mardi, août 22, 2023

Mt 15, 21-28: la femme syro-phénicienne. 20° dimanche du temps ordinaire. Août 2023-

C'est cette guérison, en territoire non juif, qui est rapportée ce dimanche. Cet épisode est absent chez Luc. On le trouve donc chez Matthieu, Mt 15, 21-28 et chez Marc, Mc 7, 24-30, et comme souvent la rédaction de Marc est moins sèche que celle de Matthieu, même si celle de Matthieu est plus longue, car s'adressant essentiellement aux disciples. 

Lors de l'envoi en mission des apôtres, Jésus leur demande de ne pas aller en Samarie ni chez les nations païennes, mais de s'occuper des brebis perdues de la maison d'Israël. Cependant quand il y a des foules qui demandent des guérisons, Luc en tous les cas note qu'en plus des Galiléens, il y a des Judéens mais aussi des habitants de Tyr et de Sidon. Il semble bien que Jésus, dans cet épisode, passe d'une fin de non recevoir (il ne parle pas à la femme) à une écoute, comme si la simplicité de cette mère, qui se contentera des miettes  tombées sous la table, avait permis comme un changement en Jésus. Et c'est bien l'ouverture aux nations qui se dessine ici.


Matthieu 15, 22-28


Marc 7, 24-30

21 Partant de là, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.

 

 

24 En partant de là, Jésus se rendit dans le territoire de Tyr. Il était entré dans une maison, et il ne voulait pas qu’on le sache. Mais il ne put rester inaperçu :

 

 

22 Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. »

 

 

 

 

 

23 Mais il ne lui répondit pas un mot. Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »

 

24 Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »



25 Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! »

 

 

25 une femme entendit aussitôt parler de lui ; elle avait une petite fille possédée par un esprit impur ; elle vint se jeter à ses pieds.

26 Cette femme était païenne, syro-phénicienne de naissance, et elle lui demandait d’expulser le démon hors de sa fille.

 

26 Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »

27 Il lui disait : « Laisse d’abord les enfants se rassasier, car il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »

27 Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »

 

 

28 Mais elle lui répliqua : « Seigneur, les petits chiens, sous la table, mangent bien les miettes des petits enfants ! » Alors il lui dit :

 

 

28 Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

29 « À cause de cette parole, va : le démon est sorti de ta fille. »

 

30 Elle rentra à la maison, et elle trouva l’enfant étendue sur le lit : le démon était sorti d’elle.

 

 



Annalyse du texte.

 

21 En ce temps-là, partant de Génésareth, Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.

 

C'est au chapitre précédent Mt 14, 34, que Jésus est arrivé à Génésareth. Il est alors abordé par des pharisiens (début du chap 15), et c'est après une vive discussion sur le pur et l'impur que Jésus  se retire dans cette région, qui est au bord de la mer. Il semble bien que Jésus se mette en quelque sorte à l'abri. Il se retire, un peu comme la mer, au moment de la marée, se retire loin du rivage.

 

22 Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon. »

23 Mais il ne lui répondit pas un mot.

Les disciples s’approchèrent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »

 

Très brièvement Matthieu décrit la scène, qui est une fin de non-recevoir, sauf que la femme ne lâche pas prise. 

 

24 Jésus répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »

 C'est aux disciples que Jésus s'adresse. L'envoi en mission Mt 10, se termine par: 5 « Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes et n’entrez dans aucune ville des Samaritains. 6 Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël.» Le salut, du moins à ce moment-là, est seulement adressé aux juifs. 

 

25 Mais elle vint se prosterner devant lui en disant : « Seigneur, viens à mon secours ! »

La femme a donc entendu, et là il me semble qu'il se passe quelque chose en elle. Car elle ne crie plus, elle se prosterne, ce qui laisse à penser qu'elle voit en Jésus, bien plus qu'un simple thaumaturge et maintenant,  elle demande pour elle (ce qui se passera aussi pour le père de l'enfant épileptique). 

