Quand je lis un évangile, j'aime me laisser surprendre par un mot, voire une phrase. bien entendu, cela n'arrive pas toujours, mais quand cela arrive, c'est pour moi l'occasion de redécouvrir le texte, de l'interroger et de me laisser interroger par lui. C'est ce qui s'est passé, avec ce texte de la première multiplication des pains.
J'ai déjà écrit un certains nombre de textes sur cette périscope et sur la suivante. Voici les liens.
https://giboulee.blogspot.com/2024/02/mc-6-30-46jesus-et-ses-disciples.html
https://giboulee.blogspot.com/2022/01/marc-6-34-44-temps-apres-lepiphanie.html
https://giboulee.blogspot.com/search?q=marc+6%2C+tempête+apaiséee
https://giboulee.blogspot.com/search?q=Bénédiction
Commenter un évangile, ou même le faire raconter en suivant le plus possible à la lettre le texte évangélique, reste un peu une gageure, car beaucoup des faits et gestes de Jésus, n'ont pas été compris par les disciples de son vivant. Ils n'ont pris sens qu'après la résurrection et surtout après la Pentecôte.
Par exemple Marc conclue la péricope sur la tempête apaisée, par une phrase assez étrange: " ils n'avaient rien compris au sujet des pains car leur cœur était endurci.". Je dois dire que spontanément, je n'aurai pas mis cœur au singulier mais au pluriel.
Or le cœur endurci, cela caractérise en particulier pharaon, qui malgré les signes donnés par Moïse, refuse de laisser partir le peuple hébreu, et qui refuse de voir la puissance de ce Dieu qu'il ne connaît pas, mais qui se permet de lui donner des ordres, à lui, qui se prend pour un Dieu.
Le cœur endurci, cela sera beaucoup reproché par les prophètes, et cela mettra bien souvent le Seigneur en colère.
L'endurcissement, l'aveuglement, le refus de voir, c'est finalement ce que Jésus, reprochera aux pharisiens dans l'évangile de Jean.
Pourquoi à ce moment-là n'ont-ils pas pu reconnaitre, voir dans ces deux évènements, à savoir cette multiplication des pains, et la marche sur les eaux, que leur Rabbi est bien le Fils de Dieu.
Pourtant le pain, ils l'avaient distribué. Pourtant la tempête avait cessée dès que Jésus était monté dans la barque. Mais que pouvaient-ils comprendre, eux qui avaient attendu vainement que leur Rabbi passe enfin un peu de temps avec eux et qui venaient de vivre une grande frayeur? Et nous?Est ce que nous comprenons toujours qu'il est là, avec nous, dans les pires moments? Ce n'est pas si sûr.
Ce qui m'a frappée dans ces versets de Marc, Mc 6, 27-44 c'est ce que Jésus dit à ses disciples quand ces derniers lui suggèrent fermement de renvoyer la foule. Il y a à la fois, donnez vous-même à manger, ce qui fait réagir vigoureusement les disciples, et l'ordre d'aller voir, ce qui existe, ce qui est présent pour se nourrir.
Je dois dire que je chéris l'idée comme quoi, une partie des pains, a été apportée par les disciples quand Jésus leur a dit de prendre la barque pour se reposer dans un endroit calme, au bord du lac. J'aime cette idée, parce que le pain qu'ils vont donner, c'est leur pain, celui qu'ils avaient réservé pour eux, et qui est donné à tous. N'est-ce pas ce qui se passe à chaque eucharistie, quand le prêtre bénit, fractionne prend ce pain et nous en donne?
L'autre idée que je chéris aussi, c'est que pour que Jésus puisse donner à tous, il a besoin d'un petit quelque chose, et de ce " petit " quelque chose, il va faire un " grand "quelque chose. Il a besoin qu'on lui donne quelque chose qui a de la valeur pour nous, même si c'est un tout petit quelque chose, et il nous le rend, multiplié, transformé. Nos petits dons si dérisoires soient-ils, sont important.
Dans la deuxième partie, Jésus va se révéler autre, il est celui qui est plus fort que la tempête, celui qui marche sur les flots, et il révèle qui il est , il révèle pleinement sa divinité,
Mais pour les disciples, c'est trop tôt, ils restent dans la peur, dans la stupeur. Qui est-il celui-là que les flots et la mer lui obéissent, dira un autre évangéliste.
"Combien de pains avez-vous, allez voir. ".
Dans cette péricope, Jésus demande combien de pains ils ont. S'agit-il du pain que les disciples avaient pris pour ce temps de repos, ou du pain que d'autres peuvent avoir. C'est le "allez voir ", qui est un peu étonnant. Mais j'aime à imaginer que c'est ce qu'ils avaient prévu pour eux qui va servir pour tous, et il est bon qu'ils apprennent à distribuer ce qui est à eux. Ils reviennent de mission, ils ont découvert la force qui est en eux et qui a été déléguée, ils ont enseigné et ils ont guéri et maintenant ils nourrissent. Les disciples apprennent là, qu'ils ont aussi cette mission, de s'occuper du corps de ceux qui font église, de le nourrir ce corps, d'en prendre soin.
