lundi, mai 16, 2011

M comme Miséricorde. Mt 18,27


Miséricorde, miséricordieux.




J'accorde ma bienveillance à qui je l'accorde,
 je fais miséricorde à qui je fais  miséricorde Ex 33, 19        

C'est la miséricorde que Je veux, et non le sacrifice.
Mt,9,13

Car Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde.Rm11, 22

Et s’il m’a fait miséricorde, c’est pour qu’en moi, le premier, Jésus manifestât toute  sa patience, faisant de moi un exemple pour ceux qui doivent croire en lui en vue de la vie éternelle : 1 Tim 1, 16

Que Dieu tout puissant vous fasse miséricorde,
qu’il vous pardonne vos péchés
et vous conduise à la vie éternelle

J'aurais pu faire une recherche sur l'adjectif miséricordieux, mais j'avais en tête ce mot "miséricorde" qui finalement me pose question parce que souvent (peut être trop souvent) employé dans la liturgie et les homélies. 

Ce billet se veut donc être une réflexion sur ce mot, sur ce substantif. Ce mot est d'ailleurs rarement sujet. S'il est en filigrane dans toute la bible, c'est que si le peuple avec lequel Dieu a choisi de faire alliance, perdure dans le temps malgré ses infidélités, c'est bien parce que Dieu fait miséricorde, a eu pitié, a eu compassion. Or si la compassion est quelque chose que nous les hommes nous pouvons assez facilement concevoir, il n'en va pas de même pour la miséricorde. Celle ci sauve de quelque chose de mauvais (la mort) mais elle sous entend que cela est fait par amour ce qui autre chose que de donner une simple grâce (ce que peut faire une  loi d’amnistie). Et  puis ne faut il pas reconnaître que spontanément le dieu miséricordieux que nous aimerions avoir serait un dieu qui nous aiderait dans les épreuves, qui nous en sortirait, qui serait surtout bienveillant. Cela ce serait une sorte de dieu providence dont nous rêvons tous, mais un dieu imaginaire qui ferait à notre place, et c’est pour cette raison que je n’ai pas mis de majuscule à dieu.

En fait en tant que substantif, il est peu présent (souvent remplacé par pitié ou compassion); par contre comme je le notais, il est très employé dans l'église:(en particulier au début de chaque eucharistie ou le prêtre dit: Que Dieu tout puissant vous fasse miséricorde,qu’il vous pardonne vos péchés et vous conduise à la vie éternelle) ou dans les homélies.On entend souvent dire qu'il s’agit d’une pitié qui vient des entrailles, du plus profond de soi, qui vous remue. On pourrait presque dire un amour qui part du plus profond de soi, un amour qui meut et qui s’émeut, un amour capable de voir en l'autre (celui qui est souffrance) un quelqu'un de différent, de transformé, de transfiguré. 

Ce mot est relativement récent dans notre vocabulaire. Il date du 12° siècle, et vient du latin: misereo (avoir pitié)  et carde (cœur). Par certains côtés (mais est ce que faire des clivages en ce qui concerne Dieu a un sens) serait de dire que cette miséricorde renvoie à un amour maternel, qui vient des entrailles, du ventre, du lieu où l'enfant a été porté. 

S'il me semble que je peux être parfois capable de compassion, je ne suis pas certaine d'être capable de miséricorde. La miséricorde renvoie au pardon, un pardon qui efface réellement, un pardon qui n'est pas que du lâcher prise, un pardon qui redonne à l'autre toute sa dignité d'humain.  Or cela j'en suis incapable et cette incapacité me renvoie à ma finitude.

Et pourtant les prophètes et les psaumes disent bien que ce que Dieu désire de l’humain ce n’est pas qu’il offre des sacrifices pour se dédouaner de ses fautes, mais qu’il pratique la miséricorde. S’il s’agit de ne pas se venger, c’est possible, mais pratiquer la miséricorde c'est tout à fait autre chose. 

 Dans les  citations tirées de la bible, le mot miséricorde est pratiquement synonyme de pitié, de pardon. Il s’agit presque à un niveau juridique de lever la sanction liée à la faute, à la désobéissance. La miséricorde divine semble consister à nous pardonner nos péchés c’est à dire à ne pas les retenir contre nous dans un jugement. Les péchés vus comme des désobéissances ou des attaques, provoquent d’après Paul de sa colère, et nous condamneraient après notre mort à être dans un lieu en dehors de Sa présence et donc(puisque le pardon est donné)  à nous faire entrer dans la vie éternelle c’est à dire nous donner quelque chose que aujourd’hui je suis incapable de définir, mais que je peux comprendre comme la promesse d’une autre vie après l’extinction du souffle, une vie où la relation est basée sur l’amour, une vie où je pourrais voir en toute clarté ce que Dieu donnera à voir de Lui.