 

26 Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. »

27 Elle reprit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. »

Maintenant Jésus entend vraiment; il entre en relation avec cette femme, et lui adresse une sorte de remontrance, comme si elle volait quelque chose. Mais c'est là qu'elle raisonne autrement en lui démontrant que non, elle ne vole rien, mais que toute païenne qu'elle soit (petit chien), elle peut profiter de ce qui tombe de la table et qu'elle est prête à tout pour cela.

 

28 Jésus répondit : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

  Elle a vaincu le maître, qui ne peut pas refuser. Il commence par admirer sa foi, la foi d'une païenne, lui qui se heurte au manque de foi des pharisiens, lui dit simplement que ce qu'elle désire est accordé, mais il ne prononce aucun exorcisme, aucune parole, et de cela, la femme se contente. Elle part, certaine que da fille est sauvée. En cela, elle est admirable.

 En écoutant ce texte, et en essayant de faire un lien avec l'évangile du dix-neuvième dimanche du temps ordinaire, je me demandais si cette femme ne vit pas, comme nous aussi bien souvent, une tempête intérieure. Si on parle de possession c'est que cela a été brutal et que malgré tous ses efforts, malgré certainement des prières et des exorcismes, rien n'y a fait, et qu'elle ne sait plus que faire.  Et parfois ce nous arrive. En 2017, j'ai imaginé ce qui avait pu se passer pour elle, lors de cette rencontre, qui se passe mal   https://www.blogger.com/blog/post/edit/9807826/1459230267322686718   

Aujourd'hui, presque à mon corps défendant, j'ai voulu laisser parler un disciple, un de ces hommes qui va demander à Jésus de faire quelque chose pour cette femme, parce qu'elle leur casse les oreilles. Mais pour cela, il m'a fallu partir très en arrière. Cela me semblait nécessaire pour que cet épisode prenne son sens. 

 

Et si un disciple racontait… 

On en voit de toutes les couleurs avec le maître. Il y a peu il avait nourri une foule immense avec ce que nous avions prévu pour nous, qui n'était que cinq pains et deux poissons. Comment est-ce que cela a pu se faire, je ne le comprends pas, mais c'est un fait. Tous ont eu de quoi manger; de l'eau il y en avait sur place. Moi j'étais sûr que la foule allait s'emparer de lui et le proclamer roi à la place d'Hérode, mais il nous a demandé de ramasser ce qui restait, et cela faisait douze couffins remplis à ras bord, et de partir sur l'autre rive. J'aurai préféré rester avec lui, voir ce qui allait de passer, mais non, il n'a pas voulu.

  Quand il donne un ordre, on ne discute pas. Et nous nous avons passé une des pires nuits de notre vie, de ma vie. En pleine nuit, le vent s'est levé, un sale vent, un vent méchant, sournois, qui changeait sans arrêt de direction, comme pour nous narguer. Les nuages se sont amoncelés et nous ont caché la lune, et les vagues se sont mis à battre notre barque. Nous étions perdus. Si encore Jésus avait été là, il aurait pu faire quelque chose, mais non, nous étions seuls dans la tourmente. 

Et voilà que d'un coup, j'ai vu une sorte de silhouette se déplacer sur les vagues et s'approcher. J'ai bien cru que ma dernière heure était venue, que ce spectre allait nous prendre avec lui dans les eaux de la mort. Et j'ai crié. J'ai honte de le dire, mais c'est comme ça. Sauf que ce fantôme ce n'était pas un fantôme, mais notre Rabbi qui venait à notre aide. Il nous a parlé et j'ai bien reconnu le son de sa voix. Il nous a dit; confiance, c'est moi, n'ayez plus peur. Sauf que je continuais à ne pas être rassuré. 

