mardi, août 29, 2023

Mc 6, 23-30 MARTYRE DE Jean Baptiste.

Mc 6, 23-30.  Martyr de Jean Baptiste. 28 Août 2023

 

Un peu étonnant ces fêtes de Jean le Baptiste qui ponctuent l'année. Ce texte de ce que l'on appelait autrefois la "décollation" a déjà été raconté par deux personnes: Le garde qui assiste à la fête donnée en l'honneur d'Hérode, qui est de service et qui certainement a dû le regretter (https://giboulee.blogspot.com/2019/02/la-mort-de-jean-le-baptiser-mc-6-14-29.html); la jeune fille qui a demandé, la tête de Jean: https://giboulee.blogspot.com/2022/02/mc-6-14-29-la-jeune-fille-rentra-dans.html

Je pensais avoir fait un peu le tour de la question, mais Hérode là-dedans? Après tout, c'est quand même lui l'auteur du meurtre, même s'il s'est fait manipuler. Comment sortir de l'engrenage du mal?

 

Réflexions: le rôle du prophète.

 

Plusieurs choses m'ont frappée dans ce récit. La première étant le rôle et la place du prophète; et prendre la place de prophète, ce n'est pas une sinécure, cela engage. On peut bien voir ce qui se passe avec Jérémie, jeté dans sa citerne, ou comme le rappelle Jésus, ce qui est advenu à Zacharie. A la limite, comme on le lit au début de l'évangile de Matthieu,  appeler à la conversion c'est une chose, même si on ajoute que le royaume de Dieu est tout proche. Cela peut être entendu comme un message d'alerte: Le tout Puissant va se manifester, la fin du monde est proche, pour sauver votre peau convertissez- vous. Et Jean a été entendu. Mais passer, de là, à s'en prendre au roi, c'est autre chose. Dire à un puissant qu'il n'a pas le droit de faire ce qu'il fait, c'est plus que risqué; mais c'est aussi la fonction du prophète, comme cela sera celle des successeurs de Jésus, si je me réfère aux épitres pastorales - par exemple Ti 2,15 :

  "Dis ces choses, exhorte, reprends, avec une pleine autorité". Et faire cela c'est toujours prendre un risque. Le prophète Elie ne semble pas avoir tellement parlé au peuple, mais par contre les dialogues que nous avons sont avec le roi Achab; et là Jean fait de même. 

 

Si on relit les derniers chapitres de l'évangile de Matthieu (lecture suivie de semaine) dans le chapitre 23 on peut dire que Jésus fait de même avec les puissants de son temps, à savoir les scribes et les pharisiens. Jésus est bien, aussi, un prophète qui dénonce.

 

 Donc Jean prend un risque. Et il se retrouve en prison. Sauf que l'attitude d'Hérode est curieuse. Il s'agit de faire taire, pas de tuer; alors que pour Hérodiade il s'agit (comme c'est le cas avec Jézabel) de le faire disparaître définitivement, et pour cela tous les moyens sont bons. C'est aussi ce qui se passera avec Jésus: il faut faire taire. En ce sens on peut bien dire que Jean est le dernier des prophètes: il est un précurseur, et il n'est pas mort à cause de Jésus, mais de sa fidélité à son Dieu. 

 

Une question se pose aussi: cette arrestation n'est-elle pas plus l'œuvre d'Hérodiade que d'Hérode? Dans la mesure où ce dernier, dans ce texte, est présenté comme un être faible (il voudrait mettre à mort, mais il n'ose pas, et quand il fait venir Jean, il découvre un homme intelligent, qui lui montre ses fautes, et curieusement, il prend plaisir à l'écouter, ce qui permet de penser que ce qui va se passer ensuite est à l'opposé de son désir. 

 

Une question qui se pose à moi, est aussi la suivante: quand le mal est commis devant soi, comment s'y opposer? Est-ce que Salomé aurait pu s'opposer à sa mère? Est-ce que les convives auraient pu dire non, malgré le serment du roi? Cela reste une vraie question qui nous concerne tous. 

 

Le texte

  

17 En ce temps-là, Hérode avait donné l’ordre d’arrêter Jean le Baptiste et de l’enchaîner dans la prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, que lui-même avait prise pour épouse.

18 En effet, Jean lui disait : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. »

 

Jean est dans son rôle de prophète; pas de témoin du Christ. On nous dit qu'il est enchaîné, entravé, lui qui prêchait la libération par la conversion. Mais il reçoit des disciples, puisque l'on sait qu'il les envoie demander à Jésus si ce dernier est bien celui qui doit venir.

