pas. Et là quelque chose se passe en elle. Certes c'est un juif, un qui la méprise, mais il n'est pas comme les autres. Et avant de partir, elle lui pose cette question qui les divise tant: où faut il adorer le Dieu créateur de l'Univers? Et là il répond: partout. Il dit que c'est en Esprit et en Vérité.

Plus tard, elle comprendra que "en Vérité" cela veut dire reconnaître que celui qui parle est le fils du Père, du Dieu de tous les hommes; plus tard elle comprendra que "en Esprit", cela veut dire qu'il faut utiliser cette partie de soi qui est tout au fond, mais qui dort, qui manque d'eau, pour reconnaître en cet homme le Tout Autre.

Mais là, elle sait qu'il est quelqu'un de différent, quelqu'un qui est l'envoyé, celui que tous attendent; et elle décide de laisser sa cruche en plan, et tant pis si son homme la bat, et d'aller annoncer au village, elle qui en général se cache, qu'elle a trouvé - ou plutôt qu'elle a été trouvée - par le Messie, et que peut-être la paix pourra se faire dans ce pays.

Alors, la miséricorde c'est peut-être cela, c'est tuer le mur de la haine. Elle s'est sentie reconnue, aimée, regardée, utile et écoutée, elle qui est un peu la muette de ce village, la mal-aimée.
Que Jésus ait choisi cette femme "perdue", ce n'est pas rien. Là, d'emblée, il est venu chercher la brebis perdue, celle qui ne sait plus quel Dieu choisir, et qui renonce à se tourner vers Dieu. 

Et puis le fait que ce soit la sixième heure n'est pas neutre, dans l'Evangile de Jean. La sixième heure, ce sera cette heure où Jésus viendra donner sa vie, et où il aura soif à nouveau; et où il nous donnera l'eau de la Vie.

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