mercredi, septembre 25, 2013

"La femme pécheresse: Luc 7, 36-49


Luc 7,34-39 " la femme pécheresse"
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"Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum.
En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. »
Jésus prit la parole : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. — Parle, Maître. »
Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. Comme ni l'un ni l'autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l'aimera davantage ? »
Simon répondit : « C'est celui à qui il a remis davantage, il me semble. — Tu as raison », lui dit Jésus.
Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds. Tu ne m'as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m'a versé un parfum précieux sur les pieds. Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. »
Puis il s'adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. »
Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu'à pardonner les péchés ? »
Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! "





Si on fait abstraction de tout ce que l’on a pu lire sur cette femme qui verse du parfum contenu dans un vase de prix, sur les pieds de Jésus au cours d’un repas, si on reste dans l’évangile de Luc en essayant d’aborder ce récit comme un texte neuf, la première chose qui frappe, c’est que cette femme, comme la femme qui perdait du sang, n’a pas de nom, mais une étiquette (un qualificatif) et une origine : un lieu lui aussi sans nom : la ville.

Il y a comme cela dans les évangiles un bon nombre de personnages qui ne sont connus que par une épithète : la femme adultère, le paralytique de Capharnaüm, la veuve du temple etc. Cette femme la, porte juste une étiquette : elle est pécheresse et on nous dit qu’elle habite en ville.

Dans la Bible, la ville est souvent un lieu « mauvais » : Ps 55, 10-12 « Car je vois dans la ville la violence et les querelles ; jour et nuit elles en font le tour sur les murailles ; le mal et l'oppression sont en son sein ; en son sein il n'y a que ruine ; la violence et la tromperie ne s'éloignent pas de ses places ». La ville d’où vient cette femme, est certainement une citée porteuse d’un nom grec et dans lesquelles les habitants vivent « librement » sans respecter les préceptes de la Torah. C’est un endroit « sale », impur, impie. Dans le langage biblique c’est un endroit où règne le péché, c’est à dire où Israël se livre à l’idolâtrie et à la prostitution. (Adorer d’autres dieux c’est de la prostitution).

En d’autres termes cette femme ne vit pas comme une « bonne juive », elle est impie, donc impure, donc elle doit être considérée comme une pestiférée et être exclue. Si j’insiste là dessus, c’est que dire que cette femme est une prostituée comme cela est fréquemment traduit, n’est peut être conforme à la réalité, car majore encore plus négativement le terme de pécheresse.

 On peut toute fois dire que en venant chez des purs, des pharisiens, elle va les contaminer, surtout si elle a adopté les mœurs dévoyées des occupants, qu’ils soient grecs ou romains. Essuyer les pieds de Jésus avec ses cheveux indique qu’elle ne porte pas de voile, (signe des femmes mariées dans la bible) et en cela elle n’est pas quelqu’un de bien.

Je pense que si cette dame (pourquoi ne pas l’appeler comme cela) a su où Jésus allait manger ce jour là, et si elle s’y est présenté sans changer sa tenue pour s’adapter aux hôtes de Jésus, et avec ce cadeau : un flacon de parfum, c’est que peut être il s’était  déjà passé quelque chose entre elle et Lui. Cela peut être de la curiosité, mais si ce n’était que cela, il n’y aurait pas justement cette offrande, ce cadeau.

Dans le chapitre qui précède cet événement, il y a eu beaucoup de guérisons, beaucoup d’expulsions d’esprits mauvais, et peut être qu’elle a vu cela ? Mais peut être a t elle entendu ce que nous avons coutume d’appeler les Béatitudes, ces phrases qui chez Luc sont brèves, percutantes.

Peut-être qu’elle a entendu « malheur à vous qui riez maintenant » et que cela fait choc en elle, peut être l’a-t-elle croisé son regard, et ce regard a fait naître quelque chose en elle qu’elle ne connaissait pas et qui la bouleversée ? Cela nous ne le saurons pas, mais au fond de moi j’ai du mal à croire qu’elle s’est décidée comme cela à braver les regards noirs des bien pensant pour se mettre aux pieds de cet homme, pour lui déclarer son amour, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Cette femme n’est elle pas aussi la fiancée du cantique qui sort de la ville à la recherche de son  bien aimé et qui ne le lâchera plus une fois qu’elle l’aura trouvé ?

