samedi, février 18, 2017

C comme croix. Marc 8, 35


Marc 8,35 : « En ce temps là, jésus fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. ».

Il semble donc quand on lit ce verset que la condition ou plutôt les conditions pour suivre Jésus sont de se renoncer à soi-même (se renier dans d’autres traductions), et de porter sa croix. Ces deux choses étant faites, alors on pourra suivre Jésus. Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est difficile. Renoncer à soi-même peut s’entendre comme ne pas se laisser conduire par son ego, mais ce n’est pas simple. Cependant cela est cohérent avec la suite du texte: celui qui veut gagner sa vie (faire de lui le centre du monde) la perdra.   

Mais mon questionnement a été, du moins dans un premier temps, de me demander ce que du temps de Jésus, la foule et les disciples mettaient sous le mot croix. Quand dans les paragraphes précédents Jésus (Mc 8 , 31) commence à expliquer à ses apôtres ce qui va se passer pour lui dans le futur, il parle de mort, mais pas de la croix. La croix était un supplice, réservé que malfaiteurs. Dans notre culture, nous avons eu longtemps la potence qui avait le même rôle. Ne dit-on pas  de certaines personnes qu’elles sont des gibiers de potence ? Alors est ce que la croix est un équivalent de la potence ? Porter sa croix, c’est porter son péché, mais c’est aussi porter sa mort. Porter sa croix est-ce que cela pourrait vouloir dire que si on se reconnait comme pécheur, alors on sera sauvé (délivré d'une certaine mort).

Est ce que suivre Jésus, c’est se reconnaître "gibier de potence" (même si ce n’est pas très valorisant et si c’est même très violent pour son petit ego-narcissisme-)? Est ce que c'est comprendre que si on fait cela, alors on peut le suivre et devenir un vivant? 

J'ai toujours fait un parallèle  entre « prendre sa croix » qui est actif (et il ne s’agit que de la sienne propre, ce qui est important), et les guérisons des deux paralytiques où Jésus leur dit de « prendre leur civière », c’est à dire le lieu où ils ont vécu ils ont été étendus, et qui ne le sert plus à rien. C’est comme une manifestation de leur résurrection : eux qui étaient couchés sont désormais des hommes debout, des marcheurs, comme Jésus qui est lui même un sacré marcheur. Alors prendre sa croix, cela pourrait être quelque chose comme prendre avec nous, pour les montrer aux autres, ces lieux où nous sommes un peu morts. Au lieu de rester couchés sur eux, de faire comme un avec eux, pouvoir se dire que le fils de l’homme nous met debout, qu'Il fait de nous des vivants avec Lui.  Et même si ce qui  fait mal est encore présent, l'esclavage de ce mal est terminé.

En d’autres termes porter sa croix ce pourrait être : afficher à la face du monde que l’on a été  un condamné à mort, que l'on a été un un malade, et que l'on est guéri. 

Mais, si je reste fidèle à moi-même, je n’aime pas trop la contrition (passer son temps à se sentir incapable de faire du bon)?  Pour moi, il y a de l’actif à porter cette croix, quelle qu’elle soit. Alors les épreuves qui nous tombent dessus, ces trucs qui nous font mal, que nous n’avons pas choisi, il est de notre pouvoir (avec l’Esprit Saint) d’en faire autre chose, de ne pas nous laisser écraser par elles, de les transmuter en vie. Mais cela, c’est bien parce que par cette croix Jésus a pu donner l’Esprit à tous les hommes que cette transmutation est possible. 

La croix est un espace qui nous est donné pour que quelque chose mue en nous, pour qu’une peau tombe et pour que ce que nous sommes apparaisse peu à peu.  Muer ce n’est pas facile, on est très fragile pendant ce temps là, surtout quand la mue atteint les yeux. Mais pour moi suivre Jésus c’est cela. Accepter de laisser tomber sa peau, c’est renoncer à soi-même, c’est prendre ce temps de souffrance comme un temps de renaissance et c’est faire confiance en la Vie donnée par le Vivant. 


Ou pour le dire autrement: deux manières de "prendre ou de porter sa croix".

     En premier, il y a la dimension se reconnaître pécheur. Suivre Jésus, c’est se reconnaître gibier de potence (même si ce n’est pas très valorisant et si c’est même très violent pour son petit ego-narcissisme-) mais c’est savoir que le suivre, rester avec lui, près de lui, donne la vie. En d’autres termes porter sa croix ce pourrait être : afficher à la face du monde que l’on est un condamné à mort, qu’on est un méchant, un mauvais, mais que suivre Jésus permet d’être sauvé de sortir de cette condition.

Alors porter sa croix, est ce que cela pourrait vouloir dire  que je  reconnais que je m’occupe plus de moi que des mes frères, que je reconnais que je ne mérite (enfin je n’aime pas ce mot), pas de vivre, mais que si je décide de marcher derrière toi, à ta suite, alors je serais dans la vie. Cette manière de voir serait assez cohérente avec la finale de l’évangile de Luc, qui est centrée sur la conversion qui conduit au pardon des péchés. Lc 24,47 47 « et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem ».

     Et en deuxième, et c’est l’important pour moi, il y a porter sa croix, comme un chemin de transformation. Cela veut dire qu'on ne prend pas cela comme une punition, mais comme une manière de changer son regard sur soi et sur l'autre. Je ne dis pas que c'est facile, car la douleur, la souffrance l'injustice sont réelles, mais avec la force de l'Esprit un changement de regard est toujours possible et permet de ne pas tomber dans l'amertume ou la rumination.













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