Jn 21: "Suis moi".
Si le début du chapitre 21 de
l'évangile de Jean m'est familier et ne me pose pas trop de questions, par
contre ce qui se passe après le "repas au bord du lac" est beaucoup plus compliqué. J'essayais de laisser les versets 15-20 me dire quelque chose, mais ça ne me disait rien, ou si peu.
Bien entendu le triple
questionnement de Jésus peut faire référence au triple reniement, mais cette
lecture me semble trop banale ou trop banalisée. Pourquoi Jésus, après un bon
repas bien sympathique, où c'est lui qui
a fait la cuisine, se met à cuisiner ainsi Pierre, et le nomme Simon, fils de
Jean, alors que l'Esprit Saint, reçu (Jn 20,22) en
l'absence de Thomas, qui lui est présent ce jour là, a quand même fait de Pierre le fils du Père, le frère de Jésus.
Pourquoi "les agneaux"? Pourquoi "les brebis"? Je reviendrai plus tard là-dessus.
Et puis la première question: "Est-ce que tu m'aimes plus que ceux-ci?" est ambigüe:
- Est-ce que tu m'aimes plus que ces hommes qui sont aujourd'hui avec
toi?
- Ou
bien: Est-ce que ton amour pour moi est plus fort, plus intense, que le leur pour
moi?
Ce qui me semble possible, et c'est ce que veut montrer la suite de ce texte, c'est que Jean, le disciple que Jésus aimait, lui, est bien certain que personne ne peut aimer Jésus plus que lui, Jean. Lui, il n'aurait pas renié Jésus, ce qui permet peut-être de comprendre un peu mieux pourquoi l'auteur de cet évangile utilise ce triple questionnement qui s'oppose au triple reniement.
Ce qui me semble possible, et c'est ce que veut montrer la suite de ce texte, c'est que Jean, le disciple que Jésus aimait, lui, est bien certain que personne ne peut aimer Jésus plus que lui, Jean. Lui, il n'aurait pas renié Jésus, ce qui permet peut-être de comprendre un peu mieux pourquoi l'auteur de cet évangile utilise ce triple questionnement qui s'oppose au triple reniement.
Mais surtout, si on essaie de se
représenter visuellement la finale - versets 18 à 24, ce n'est pas évident du
tout.
Jésus commence par parler à
Pierre de son passé - "Quand tu étais jeune" -, puis de son futur - "Un
autre te mettra ta ceinture et te
conduira là où tu ne ne voulais pas aller"- ce qui permet à l'auteur de parler de la mort
de Pierre sur la croix. Puis on revient dans le présent avec un appel: "Suis-moi!". Suivre, oui, mais suivre où, ou suivre comment? Le "comment" est de fait indiqué par la "prophétie" précédente: suivre jusqu'à
mourir comme moi. Mais là, il semble qu'on soit presque dans le "où".
Or, si on se réfère aux
synoptiques, lors de la pêche miraculeuse, les quatre, Pierre, André, Jacques
et Jean de Zébédée, quittent tout et suivent Jésus; mais ils le font de leur propre chef. Bien-sûr c'est un peu jouer sur les mots, mais ce qui se passe pour eux est
différent de ce qui arrive à Lévi, qui lui entend aussi le "Suis moi", qui se lève et change sa vision du monde.
Si on lit le texte de cette finale, il semble bien que Pierre se met à suivre Jésus,
qu'il marche avec lui, (mais Jésus n'a plus de lieu sur la terre), certainement à
la fois pour écouter ce que son Maître va confier à celui qui est choisi comme
le pasteur à sa place à lui (Jn 10) et cela se comprend.
Mais, entendant des pas derrière
lui, il se retourne (ce qui évoque un peu le retournement de Marie-Madeleine au
tombeau, ou les disciples de Jean le Baptiste qui suivent Jésus à distance et
qui à la question de Jésus posent la
question de savoir où ce dernier demeure), et voit alors Jean le disciple que
Jésus aimait et qui semble suivre à distance.
Et là, on a un dialogue qui est un peu fou. Pierre demande
ce qui va advenir pour celui-ci, et Jésus le rabroue en lui disant "si je
veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe. Toi
suis-moi".
On sait l'importance du verbe
demeurer dans l'Evangile de Jean. Demeurer, être la demeure. Mais on a là deux
rôles différents, Pierre non seulement n'a pas à recevoir d'explications, mais
lui, ce qui lui dit c'est bien de "suivre" et rien d'autre.
En laissant travailler en moi cette
finale de l'évangile de Jean (enfin la deuxième finale), je me suis dit que
peut-être si on se centre uniquement sur la relation de ces deux hommes, Pierre
et le disciple que Jésus aimait, et si on regarde leurs comportements dans la
deuxième partie de l'évangile, alors quelque chose apparaît. Pierre c'est
l'ombre, Jean c'est la lumière, et pourtant c'est Pierre qui est choisi. Il
semble bien qu'il y a une sorte d'antinomie entre ces deux personnages.
