Le pouvoir de lier et de délier.
« Cette femme que Satan avait lié depuis 18 ans, ne
fallait-il pas la libérer » ?
Luc 13, 10-17.
C’est une scène brève : Jésus enseigne un jour de
sabbat, il voit une femme que l’on nous dit être habitée par esprit qui la rend
infirme depuis 18 ans , qui ne lui permettait pas de se redresser.
Il est évident que
pour nous, cela veut dire que pour cette femme, il y a eu un avant ou elle
était droite et un après où son corps s’est courbé. Cela évoque une scoliose ou
une maladie dégénérative qui touche à la colonne vertébrale, mais une maladie
n’est pas une possession, du moins pour moi, ni une punition.
Or là, d’emblée le
lien est fait : si quelqu’un tombe malade c’est qu’un esprit mauvais s’est
emparé de lui. Quelqu’un qui est ainsi courbé peut faire penser à quelqu’un qui
porte un fardeau trop lourd et évoquer certains psaumes : « ma faute
est trop lourde pour moi » ou encore « j’ai enlevé le fardeau
qui pesait sur tes épaules »Ps 81, 6. Il semblerait que Jésus s’adapte à
son temps, et montre bien que la guérison est une libération du Mal, quelque
soit ce Mal, car la maladie est un malheur et on peut l’attribuer à une
puissance extérieure (c’est d’ailleurs ce que je viens de voir sue Arte où une
femmes « bloquée « du dos et que personne n’arrive à guérir, semble
guérie par des prêtres taoïstes qui chassent un esprit familial qui est
« mal mort » et qui vient posséder cette femme. Par ailleurs, sur le
plan moral, la faute ou le péché peuvent être un véritable fardeau et on se
sait pas trop si Jésus en délivrant de la maladie ne délivre pas aussi d’autre
chose.
Jésus sans que la femme ne lui demande rien, d’ailleurs il
est possible qu’elle ne puisse pas le voir compte tenu de son infirmité (elle
ne peut voir que ses pieds), lui parle et lui annonce qu’elle est délivrée de
son infirmité, et il la touche (ce qui doit être mal vu), mais qui est
peut-être plus un geste affectueux qu’un geste de guérison , il y a des
gestes qui sont invitations à faire un mouvement que l’on pensait impossible.
En la touchant Jésus lui donne la force de faire confiance à la parole dite.
La femme se relève, et remercie non pas Jésus, mais Celui
par qui il peut faire de telles choses.
Le chef de la synagogue au lieu de joindre à la louange se
met à murmurer comme sait si bien le faire le peuple hébreu dès que les choses
ne correspondent pas à ce qui doit être fait, et Jésus va lui répondre la
phrase importante pour moi dans ce texte : « et cette femme qui est une fille d’Abraham, que Satan tenait attachée
depuis 18 ans, ne fallait-il pas la délivrer de cette chaîne le jour du
sabbat ? ».
Il s’agit bien ici de délier, de délivrer d’un lien mauvais,
d’un lien qui enchaîne, car la traduction de la Bible Segond, fait vraiment
penser à un petit chien qui serait tenu en laisse (délivrer de cette chaîne) et
qui ne pourrait pas faire un pas. Et Jésus coupe le lien mauvais, rend à la
femme sa liberté. Pouvoir se redresser, c’est au lieu de regarder le sol et ses
pieds, pouvoir regarder vers le ciel et vers Dieu.
Cette question de lier et délier renvoie , au pouvoir donné
par trois fois Jésus dans les évangiles à ceux qui vont être ses ses témoins,
d’avoir des paroles qui continuent à faire loi dans l’Au delà. Une parole dite
sur la terre, n’est pas perdue. Il y a un lien entre ce qui se passe sur cette
terre et dans le Royaume et quand ces paroles touchent au péché, elles font que
Dieu (dans son ciel) pardonne aussi.
C’est en tous les cas mettre l’accent sur la parole, sur la
force de la parole donnée aux apôtres.