 

19 Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mourir. Mais elle n’y arrivait pas

20 parce que Hérode avait peur de Jean : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.

 

On peut imaginer qu'elle a essayé de le faire périr dans sa prison, mais que cela a été démasqué et déjoué. Elle fait un peu penser à Jézabel. Pourquoi Hérode a-t-il peur de Jean? Un reste de conscience? Ou peur qu'il ne lui jette une malédiction? Il y aurait aussi la réaction du peuple, de tous ceux qui ont entendu Jean et le considèrent comme le successeur d'Elie. Peut-on tuer un homme de Dieu, qui a prêché la conversion et qui y a réussi?  Est-ce que cela ne va pas provoquer une émeute? 

 

Très ambivalent, Hérode, là. Il a peur de Jean: de la parole de Jean. D'autant qu'il sait que ce qu'il a fait c'est mal. Mais en même temps, il ne rompt pas le dialogue. Peut-être veut-il lui faire comprendre le pourquoi de son choix. On peut se demander aussi si ce n'est pas le choix d'Hérodiade, qui s'est imposée à lui, par arrivisme personnel.

 

21 Or, une occasion favorable se présenta quand, le jour de son anniversaire, Hérode fit un dîner pour ses dignitaires, pour les chefs de l’armée et pour les notables de la Galilée.

22 La fille d’Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai. »

 

C'est un plan bien élaboré. Hérodiade attend qu'il soit bien enviné, bien gris, donc qu'il perde son contrôle. C'est alors qu'elle lui envoie une danseuse bien particulière, sa propre fille, une fille de roi. Et elle sait bien que cela va lui faire encore plus tourner la tête. Elle n'est pas une danseuse quelconque. Et cela va bien fonctionner. 

 

23 Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c’est la moitié de mon royaume. »

24 Elle sortit alors pour dire à sa mère : « Qu’est-ce que je vais demander ? » Hérodiade répondit : « La tête de Jean, celui qui baptise. »

 

Et effectivement, il voit la jeune fille, veut la conquérir en lui donnant ce qu'elle veut (l'acheter). Enfin là c'est ce que je peux imaginer. Sauf que se faire la fille de sa femme, fille qui est aussi sa nièce, c'est interdit. Mais ce qui va lui être demandé n'est pas du tout conforme à ce qu'il avait imaginé.

 

25 Aussitôt la jeune fille s’empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : « Je veux que, tout de suite, tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. »

26 Le roi fut vivement contrarié ; mais à cause du serment et des convives, il ne voulut pas lui opposer un refus.

 

On trouve le aussitôt chez Marc. Une fois de plus ça ne traîne pas. On est dans l'immédiat, dans le présent. On voit que la présence des convives complique les choses. Et du coup, on peut se demander si certains convives auraient pu s'y opposer? Mais ce sont pour un certain nombre des militaires, alors la vie d'un homme, que représente-t-elle pour eux?  Et s'opposer à Hérode, ce serait prendre un trop grand risque, en tous les cas pour les dignitaires.

 

27 Aussitôt il envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde s’en alla décapiter Jean dans la prison.

28 Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.

 

Pauvre garde qui ne devait pas s'attendre à finir la soirée de cette manière. 

Pauvre fille manipulée par sa mère, et qui ne sait pas s'opposer à elle. Recevoir la tête d'un homme mort, quelle fin de fête. 

Que le roi soit dessaoulé d'un coup, et contrarié, ça on veut bien le comprendre. Cela passe de la fête à l'horreur, de la vie à la mort. Et c'est la mort du prophète. 

 

29 Ayant appris cela, les disciples de Jean vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau.

 

On a donc normalement un corps sans tête, contrairement au corps de Jésus qui lui sera entier, et dont aucun os n'aura été brisé.

 

 

Hérode raconte.

 

Comment a-t-elle pu me faire ça? Elle, c'est Hérodiade, la femme de mon frère Philippe qui est devenue mienne. Enfin je ne sais plus trop si c'est mon choix, parce que je la trouvais trop bien pour mon frère, ou si c'est elle, qui trouve plus avantageux d'être avec moi, parce qu'avec le territoire que j'administre, je suis bien plus près du pouvoir romain que mon frère. 

 

Elle m'a poussée à faire emprisonner Jean le prophète, celui qui baptise sur les bords du Jourdain. Il faut dire qu'il vitupérait contre moi en disant que je n'avais pas le droit de faire ce que j'ai fait. Mais il peut dire ce qu'il veut, je ne changerai pas, car Hérodiade m'est précieuse. 