Pour raconter ce texte, j'ai choisi Philippe, parce qu'il est question de Bethsaïde par la suite. Mais je ne sais pourquoi, j'aurais aimé que pour cette première mission, il fasse route avec Judas, et que tous les deux expérimentent le don qui leur a été fait, et ce juste après que Jean le baptiseur ait été mis à mort.
i
Philippe raconte.
Il nous avait envoyé proclamer la bonne nouvelle, un peu partout en Galilée. C'était la première fois qu'il nous envoyait ainsi. Il nous avait donné tout pouvoir sur les esprits impurs. Il nous avait envoyé deux par deux, et là, je dois dire que c'était une bonne chose, parce que tout seul, en tous les cas moi, je n'y serai pas arrivé. L'annonce de la mort de Jean nous avait choquée, est-ce que notre maître allait subir le même sort, et nous? Bref, nous n'étions pas très rassurés quand il nous a envoyés.
Il avait aussi voulu que nous ne prenions rien avec nous, rien qui aurait pu nous rendre alourdir, pas de tunique de rechange, pas d'argent (et ça je n'ai pas aimé), pas de pain, juste un bâton et nos sandales. J'avais un peu l'impression d'être tout nu, d'être complètement dépendants de ceux qui nous allions rencontrés, de l'hospitalité qui nous serait offerte. Je ne sais pas si lui, qui n'a jamais rien que son manteau et sa tunique se sent ainsi, dépendant du bon vouloir ou de l'accueil des autres, mais pour moi, cela n'a pas été facile, ni d'ailleurs pour mon compagnon. Et puis nous avions un peu peur. Allions nous être à la hauteur? Allions nous être capables de parler, d'annoncer, de l'annoncer?
Et nous avons découvert le pouvoir qu'il nous avait transmis, et cela c'était extraordinaire. J'avais l'impression d'être un peu lui .J'ai chassé des démons, j'ai guéri des malades mais là pas comme lui. Lui il chasse la maladie, moi, comme nous le faisons depuis toujours, je me suis servi des onctions d'huile. Et beaucoup ont été guéri par cette onction et par la prière.
Puis nous sommes rentrés, heureux comme des rois, heureux comme des princes mais fatigués, et je dirai même affamés.
En arrivant à Capharnaüm, il était là, mais la maison ne désemplissait pas de personnes qui voulaient l'écouter, qui voulaient le toucher. Il n'avait même pas le temps de manger, c'est pour dire. Alors il nous a dit de préparer la barque, pour aller dans cet endroit ombragé au bord du lac, cet endroit un peu à l'écart, cet endroit que nous lui avons fait découvrir et qu'il aime bien. Mais cet endroit n'est pas loin de la ville, alors quand nous sommes arrivés, l'endroit n'était plus du tout désert. Il y avait plein, plein de monde.
Quand le Maître les a vu, il ne s'est plus occupé de nous, il s'est occupé d'eux. Il était comme un berger qui trouve son troupeau qui a été dispersé. Et il s'est mis à leur parler comme il sait le faire, avec des mots simples, des phrases simples, et ils étaient là, suspendus à ses lèvres. Et le temps passait, mais lui ne s'en rendit pas compte. C'est toujours comme cela avec lui.
Finalement, je dois dire que nous en avions un peu assez de l'attendre. Alors deux d'entre nous, dont moi, sommes allés le voir pour lui demander de renvoyer la foule.
Mais je savais que nous ne pouvions pas dire les choses brutalement, qu'il n'aurait pas apprécié. Nous lui avons fait remarquer qu'il se faisait tard, que la nuit n'allait pas tarder à tomber et qu'il fallait que la foule se disperse pour aller dans les villages acheter à manger. Bref faire appel à son cœur.
Et là, sa réponse nous a littéralement coupé le souffle. Il nous a dit que c'était à nous de leur donner à manger. Vraiment n'importe quoi.
Il ne se rend pas compte, pour trouver assez de pain pour tout le monde, il faudrait au moins le salaire de deux cents journées de travail. Et ça nous n'en avions pas la moindre drachme. Leur donner à manger, impossible.
Et pourtant du pain nous en avions, et je pense qu'il y en avait un peu par ci par là. Des femmes avaient bien dû y penser. C'étaient ces pains-là, nos pains qu'ils voulait, le pain qui était là. Nous avions en tout et pour tout sept pains et deux poissons. Dérisoire pour tant de monde.
Il nous a demandé de faire asseoir la foule par groupes de cinquante ou cent. Je dois dire que c'était presque beau de les voir ainsi rassemblés, un peu comme à la synagogue.
Il a pris les pains il a levé les yeux vers le ciel, il a béni cette nourriture en remerciant le très Haut, il a rompu les pains et nous a dit de distribuer à tous. Il a fait pareil pour les poissons.