Alors que peut-on entendre par
« Tout ce que tu auras lié sur la terre
sera lié au ciel, tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié au
ciel » Mt 16, 19.,
« Tout ce que
vous vous lierez sur la terre sera considéré au ciel comme lié et tout ce que
vous aurez délié sur la terre sera tenu au ciel pour délié Mt 18, 18
« Recevez l’Esprit
Saint : A qui vous remettrez leurs péchés ils seront remis, à qui vous
maintiendrez ses péchés ils seront maintenus ».Jn 20,20 , 21
Peut-être est –il bon de remettre les phrases dans leur
contexte.
Le pouvoir donné à Pierre en Mt 16, 18, intervient dans un
contexte déjà polémique entre Jésus et les pharisiens et les sadducéens. Les
pouvoirs donnés à Pierre qui sont au futur peuvent s’entendre dans une
perspective rabbinique comme le pouvoir de dire ce qui sera permis ou défendu
dans cette église qui va reposer sur Pierre. En cela, les règles ne seront plus
les mêmes, et il s’agit d’un changement à venir et certainement d’un changement
de la notion de faute et /ou de péché. Mais le pouvoir donné est grand, peut-être
plus grand que de chasser les démons et de guérir de toutes maladies.
En Mt 18, 18, « Tout ce que vous vous lierez sur la
terre sera considéré au ciel comme lié et tout ce que vous aurez délié sur la
terre sera tenu au ciel pour délié ».Cette phrase conclue un certain
nombre de versets dont l’un est lié à la
joie qu’il y a a pour un pasteur quand il retrouve la brebis égarée (conversion)
et les autres à la nécessité d’aider le frère à ne pas rester dans son péché
(son erreur), et donc s’il le reconnaît de lui permettre de rester dans la
communauté et de l’en exclure. Le garder c’est le délier, le mettre dehors
c’est le lier.
En Jn 20, 23 il s’agit de remettre les péchés et là il s’agit
je pense de tout autre chose. Car le péché en soi, surtout dans le premier
testament a toujours une contre partie sacrificielle : on offre quelque
chose pour se faire pardonner, on doit rendre. Or Jésus ayant payé la dette
globale liée au péché (rémission) désormais il s’agit bien d’un pouvoir de
libération.. Si on reprend le texte on peut lire que Jésus commence par donner
sa paix, il envoie ensuite les apôtres en mission (ne restez pas enfermés dans
cette pièce, sortez) il donne son Esprit en soufflant sur eux et dit
explicitement : à qui vous remettrez ses péchés ils seront remis, à qui
vous maintiendrez ses péchés ils seront maintenus ».
En d’autres termes il ne s’agit plus seulement du permis/
défendu, mais de libérer ou de ne pas libérer du poids, de la dette liée au
péché. Il y a cette parabole d’un homme qui doit une somme astronomique à son
Maître, qui doit donc être mis en prison lui et sa famille et qui se voit
délivré de cette peine, de cette dette , car le maitre se laisse émouvoir. Le
pardon est une chose, la rémission c’est à dire la dette c’est autre chose.
Délier c’est couper
ce lien pathogène, c’est remettre debout, c’est rendre à l’humain sa dignité et
sa capacité de se reconnaître aussi dans un autre lien (ce que fait la femme en
louant Dieu), un lien qui restitue l’humanité. Mais cela peut-être aussi
enlever ce que l’on doit payer quand on a commis un de ces péchés recensés dans
les livres de l’Exode et du Lévitique..
Jésus qui a reproché aux scribes de lier de pesants fardeaux
sur les épaules de ceux qui viennent les consulter (savoir ce qui est permis ou
défendu par la loi de Moïse) , donne d’autres règles à ses apôtres. Ils ont le
pouvoir de permettre à quelqu’un qui reconnait avoir commis une faute, de
couper ce lien qui le lie à sa faute, d’être à la fois libéré de l’esclavage du
péché mais aussi de la dette qui est liée à la faute, et et d’entrer dans une
vie renouvelée, vie qui permet de se tourner vers Dieu .
Reconnaître que l'on est lié (entravé, prisonnier) pouvoir nommer ce qui rend esclave, en être délié permet alors la relation vraie avec soi , avec les autres et avec Dieu.
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