Pierre raconte
Jésus vient de me dire qu'un jour, quelqu'un me passerait ma ceinture et m'emmènerait là où je n'aurais pas envie d'aller.. Puis, comme autre fois sur les bords du lac, il m'a dit de le suivre.
Alors, en moi est revenu ce qui s'était passé dans la synagogue de Capharnaüm, après qu'il ait donné du pain et du poisson à plus de 5000 hommes sur les bords du lac. C'était il y a longtemps; j'ai même l'impression que cela fait une éternité, parce que tellement de choses sont arrivées depuis.
C'était après qu'il ait donné à manger à une grande foule, qu'il nous ait laissés tous seuls sur le lac, qu'il soit venu nous rejoindre en marchant sur les vagues déchainées, et qu'il ait parlé de lui en disant que pour avoir la vie éternelle, c'était son corps qu'il faudrait manger, et son sang qu'il fallait boire.
Inutile de dire que cela avait fait des vagues; et que ceux qui étaient, jusque là, d'accord avec ses enseignements, étaient partis en haussant les épaules. Il nous avait alors demandé à nous, ses proches, si on allait l'abandonner nous aussi. Alors là, en moi une phrase s'est formée, une phrase que j'ai presque criée: une phrase qui disait: "Seigneur à qui irions nous, c'est toi qui a les paroles de la vie éternelle". Et la vie avait continué.
Et voilà qu'aujourd'hui, il nous attendait au bord du lac. Il nous avait prouvé qu'il était redevenu vivant et qu'il était bien comme je l'avais proclamé, le Saint de Dieu; mais malgré tout, rester à Jérusalem c'était dangereux, et on ne savait pas que faire. Et au fond de moi, je me disais que certes il m'avait dit qu'il ferait de moi un pêcheur d'hommes, mais être pêcheur de poisson, c'était peut-être plus facile. Je me disais que finalement, si on parlait de lui aux autres, il continuerait à vivre en nous. Mais malgré tout, quelque chose était comme fini; on se sentait abandonnés. Alors se retrouver entre amis, c'était bon.
On avait passé la nuit à pêcher, et rien. Et puis quelqu'un nous a dit de jeter le filet, et le filet s'est rempli. Et c'était un peu comme la multiplication des pains et des poissons. Et là, Jean a compris que cet homme qui nous avait interpellé, c'était notre Joshua. Je vous passe les détails, mais on a mangé de son poisson qui était en train de cuire, avec son pain à lui et notre poisson à nous. Et le temps était bon. Un peu le paradis…
Je me sentais comme la fiancée du Cantique des Cantiques, quand elle a trouvé celui que son cœur aime: là, on l'avait vraiment trouvé, retrouvé.
Et d'un coup, voilà qu'il me pose une question. Il me demande si je l'aime vraiment, si je l'aime plus que ceux qui sont là avec nous; je ne savais pas trop que lui dire. Oui je l'aime vraiment, oui je l'aime plus que mes amis de toujours, mais ce n'est pas facile de dire à quelqu'un qu'on l'aime. Lui, il l'a beaucoup dit ce mot là, je dirais même qu'il a conjugué ce verbe dans tous les sens; que ce mot il l'a employé, encore et encore. Il nous a laissé ce qu'il appelle son commandement, "nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimés"; mais moi, j'ai un peu de mal avec ça. Je suis un pêcheur et je ne sais pas trop exprimer mes sentiments. Alors j'ai juste dit, oui, je t'aime. A lui de comprendre ce que je mets en dessous. Et il m'a dit que je serai le berger de ses agneaux. Plus pêcheur; berger comme lui, qui avait dit qu'il était le berger et qu'il veillerait à ce que les brebis de son troupeau puissent entrer et sortir librement.
Et voilà qu'il me demande encore si je l'aime vraiment. Vraiment, pour de vrai.. Bien sur que je l'aime pour de vrai. Après tout, j'ai bien dit que je donnerais ma vie pour lui, et j'ai tranché l'oreille du serviteur du Grand-Prêtre (ce que je n'aurais jamais dû faire, parce que même si Jésus lui a rendu son oreille, moi, j'étais dans un sacré pétrin). Et là, je lui ai dit qu'il savait bien que je l'aimais, même si je ne sais pas bien le montrer. Et il m'a dit que je serai le pasteur de ses brebis. Pasteur, je me vois avec un bâton, et le troupeau qui me suit. C'est réconfortant. Et là j'étais heureux.
Mais il n'en n'est pas resté là.. Il me l'a encore demandé, si moi, Simon fils de Jean, je l'aimais. Cette fois-ci, c'était aimer tout court. Pas de "vraiment", pas de comparaison. Et là, ça m'a fait mal et je ne sais pas dire pourquoi. J'en avais les larmes aux yeux; j'ai presque eu du mal à lui répondre, que lui qui sait tout (et là je reconnais bien, en Lui , la présence de Celui qui l'habite, son Père qui sait tout), il le sait bien que je l'aime, même si je ne sais pas aimer comme lui il aime. Et là il me redit pour la troisième fois que je vais être le berger de ses brebis. Et je me doute bien qu'être le berger, cela veut dire qu'un jour je donnerai ma vie pour le troupeau, comme lui l'a fait. Et ça me fait un peu peur.
Pourtant, quelque chose s'était passé en moi. Bien sûr j'aurais aimé qu'il m'appelle par mon autre nom, le nom qu'il avait choisi pour moi, celui de Pierre. Mais c'est comme ça. Et au fond de moi, j'avais bien retrouvé celui que mon cœur aime, celui que mon cœur aime plus que mes amis, celui que mon cœur aime finalement plus que ma propre vie. Sauf que je sais que ma vie, si elle doit m'être enlevée à cause de son nom, ce ne sera pas moi qui déciderai de quoique ce soit. Adieu la fanfaronnade.
Et c'est là où je crois qu'il a lu quelque chose en moi; parce qu'il a parlé d'un futur, d'un futur où je serai vieux, d'un futur peut-être pas si lointain, où je ne serai plus le maitre de la situation, pouvant me conduire moi-même. Mais je sais bien que jour là, que ce jour où j'aurai apparemment tout perdu, c'est lui qui me mettra ma ceinture, c'est qui qui me prendra par la main; et c'est lui qui me prendra dans ce lieu où Il nous a préparé une place.
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