samedi, février 09, 2019

La mort de Jean le Baptiseur - Mc 6,14-29


La mort de Jean le Baptiste revient fréquemment dans la liturgie, et elle est rapportée dans les synoptiques. Marc utilise dans son récit la renommée grandissante de Jésus, pour la comparer à celle de Jean. Or Jean a été mis à mort par Hérode, et celui-ci peut se demander comment ce nouveau prophète va agir vis à vis de lui. Jusque là Jésus ne s'en prend pas au pouvoir politique, mais sait-on jamais. 

On sait par les autres synoptiques que Jean-Baptiste, de sa prison, avait envoyé des messagers à Jésus pour savoir si celui-ci est bien le Messie; la réponse de Jésus avait été que Jean est "cet Elie qui doit revenir", réponse étonnante quand on sait que Jean a été décapité. Pourtant certains, dont Hérode se demandent ensuite si Jean est ressuscité dans Jésus; ce qui est quand même une drôle de croyance, mais qui montre qu'Hérode n'a pas du tout la conscience tranquille et qu'il craint que ce Jésus, comme Jean, ne vienne lui reprocher son mariage incestueux avec sa nièce Hérodiade, femme de son frère Philippe, qui s'est séparée de ce dernier pour vivre avec Hérode -  qui est un meilleur parti. 

Si Jean est Elie, alors Hérodiade est d'une certaine manière une nouvelle Jézabel, qui obtient ce qu'elle veut par le meurtre. Avoir la tête de quelqu'un montre bien la haine, et le désir de se débarrasser d'une personne gênante une bonne fois pour toutes. Tant que Jean est vivant, Hérodiade n'est pas tranquille, puisque Hérode le fait chercher dans sa prison pour parler avec lui; Hérode est un homme de compromis. 

Le récit de cette mort, nous l'écoutons sans sourciller parce que nous y sommes habitués. Mais décapiter un homme, à froid si je puis dire, porter sa tête sur un plat, ce qui est digne des tragédies grecques, cela fait froid dans le dos. 

Est-ce que l'Esprit Saint - qui parle à Jean, et lui a fait comprendre que l'homme qu'il a baptisé est celui qu'on attend -, le prévient et le prépare à ce qui va lui arriver? Rien n'est moins sûr. Et ce qui se passe là est un récit d'exécution politique. 

Si on se réfère à la Bible, il y a Judith qui tranche la tête d'Holopherne en abattant le tranchant d'une épée sur la nuque de sa victime. Mais pour Jean-Baptiste il s'agit d'un soldat. Et ce soldat, comment peut-être vivre ce crime qu'on lui demande de commettre au nom de son obéissance? A-t-il pu entrer dans la cellule, et donner soit un coup de hache soit un coup d'épée comme cela, à froid, sur un homme qu'il pouvait estimer et respecter? Sans rien dire, sans rien ressentir? 

Je ne sais pas comment les hommes lisent ce récit et l'imaginent, mais avec ma sensibilité, j'ai voulu essayer de mettre des mots dans la bouche de ce garde, qui a été obligé en pleine nuit, ou au petit matin, d'exécuter un saint homme; de manière à ce que ce récit, que nous lisons sans trop y faire attention, reprenne un peu sa dramaturgie. 


Le garde qui a reçu l'ordre d'exécuter Jean raconte

Si j'avais su, j'aurais inventé quelque chose pour ne pas être de service ce soir là! Je suis un des gardes du roi Hérode. Ce devait être un repas d'anniversaire, avec les dignitaires, certains de ses amis. Ces repas sont bien arrosés, si je puis dire. C'est normal. Et quand ces messieurs sont bien imbibés, on ne sait jamais ce qu'ils peuvent faire. 

C'était un repas normal en somme. Et puis Salomé, la fille d'Hérodiade, est entrée. Hérodiade, c'est la femme du roi Philippe, mais elle a quitté Philippe pour vivre avec Hérode; et cela Jean, celui qui baptisait sur les bords du Jourdain, le lui a reproché haut et fort. Comme Elie, il s'est attaqué au pouvoir royal, et cette nouvelle Jézabel lui en veut à mort. Elle est est remplie de haine pour ce saint homme (il se nourrissait de sauterelles, il portait une peau d'animal, et il prêchait la conversion pour tout le peuple). Elle voudrait qu'il disparaisse, qu'il se taise, mais le roi ne le veut pas. Le roi, souvent, fait sortir Jean de sa prison, et il l'écoute; il aime l'écouter. 

Je crois que tout ça, c'était une idée d'Hérodiade, car elle sait bien qu'un homme ivre est incapable de résister à la danse d'une aussi jolie fille. Et le roi, qui comme je l'ai dit avait beaucoup bu, lui a dit de demander tout ce qu'elle voulait, même si c'était la moitié de son royaume. Là, je savais qu'il disait un peu n'importe quoi, parce que son royaume, il le doit aux Romains, alors il ne peut pas en faire ce qu'il veut. Comme elle ne savait pas trop que demander, elle est allée voir sa mère. C'est là où j'ai vraiment compris que c'était bien un plan d' Hérodiade. Et cette mauvaise femme a demandé la tête de Jean. 

Quand la jeune fille est revenue dans la grande salle, personne ne s'attendait à une telle demande. On pensait qu'elle demanderait des bijoux, ou de nouveaux esclaves. Mais elle a demandé que la tête de Jean lui soit apportée sur un plat. 

Quand j'ai entendu cela, j'ai eu froid dans le dos. Comment pouvait-on avoir autant de haine pour quelqu'un. 

Mais le pire c'est que le roi m'a donné l'ordre de décapiter Jean.

Bien que je sois un homme aguerri, tuer un homme, tuer un saint homme, j'ai eu peur; et j'ai eu envie de fuir. Mais si je refuse, je sais que ma famille sera passée au fil de l'épée. 

Alors je suis allé dans la prison. Je suis entré dans le cachot. Et il m'a regardé, et je l'ai regardé. Je ne pouvais pas l'égorger, ni le frapper à la nuque par derrière. Ce n'était pas possible. Alors je l'ai étranglé, et ce n'est qu'ensuite que j'ai coupé sa tête. J'en fais encore des cauchemars, même quand je ne dors pas. Je me vois avec mon glaive en train de détacher la tête de son cou. C'est affreux. 

J'ai posé la tête sur un plat, c'est un autre que moi qui a remonté la tête pour la donner à la jeune Salomée qui l'a remise à sa mère. J'espère que cette femme ira brûler dans la géhenne de feu. 

Je ne suis pas revenu dans la salle du festin, d'ailleurs tous étaient plus ou moins dégrisés. Je suis allé prévenir les disciples de Jean pour qu'ils prennent le corps et qu'ils lui donnent une sépulture.  

Et je vis avec cet acte qui m'a été imposé. Je sais qu'il y a ce Jésus, qui annonce lui aussi le royaume. Je sais qu'il a dit à un paralysé que ses péchés étaient pardonnés. Alors je vais aller le trouver pour qu'il me pardonne ce péché, pour qu'il me prenne comme disciple. Je ne veux plus être garde, je ne veux plus  être sous les ordres de fous.

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