Je l'ai donc fait emprisonner et enchaîner dans ma prison. Mais comme je la connais, ma femme, il y a mes gardes qui veillent, car je ne veux pas qu'il soit tué par elle. Cela monterait tout le peuple contre moi, qui me détesterait encore plus; Jean est homme juste, je dois dire que certes j'aimerais bien qu'il disparaisse, mais je prends plaisir à l'écouter quand je le fais sortir de sa prison de temps en temps. 

 

Il a des disciples qui viennent le voir, cela je ne peux pas l'empêcher. Du temps a passé, il me semblait qu'Hérodiade, qui ne me parlait plus de Jean, avait pris son parti. J'aurai dû me méfier, elle ne lâche rien et tout ce qui s'oppose à elle, elle le supprime d'une manière ou d'une autre. 

 

Est arrivé le jour de mon anniversaire. Comme chaque année, je reçois tous les dignitaires, les chefs de mon armée et les notables de Galilée. Il parait qu'en Galilée il y a un jeune prophète, qui commence à faire parler de lui. Il faudra que je fasse enquêter davantage sur lui. Je sais que lui et les pharisiens ce n'est pas le grand amour et que beaucoup voient en lui comme un fils spirituel de Jean.

 

Comme tous les ans, le vin a coulé à flot et nous avons tous bu à ma santé. 

 

Alors, Salomé, la fille d'Hérodiade est entrée. Qu'elle est belle avec sa jeunesse, sa naïveté, sa candeur. Elle s'est mise à danser et tous nous n'avions d'yeux que pour elle. J'étais comblé et quand la danse s'est arrêtée, j'ai fait le serment de lui donner tout ce qu'elle me demanderait, même la moitié de mon royaume. Enfin, je ne sais plus trop ce que j'avais promis, parce que malgré tout, j'avais le cerveau bien embrumé.

 

Elle est alors sortie pour demander à sa mère ce qu'elle allait me soutirer; là j'aurais dû me méfier, pourquoi demander à sa mère. Une jeune fille, cela aime les bijoux, les pierres précieuses, les vêtements, de nouveaux esclaves. Elle n'a pas besoin de consulter sa mère pour cela. 

 

Elle est revenue et m'a dit qu'elle voulait la tête de Jean, sur un plat. 

 

Alors un silence de mort s'est abattu sur la salle. Seulement je m'étais engagé par serment et un serment est un serment. Ne raconte-t-on pas l'histoire de Jephté qui s'était engagé par serment à offrir à Dieu pour le remercier de sa victoire, le premier être vivant (animal ou homme) qui passerait le seuil de sa porte. Il ne pouvait pas imaginer que ce serait sa propre fille, et il a dû pour ne pas rompre son serment la donner au Seigneur. 

 

Si encore les hommes qui étaient là avaient osé réagir, peut-être que j'aurais pu, mais je suis assez lâche et je n'ai pas osé, et j'ai envoyé un garde trancher la tête de Jean et la donner ensuite à la jeune fille. Je n'osais pas la regarder. Comment avait-elle pu me demander cela? Et nous avons passé un certain temps tous silencieux. 

 

Le garde est revenu avec la tête de Jean. Quelle horreur et comment une jeune fille peut-elle regarder cela. Elle est sortie avec la tête, et moi je n'ai plus jamais voulu la voir; et je le lui ai fait savoir. 

 

Je sais que les disciples de Jean, sont venu prendre son corps pour lui donner une sépulture. Est-ce que la tête leur a été rendue? Je le souhaite. 

 

Mais l'amertume est en moi. J'ai fait le mal, pour une fois à mon corps défendant. 

J'espère que le prophète de Galilée ne va pas s'y mettre lui aussi, qu'il ne va pas remplacer Jean le baptiseur. Il est virulent contre les pharisiens qui lui en veulent pour son succès auprès des exclus. Mais moi, le roi, ne suis-je pas aussi un exclu, je suis tout seul avec l'héritage de mon père qui pèse sur moi, car on me compare sans cesse à lui. Bon, me voilà à m'apitoyer sur moi-même. Peut-être que ce Jésus, il faudrait que je le rencontre, pour me rendre compte par moi-même s'il est aussi dangereux que Jean le baptiseur.

 

Hérodiade a tout combiné, tout arrangé. Peut-être qu'elle a fait œuvre utile, mais me manipuler, moi le roi, ça, je ne lui pardonnerai jamais. 

 

  

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