Il me semble qu’un véritable exemple de la miséricorde est donné dans la finale du chapitre 18 de Matthieu. Ce chapitre démarre par un questionnement sur qui est le plus grand, répond à la question du pardon et qui se termine par la parabole du serviteur insolvable. Au verset 27, on peut lire « Ému de compassion, le maître de ce serviteur le laissa aller, et il lui remit sa dette ».(Segond), ou  « Apitoyé le maître de ce serviteur le relâcha et lui fit remise de sa dette » (BJ).

Ce qui est certain c’est que le maître est ému, qu’il se laisse toucher par la détresse de cet homme qui pourtant a vécu bien au dessus de ses moyens en supposant que personne ne lui demanderait des comptes et qui a accumulé des dettes absolument énormes.  Il n’applique pas la sentence. Il n’est rien demandé au serviteur sauf de faire de même vis à vis de ses frères. C’est parce qu’il n’agit pas comme son maître, parce qu’il manque de compassion, qu’il est  -lui et sa famille - jeté en prison.


A lire le texte, il me semble que ce qui signe la miséricorde, c’est l’émotion qui va avec, cet affect qui étreint le maître et qui le pousse à lever la sentence. Et je pense que c’est cette émotion qui fait que ce n’est plus de la pitié, mais autre chose. Mais je repose la question, en suis-je capable? 


Dans notre langue, le mot miséricorde n’est pas seulement un sentiment, mais une chose, un objet. Et j’ai eu besoin de réfléchir sur cette miséricorde pour comprendre un tout petit peu mieux ce que aujourd’hui je pouvais mettre sous ce mot théologique en lui donnant une plénitude.



Une miséricorde est une sorte de console placée sous le siège relevable d'une stalle d'église et servant, quand ce siège est relevé, à s'appuyer tout en ayant l'air d'être debout. (Les menuisiers des XVe et XVIe s. les ont sculptées de mascarons ou de petites scènes d'une grande fantaisie.)


En d’autres termes cela permet de s ‘appuyer sur quelque chose, d’être étayé par un objet de manière à limiter la fatigue, voir la souffrance de devoir rester debout trop longtemps. C’est une aide discrète, qui est là, qui permet ainsi de moins ressentir la fatigue lié à la position debout. 


Si on pense aux moines qui passaient de nombreuses heures dans leur stalles à chanter les offices, peut être peut-on penser que cette miséricorde, puisque pour chanter il faut être debout pour que souffle sorte bien , sert uniquement à retrouver (à maintenir la bonne qualité) son souffle. 


Elle permet de souffler et peut-être que par sa miséricorde envers nous, à un moment donné, Dieu nous permet de souffler, de reprendre notre souffle.


Peut on dire que la miséricorde de Dieu c’est ce qu’Il a trouvé pour que nous ne soyons pas accablés par notre souffrance de vivre dans un monde dur et difficile, qui ne nous permet pas (trop souvent) de laisser vivre le « bon » en nous et qui fait que nous ployons sous le poids de nos péchés. 


Car la miséricorde de Dieu a à voir avec le péché, avec le mal. Au lieu de nous mettre en prison (la dette) il nous en libère, elle ne pèse plus sur nous, elle nous laisse souffler, respirer, être. .


Il y a chez Isaïe une jolie phrase « quand arrêterez vous de fatiguer mon Dieu » Is 7,13. Alors peut être peut on imaginer que le créateur se serait inventé une miséricorde pour supporter la fatigue que lui occasionnent les enfants des hommes (qui sont aussi ses enfants) , un lieu pour souffler ?

Alors peut être pourrait-on entendre dans ce mot « miséricorde » comme un second souffle qui nous serait accordé, on pourrait dire pour une une nouvelle naissance. Ce souffle là, cette nouvelle respiration me permet de revivifier ce mot et de le décaper de utilisation trop stéréotypé. Dieu on ne l'enferme pas dans un mot si beau soit-il.

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