 Si encore la tempête s'était calmée, mais non. Les vagues battaient toujours la barque. Et lui, il était à quelques encablures. Alors Pierre, notre Simon, a eu une drôle d'idée, un peu comme s'il doutait. Il lui a dit: si c'est bien toi, ordonne-moi de venir à toi, sur les flots. C'était quand même rudement risqué de demander ça. Et Jésus lui a dit de venir. Et là j'ai vu Pierre qui enjambait tant bien que mal le bord de la barque et qui se déplaçait sur l'eau. Je n'en croyais pas mes yeux, sauf que d'un coup, il a commencé à s'enfoncer. Il nous a dit que c'était arrivé parce que d'un coup en regardant à droite et à gauche et en voyant les vagues il avait été pris de panique. Je l'ai entendu crier au secours. Et Jésus l'a attrapé tant bien que mal, et ils sont montés tous les deux dans la barque. Simon n'était pas très fier de lui. Jésus, lui, n'a rien dit, mais le vent s'est calmé et là dans ce calme, nous avons compris que celui qui était avec nous était le maître du vent, le maître de la mer, le maître de la mort et nous nous sommes inclinés devant lui, lui l'homme rempli de Dieu. Et nous avons accosté. 

 Les gens nous ont reconnus et comme d'habitude le défilé des malades et des possédés a repris, et Jésus les a tous guéris. Vous vous rendez compte, tous. À aucun moment il n'a pensé à lui et à sa fatigue, et à la nuit précédente. Parce que lui, la nuit précédente, il l'avait passée à prier. Il nous l'a raconté un peu plus tard et il nous a raconté comment il avait renvoyé la foule.

 Un peu plus tard, il y a eu une attaque des pharisiens. Ils sont vraiment odieux ceux-là. Ils auraient dû être dans la barque avec nous, ils auraient compris qui est Jésus. Mais ceux-là ce sont de vrais teigneux, avec leur loi qui leur sort par les trous de leur nez.  Ils nous ont reproché de ne pas nous laver les mains avant de manger. D'une part c'est faux, et d'autre part, en quoi ça les regarde. Et Jésus ça l'a mis en colère. Enfin pas une vraie colère parce qu'il leur a quand même répondu, mais d'un ton pas aimable du tout, et il y avait de quoi. 

 Il a rétorqué qu'ils se servaient de la tradition ("les anciens" comme ils disent), pour faire dire n'importe quoi à la Loi de Moïse, la déformer à leur avantage. Il les a traités d'hypocrites, ce qu'ils sont et il a appelé ceux qui étaient là pour leur faire comprendre quelque chose que je n'ai pas trop compris, mais qui est sûrement important, sur le pur et sur l'impur. Dans notre loi, Moïse a été précis quand il parle des animaux que nous pouvons consommer et de ceux qui sont interdits, qui sont impurs. Là Jésus a dit que ce n'est pas ce qui entrait dans notre bouche, je pense qu'il veut dire ce que nous mangeons, qui rend impur. Sauf que dire cela c'est quand même énorme, mais que c'est ce qui sort de notre bouche, qui rend impur. Je pense que là ce sont les paroles méchantes, comme celles des pharisiens, la fois où ils ont osé affirmer que s'il chassait des démons c'est parce qu'il avait fait alliance avec Béelzéboul. Alors les pharisiens, contrairement à ce qu'ils imaginent, ils ne sont pas purs, eux qui passent leur temps dans des ablutions sans fin.

Naturellement les pharisiens ont été scandalisés, moi je dirais que ça les a rendus furieux. Il a ajouté qu'ils étaient comme des aveugles qui s'imaginent pouvoir guider d'autres aveugles. Pierre lui a demandé de nous expliquer ce qu'il voulait vraiment dire, parce que ça, le maître le fait toujours. Et là, j'ai été très content, parce que j'avais compris que ce qui rend impur ce sont les mauvaises pensées sortent de notre cœur, pas, les aliments. Youpi, je suis vraiment trop fort. 