Quant au parfum, de quoi s’agit il ? Quand on va voir quelqu’un on n’arrive pas les mains vides et cette femme de la ville, il est sûr qu’elle est bien « élevée » ! Elle arrive avec quelque chose de royal pour celui qui est son Roi. A t elle acheté cela ou est ce un cadeau dont elle ne veut plus ? Est ce le cadeau d’un de ses admirateurs, de ces hommes qui étaient avec elle  et qu’elle ne veut plus porter ? Est sa manière de dire qu’elle rompt avec ce passé ? Je ne sais pas, mais ce que dira Jésus : « parce qu’elle a beaucoup aimé, il lui sera beaucoup pardonné », montre bien qu’il y a là un symbole de l’amour qui se répand ?

Peut être a-t-elle juste pris ce vase contenant ce parfum pour l’offrir et en se mettant aux pieds de Jésus, en se rendant compte qu’il se laisse toucher par elle, et les pieds de cet homme ont besoin d’être entretenus, qu’elle verse ce parfum comme une eau pour laver et à cette eau, se mêlent ses larmes. Pourquoi pas ? 

 Et la voilà qui entre dans cette maison, qui se met aux pieds de Jésus, avec certainement la peur qu’il ne la rejette, et voilà qu’il se laisse faire, il se laisse toucher ; alors les larmes montent, ce ne sont pas forcements des larmes liées à la honte, elles peuvent être des larmes de joie, des larmes de soulagement, car elle se sait aimée vraiment dans sa totalité. Il ne l’a pas repoussée, il la laisse faire, il se laisse faire et elle peut lui montrer la force de l’amour qui est maintenant en elle, un amour qui est tournée vers lui et non plus vers elle. Ce n’est plus elle qui est l’objet de l’amour des autres hommes, mais c’est lui qui accepte d’être aimée par elle et qui lui rend en quelque sorte son honneur. Est ce que cela ne fait pas pleurer de bonheur ?

Et si Jésus prend ensuite sa défense (comme il prendra cette de Marie dans l’Evangile de Jean), c’est bien pour montrer que lui, la voit dans ce qu’elle est et a toujours été: une femme remplie d’amour, qui vient enfin d’en recevoir et qui en est comblée.

La parabole qu’il raconte celle de ces deux hommes qui doivent de l’argent et qui sont libérés de leur dette, parle d’amour : lequel l’en aimera le plus ? Or curieusement  ce mot « aimer » me dérange.. Pour moi, il s’agit plutôt de reconnaissance,  pas d’amour. Maintenant si on se souvient qu’un débiteur peut être jeté en prison lui et sa famille par son créancier en cas de non payement, alors la remise de dette peut s’entendre comme un véritable salut et qui dit salut, dit être délivré d’un danger mortel et là, oui il y a amour pour son sauveur.  

Au geste de la femme dite pécheresse (car elle, elle ne dit rien, elle ne parle pas, elle ne demande rien), répond une parole de Salut : « tes péchés te sont pardonnés ». La phrase est lapidaire, mais ne peut-on pas entendre : « Tu as lavé  mes pieds, maintenant moi aussi je te dis que tu es purifiée, que ton passé ne te colle plus à la peau, comme la poussière ne colle plus à mes pieds, que tu fais partie de ma famille ».

Si Jésus se doit d'ajouter; "Va en paix, ta foi t'a sauvée" c'est certes une phrase qu'il emploie souvent, et qui renvoie à la confiance absolue qui se noue entre lui et une personne dans le besoin, mais c'est sa réponse à la question que se posent les "purs". Il est Jésus  LE Seigneur, le Fils du Père. 

Cette femme est-elle Marie que l’on appelle Madeleine, (Lc 8,1) une de ces femmes guéries par Jésus qui l’aident dans sa mission ? Il est facile de l’imaginer puisque c’est la suite du récit évangélique, mais parfois j’ai envie de voir en cette femme « pécheresse » comme une image de chacun d'entre nous.

Parce que nous nous savons aimés nous pouvons reconnaître ce qui ne va pas en nous, ce qui ne va pas autour de nous, et entendre que nous sommes pardonnés et aller de conversions en conversions. 

Regarder ce qui s’est passé pour elle, permet de ne pas rentrer dans cette logique que je peux comprendre mais qui au fond de moi me dérange qui est : reconnais ton péché, demande pardon, Dieu dans sa miséricorde au lieu de te rejeter te pardonne. Alors ce pardon te permettra de comprendre un peu la taille de son amour pour toi.

Quand j’ai rencontré Dieu (je dis Dieu pour faire simple) sur une route qui menait à Chartres, ce que j’ai ressenti, parce qu’il s’agit quand même de ressenti c’est une immense Paix, celle dont j’avais besoin. Ensuite est venue la Joie et si le lendemain je suis allée voir le prêtre responsable des premières années de fac, ce n’était pas pour m’excuser de n’avoir rien fait durant cette année là, mais pour dire que je voulais faire quelque chose, ce qui est quand même très différent. 


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