lundi, février 18, 2019

Les béatitudes dans l'évangile de Luc: Lc 6, 17, 20-26

Ce texte est présenté pour le  6°  dimanche du temps ordinaire de l'année C.

Comme souvent il est un peu tronqué. Je veux dire que si on reprend le récit dans son contexte - sans faire le saut entre le verset 17 et le verset 20, et surtout si on regarde ce qui s'est passé avant, on a une meilleure compréhension du texte. En effet dans ce chapitre on trouve, juste avant, l'appel et le choix des apôtres; c'est avec eux que Jésus redescend de la montagne, qu'il voit une grande foule, venue de Judée, de Jérusalem et du littoral de Tyr et de Sidon (pays païen par définition); ce qui montre bien l'universalisme de Jésus. Ces gens sont là, ils l'attendent. Et Jésus répond à leur demande. Il expulse les esprits mauvais, donc il délivre, il rend libre. Il guérit les malades, il donne donc la joie; et lui qui est le pur, il accepte d'être touché. Pour lui, il n'y a pas de purs et d'impurs. Et je me disais que cette foule qui est venue dans la tristesse, elle repart dans la joie (ce qui est différent du bonheur). Les pauvres, les petits, ont été comblés; et cela, cette abondance, c'est la marque de Dieu, qui donne en plénitude.

Puis il s'adresse à ses disciples (pas à la foule); à ceux qui l'ont choisi, et que lui vient de choisir. Je pense que mettre ces versets sous forme de tableau montre mieux le contraste entre ceux qui sont appelés ou qui ont choisi de le suivre et les autres. Mais j'y reviendrai.

« Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous. 

21 Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. 

Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.


22 Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. 

23 Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes
24 Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! 

25 Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! 

Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! 


26 Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! 





C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes


 On parle toujours des différences entre les Béatitudes données par Matthieu et celles-ci, qui semblent beaucoup (ou encore plus) radicales. 

Mais ce matin, en pensant à ces phrases, je me disais que Luc a été, si je puis dire, l'historiographe de Paul: et que tout ce qu'il écrit ci-dessus s'applique absolument à ce dernier. Paul est un exemple: il montre comment celui qui a choisi de vivre en imitant le Christ, le Christ crucifié et ressuscité, devient un frère de Jésus, un Fils de Dieu, et qu'en cela, il est heureux. Et peut-être que Luc, en rapportant ces paroles, pensait à celui qu'il avait accompagné pendant des années. 

Alors je relis ces versets en pensant à ce que fut la vie de Paul.

Paul s'est toujours présenté comme un pauvre, travaillant de ses mains, ne demandant rien, mais qui a été accueilli quand il était malade, et qui a fait l'expérience de la dépendance totale, car c'est de cela dont il est question. Et cette pauvreté là, qui ne magnifie pas la pauvreté en tant que telle mais une manière de vivre, oui, elle rend heureux.  Pauvre oui, mais riche de la présence du Christ en lui.

Paul, parle souvent des larmes qu'il verse pour ses communautés, quand elles s'écartent de l'évangile qu'il leur a apporté. Et ces larmes là, il m'arrive de les verser aussi quand je me rends compte combien Dieu est devenu l'absent de notre société. 

Oui, on peut verser ces larmes là, qui ne sont pas liées au chagrin de la perte d'un être cher (encore que là, je puisse me dire que le fait que L'Amour du Christ ne soit même pas rejeté, mais annulé, c'est quelque chose que je ressens comme une perte pour notre humanité). Alors oui, je pense que dans la foi, on peut être consolé. Et dans consolé, je ne vois pas seulement le côté affectif, mais le don de consolation apporté par l'Esprit Saint, qui est cette consolation qui fait sortir d'une sorte de honte d'avoir aussi laissé faire.

Paul a été haï, rejeté, insulté, et cela se trouve surtout dans les Actes. Il ne l'a pas fait pour que son nom soit inscrit dans les cieux, mais pour ne pas être séparé de celui en qui il a mis sa foi et dont il partage ainsi les souffrances. Et Paul parle bien de la joie qui est en lui, lui qui est crucifié avec Jésus.

Je pense que la lecture des épitres de Paul peut beaucoup aider à la compréhension de ces Béatitudes. Je sais que souvent, quand Paul dit que nous devons l'imiter, je trouve qu'il exagère un peu, mais au fond, je dois reconnaître qu'il a raison. Car ce n'est pas lui qu'il faut imiter, mais celui qui est en lui et en nous. 

Quant à la seconde partie, je me dis que malgré tout, à l'époque de Jésus, on considère que ceux qui réussissent, qui ont une longue vie, qui ont leurs greniers bien remplis, c'est parce qu'ils ont choisi de vivre selon les préceptes et commandements de la Tora, donc qu'ils sont des justes. 

Or là, Jésus renverse tout ça, et fait peut-être comprendre à ceux qui se croient des purs (et c'est si facile de se croire pur quand on essaie de prendre au sérieux ce qui est demandé) qu'ils se trompent, que ce n'est pas comme cela que l'on rentre dans le royaume. 

Et que pour y entrer il faut, comme le dit Matthieu, avoir un coeur de pauvre, un coeur qui est dans la dépendance et qui s'ouvre petit à petit.

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