vendredi, février 10, 2017

La femme syro-phénicienne - Marc 7, 24-30

Marc 7, 24-30.

24 Parti de là, Jésus se rendit dans le territoire de Tyr. Il entra dans une maison et il ne voulait pas qu’on le sache, mais il ne put rester ignoré. 25 Tout de suite, une femme dont la fille avait un esprit impur entendit parler de lui et vint se jeter à ses pieds. 26 Cette femme était païenne, syro-phénicienne de naissance. Elle demandait à Jésus de chasser le démon hors de sa fille. 27 Jésus lui disait : « Laisse d’abord les enfants se rassasier, car ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens. » 28 Elle lui répondit : « C’est vrai, Seigneur, mais les petits chiens, sous la table, mangent des miettes des enfants. » 29 Il lui dit : « A cause de cette parole, va, le démon est sorti de ta fille. » 30 Elle retourna chez elle et trouva l’enfant étendue sur le lit : le démon l’avait quittée.

C'est un évangile bien connu, qui pour certains montre comment Jésus, qui avait envoyé ses apôtres prêcher aux brebis perdues de la maison d'Israël, va ouvrir son ministère aux nations.


La personne qui faisait l’homélie sur ce texte a beaucoup parlé des frontières. Frontières entre la Galilée et Tyr qui fut le territoire des Philistins, frontières entre le dedans et le dehors quand Jésus entre dans une maison et y demeure; et frontière entre le pur et l’impur, puisque que Jésus en rencontrant cette femme "païenne" devenait impur. Cela m’a dérangée, sans que je puisse trouver d'abord pourquoi. Certes le centurion romain dont le serviteur est malade ne veut pas que Jésus pénètre chez lui, pour qu’il ne soit pas accusé d’impureté. Mais dans les prescriptions données pas Moïse, il est quand même question d’accueillir l’étranger chez soi, et l’étranger n'est-il pas d'emblée impur? S’occuper de l’étranger est une vocation d’Israël, qui a lui-même été un migrant. Par ailleurs les coutumes sont une chose, mais Jésus est très doué pour ne pas s’en embarrasser, dès qu’elles sont un obstacle à la relation fraternelle.

Et surtout il m’est revenu que le prophète Elie avait vécu à Sarepta, qui se situe dans ce même territoire, et que personne ne s’est jamais posé la question d’imaginer que le contact avec cette veuve ait pu le rendre impur. Par ailleurs Elie a redonné la vie à l’enfant de cette femme: alors pourquoi Jésus ne ferait-il pas la même chose? La veuve avait reconnu en Elie un homme de Dieu, n’en n’est-il pas de même pour cette femme dont la petite fille est malade ?

Alors voilà un texte à la première personne, un texte comme j'aime les écrire, un texte qui permet de s"identifier un peu plus à cette femme que Jésus dans un premier temps essaye de renvoyer.

J’habite à Tyr; j’aime ce pays, j’aime la mer, j’aime le vent, j’aime ma vie. J’ai une maison, j’ai un mari et surtout j'ai une belle petite fille. Mais mon âme est dans la tristesse : depuis quelques jours ma petite fille ne me reconnaît plus, elle pleure, elle souffre, et je ne sais que faire; je suis sûre qu’un démon est entré en elle, en elle ma petite merveille, et qu’il veut me la voler.

J’ai demandé à mes voisins s’ils connaissaient un guérisseur. Ils m’ont parlé d’un homme, un juif qui est arrivé ici avec ses disciples, qui semble se cacher. Peut-être qu’il fuit le roi Hérode qui vient de mettre à mort un grand prophète. On m’a raconté qu’il avait nourri une foule avec 5 pains et deux poissons, qu’il avait guéri des centaines de malades, et qu’il avait redonné la vie à une petite fllle; alors je n’ai rien à perdre, je vais le chercher, je le trouverai, je me jetterai à ses pieds et il m’écoutera. Pour ma fille, je suis prête à tout; et puis je lui parlerai d’Elie, ce prophète de sa race qui a vécu chez nous et qui a redonné la vie à un petit garçon. Je lui dirai que je sais que je ne suis qu’une sale païenne, une chienne pour lui; mais lui qui a donné du pain pour tant de personnes, il peut bien faire une geste pour moi, ce n'est qu'un tout petit geste.

Le trouver n’a pas été facile, d’autant que ses amis faisaient barrage, je voyais bien que pour eux j’étais une sale non juive, une païenne. Mais pourtant je crois dans les Dieux, je les honore.

Je suis arrivée à le voir, et j’ai vraiment eu l’impression de le déranger. Je lui ai dit que je voulais qu’il chasse le démon qui était en train de prendre la vie de ma petite fille. Et là j’ai eu l’impression qu’il avait lu en moi quand je pensais qu’il pouvait bien faire une bonne action pour tout le monde, et pas seulement pour ceux de sa race, car il m’a dit « Ce n’est pas bien de prendre le pain réservé aux enfants et de le donner aux petits chiens ». Là je ne sais pas ce qui s’est passé en moi, mais je lui ai répondu du tac au tac que les petits chiens sous la table mangent les miettes tombées par terre: ils ne volent pas le pain qui est le pain des enfants, le pain sur la table; ils savent se contenter des miettes, parce qu’ils savent que ces miettes sont nourriture pour eux. Je voulais qu’il comprenne que nous aussi, nous avons besoin de lui, que nous ne lui volons rien puisqu’il donne en abondance.

Et là, son regard a changé. Il n’avait plus ce regard énervé du début, mais un regard plein de compassion et d’amour. Il m’a dit que le démon était sorti de ma fille parce que j'avais dit ce que j'avais dit.

Alors je suis sortie, et sur le chemin du retour je me demandais s’il avait fait pour moi ce qu’Elie avait fait dans les temps anciens et j’ai retrouvé ma petite fille, couchée dans son lit, ma petite fille qui me tendait les bras.

Grâces soient rendues à cet homme, et au Dieu qui est le sien et qui a compris que le Salut qu’il proclame s’adresse à tous les hommes.




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