Et il y en a eu en abondance. Ne me demandez pas comment. Et nous avons distribué, donné, donné, et tous en ont eu, tous ont mangé, tous ont été repus. Et il y a même eu des restes, douze corbeilles. Sept pains pour nourrir cinq mille hommes, ce n'est pas croyable, mais pourtant c'est arrivé. .
Qu'est ce qui s'est passé, je ne sais pas. Mais du pain il y en a eu pour tous, pour ces cinq mille hommes étaient là, et des restes il y en a eu, il y en a eu beaucoup. Sur le coup je n'ai pas compris. Notre pain qui était prévu pour une quinzaine de personnes il avait servi à nourrir toute une foule. C'était notre pain, c'étaient nos poissons.
Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite dans sa tête, mais il nous a obligé à repartir immédiatement, alors que la nuit était déjà là, d'aller vers Bethsaïde, et de le laisser lui renvoyer les foules. Je n'ai pas aimé, mais nous sommes partis.
Ce n'est que bien plus tard que j'ai compris ce qui s'était passé ce jour -là, et qui s'était reproduit un peu plus tard en territoire païen, mais cela c'est une autre histoire. Un jour je vous raconterai, comment un jour du temps, du pain azyme, du pain de la paque a pu devenir corps de Lui. Mais ce soir-là, nos yeux n'avaient pas été ouverts et nous n'avons pas compris .Nous étions dans la crainte, dans la peur, même pas dans la louange d'être en vie.
Travail sur le texte proposé par la liturgie. Mc 6, 34-44
34 En ce temps-là, Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement.
35 Déjà l’heure était avancée ; s’étant approchés de lui, ses disciples disaient : « L’endroit est désert et déjà l’heure est tardive.
36 Renvoie-les : qu’ils aillent dans les campagnes et les villages des environs s’acheter de quoi manger. »
J'aime bien ces versets, on voit tellement bien ce qui se passe dans la tête des disciples. " On voudrait bien t'avoir enfin pour nous tous seuls, comme tu nous l'avais promis. Alors s'il te plait, dis-leur de partir, parce qu'il se fait tard et qu'il faudrait qu'ils puissent s'acheter à manger. On a quand même très faim, et eux aussi. Alors soit sympa, , dis leur de partir. Toi ils t'écouteront.
37 Il leur répondit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Ils répliquent : « Irons-nous dépenser le salaire de deux cents journées pour acheter des pains et leur donner à manger ?
La réponse de Jésus a dû les prendre à rebrousse-poil, ce n'est pas du tout cela qu'ils attendaient. Par contre donner ce qui est à eux, partager ne leur vient pas à l'idée, sauf que bien sûr c'est insuffisant pour une pareille foule.
38 Jésus leur demande : « Combien de pains avez-vous ? Allez voir. » S’étant informés, ils lui disent : « Cinq, et deux poissons. »
"S'étant informés" auprès de qui? Finalement à qui sont les pains. Peut-être sont -ils allés voir ceux qui étaient au près des barques. Peut-être pas. Dans la foule? Finalement on ne sait pas bien d'où il vient ce pain, du moins dans cet évangile. Chez Matthieu et chez Jean, c'est dans la foule.
39 Il leur ordonna de les faire tous asseoir par groupes sur l’herbe verte.
40 Ils se disposèrent par carrés de cent et de cinquante
L'herbe verte… Donc pas le désert, mais un endroit désert, sans habitations. Et bien entendu cela renvoie au psaume 22, et cela fait de Jésus le bon Berger, Berger qui est Dieu. C'est bien une épiphanie. Et cela renvoie au début du texte.
41 Jésus prit les cinq pains et les deux poissons, et, levant les yeux au ciel, il prononça la bénédiction et rompit les pains ; il les donnait aux disciples pour qu’ils les distribuent à la foule. Il partagea aussi les deux poissons entre eux tous.
Ce qui est sûr c'est que la nourriture est là. Jésus est plus fort qu'Élisée le prophète, mais ce sont les disciples qui donnent. C'est peut-être la différence avec Jean. Chez jean, c'est d'emblée Jésus qui se donne et qui donne son corps. Bien entendu il y a le parallèle avec la cène.
42 Ils mangèrent tous et ils furent rassasiés.
Si on remet le verset dans son contexte, psaume 21, c'est le psaume de Jésus sur la croix. L'abondance n'est possible que parce qu'il y a eu mort et retour à la vie; préfiguration
.
Il est peut-être intéressant que les deux psaumes de cet épisode, soient le bon berger, figure de Dieu, et la croix qui conduit à la gloire.
43 Et l’on ramassa les morceaux de pain qui restaient, de quoi remplir douze paniers, ainsi que les restes des poissons.
44 Ceux qui avaient mangé les pains étaient au nombre de cinq mille hommes.
Bien entendu il y a toute la question du symbolisme. Traditionnellement comme cela se passe en Galilée, on dit que les douze corbeilles cela renvoie aux douze tribus, mais aussi aux douze apôtres et que le nombre de cinq mille, envoie au chiffre cinq donc à la Tora. Le 7 renverrait à la perfection, et le 2 à la dualité qui est en chacun. À Chacun de faire son marché là-dedans!