 Et nous avons quitté cette région pas vraiment accueillante. L'idée, c'était de nous reposer un peu au bord de la mer, dans la région de Tyr et de Sidon. Sauf que cette région, elle est remplie de païens, et même de ces habitants qui possédaient tout le pays dans les temps lointains. Je pensais qu'on serait un peu tranquille, mais non. Une bonne femme est arrivée, une femme de ce pays impur. Elle hurlait, elle criait, elle lui demandait de guérir sa fille qui était possédée par un démon. Je crois qu'elle voulait le prendre par les sentiments en lui donnant du "Seigneur Fils de David". 

Et lui, il ne l'a pas regardée, pas écoutée, elle se répétait et lui ne disait rien. Et cela c'était très étonnant. Est-ce qu'il aurait perdu ses capacités de guérir dans ce pays qui appartient au mauvais? Moi, je n'aurais pas insisté, mais elle si. Et lui il faisait le sourd, sauf que nous, on ne supportait plus de l'entendre, surtout avec son drôle d'accent. L'un d'entre nous a même demandé à Jésus de lui dire de partir. Il a semblé nous entendre et il nous a dit qu'il n'avait été envoyé que pour les brebis perdues de la maison d'Israël. En fait il m'étonne un peu, parce que quand de grandes foules venaient se faire guérir,(1) il y avait des gens de toute la Galilée, mais aussi de Tyr et de Sidon; alors pourquoi là, faire une différence. Mais lui, il sait. Peut-être qu'il ne veut pas d'histoires, il y en a déjà bien assez ailleurs. Mais cela m'a étonné. 

 Alors là, la femme, elle m'en a bouché un coin. Je dirais même qu'elle ne manquait pas d'air, comme on dit, parce que cette phrase, qui était pour nous, elle s'en est servie pour elle. Elle a vu que Jésus nous parlait, elle s'est prosternée, comme nous dans la barque, et comme Pierre, elle lui a demandé de venir à son secours.  Je crois vraiment qu'elle était en train de se noyer, avec cette petite fille malade. 

Et là, le maître lui a adressé une remontrance: il lui a dit qu'il n'est pas bien de prendre le pain des enfants (je pense le pain que lui donne aux brebis affamées qui le suivent chez nous), et de le donner aux petits chiens. Là, petits chiens, je n'aurai pas aimé du tout qu'on me compare à un chien. C'est quand même injurieux. 

Mais ça ne lui a fait ni chaud, ni froid: il l'écoutait enfin; et elle a eu une réponse sidérante: elle lui a dit que les petits chiens, sous la table, mangent ce qui tombe de la table, et que cela ne prive personne. Jésus a été sidéré par cette réponse de bon sens, et il l'a félicitée pour sa foi, elle qui ne s'était pas laissée démonter; il lui a dit que sa foi était grande (et peut-être plus forte que la nôtre), et que tout allait se passer comme elle le voulait. 

 Ce qui est étonnant, c'est que lui n'a rien dit d'autre. Elle l'a regardé avec un sourire qui en disait long, et elle est partie. Elle est revenue un peu plus tard dire que sa fille était guérie, et dans ses yeux il y avait une lumière. Cette femme qui était comme éteinte était devenue vivante, et Jésus aussi était heureux. Cela faisait plaisir.

 Nous avons quitté le littoral et sommes revenus vers le pays qui est le nôtre. Et des guérisons il y en a eu, encore et encore. Quand comprendront-ils qu'au-delà du guérisseur, il y a cet Autre, celui qui vient au nom du Seigneur, celui qui est le Seigneur, celui qui apaise la tempête et qui donne en abondance. 

(1)  Marc 3, 8 et de la Judée, et de Jérusalem, et de l'Idumée, et d'au delà du Jourdain, et des environs de Tyr et de Sidon, une grande multitude, apprenant tout ce qu'il faisait, vint à lui.:

(2)  Lc 6, 17 Il descendit avec eux, et s'arrêta sur un plateau, où se trouvaient une foule de ses disciples et une multitude de peuple de toute la Judée, de Jérusalem, et de la contrée maritime de Tyr et de Sidon. Ils étaient venus pour l'entendre, et pour être guéris de leurs maladies.

 

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