- Lors du repas avec le lavement
des pieds, Jean est celui qui est tout proche de Jésus, qui demeure à côté de
lui, contre lui. Pierre, est celui qui ne comprend rien à la symbolique du
lavement des pieds.
- Lors de l'arrestation, Pierre
c'est un peu le balourd qui tranche l'oreille du serviteur du grand-prêtre, le
disciple que Jésus aimait, lui s'arrange pour suivre son Maître et faire entrer
Pierre (en douce).
- Puis, c'est Pierre qui va trahir,
alors que le disciple lui, souffre certainement de ce que son maître est en
train de vivre.
- Au pied de la croix, il n'y a
personne, sauf Marie et Jean, et c'est lui qui reçoit la mère de Jésus comme sa
mère, et qui va prendre soin d'elle. A priori cela aurait pu être le rôle de
Pierre, le "Chef", s'occuper de la mère de son maître.
- Le matin de la résurrection, c'est
Jean qui certes respecte la préséance en laissant Pierre entrer le premier au
tombeau, mais c'est lui, Jean, qui "croit", alors que Pierre semble
perplexe.
- C'est lui qui le reconnaît ce
matin là, juste après cette pêche
étonnante… Mais c'est Pierre l'impulsif qui quitte la barque pour aller à la
rencontre de celui qui l'attend.
Alors il semble bien que ce
disciple-là avait tout pour devenir le Pasteur. Seulement, malgré la relation
privilégiée qu'il dit avoir avec Jésus, parce que être le disciple que Jésus
aimait, cela renvoie à une relation d'amour, il n'a pas été choisi pour être le
pasteur, même s'il sera pasteur, comme nous le savons par les lettres et par
l'Apocalypse, mais à sa manière.
Je peux imaginer que quand Jésus demande par trois fois à Simon fils de Jean, s'il est
aimé de lui, Jean devait bouillir en lui-même,
il devait avoir envie de hurler: moi je t'aime, moi je t'aime plus que ma vie. Et
pendant ce temps là, Pierre certes affirmait bien à Jésus son amour, mais pas
d'une manière passionnée. Les mots de Pierre, Seigneur tu sais tout, tu sais
bien que je t'aime, avec tout ce qu'il y a de mauvais en moi, de lourd, de
pesant, ces mots là ce sont les nôtres.
Alors peut-être que l'on peut
dire que cette deuxième conclusion de cet évangile insiste sur le rôle de ce
disciple que Jésus aimait, de celui qui est appelé à demeurer jusqu'au retour
de Jésus et qui a choisi de raconter comment cet homme, Jésus, qui était le
Verbe de Dieu, la Lumière qui éclaire le monde, a changé sa vie et celle de tous
ceux qui croient en lui.
Jésus donne à chacun sa tâche; c'est lui qui sait (le "que t'importe" dit à Pierre est très fort), et c'est
aujourd'hui à chacun d'entendre la place que Jésus veut pour nous.
Pour en revenir aux agneaux et aux
brebis, je vais commencer par les brebis. Il y a la référence à Jn 10, qui permet
de penser qu'il y a en premier les brebis qui connaissent la voix, et qui sont
les brebis qui connaissent la Loi et qui attendent le sauveur, et en second les brebis qui ne sont pas de la bergerie et pour lesquelles il y a aussi une
place, ces brebis pour lesquelles Paul sera peut-être plus l'apôtre. Dans le
premier troupeau, il y a celles qui sont perdues, celles qui sont égarées,
celles qui sont malades et celles qui vont bien mais qui ne doivent pas écraser
les autres, ce qui accomplit la prophétie d'Ezéchiel 34. Quand aux agneaux, je
pense qu'il s'agit de tous ceux qui, comme l'agneau pascal, donneront leur vie pour que le message de Salut soit entendu sur toute la
terre; et Pierre fait partie aussi de ceux là.
Le fait d'avoir pu, en quelque
sorte curieusement, percevoir cette rivalité entre Pierre et le disciple que le
Seigneur aimait, m'a permis de comprendre en profondeur que Jésus choisit comme
il veut et pour qui il veut ce qui permet l'annonce du Salut. A nous d'écouter, avec l'aide de l'Esprit, cette voix du Seigneur.
2 commentaires:
J'aime bien le commentaire .... Nous sommes souvent Pierre vous savez
Merci pour la belle prière sur facebook....
Je pense que ceux qui "vivent" l'évangile seront accueillis car nous vivons dans un monde où nos enfants n'ont pas le privilège de connaître l'évangile nécessairement. Un film que je vous recommande c'est "SILENCE" Martin Scorcese (2017) il existe en DVD;;;;; Les persécutions au Japan 17 siècle C'est Super car il pose des questions essentielles.
Merci pour le commentaire, mais je ne pense pas qu'on puisse se servir des commentaires pour parler de ce que j'ai pu mettre sur Facebook , ou d'u film à voir. Enfin c'est ma conception du commentaire..
Bien amicalement.
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