L'appel de Lévi.
Cet appel se trouve dans les synoptiques, plus ou moins développé. En ce moment c'est l'évangile de Marc qui est en lecture continue, et qui propose cet appel: Mc 2,13-17. Cela vient juste après la guérison du paralytique; et à sa manière, celui qui est derrière sa table est aussi un paralysé. Alors c'est une guérison qui se passe, une libération. Ce qui m'a frappée, c'est que Lévi (ici il n'est pas appelé Matthieu) donne ensuite un repas (un festin chez Luc). Et je pense que ce repas, auquel participent les autres collecteurs d'impôts, mais aussi des pécheurs, c'est le repas préparé par Dieu, avec des viandes savoureuses, pour les nations (Is 25,6). C'est un "beau repas".
C'est un texte que j'ai déjà travaillé - http://giboulee.blogspot.com/2013/07/matthieu-lapotre.html, mais en relisant ce texte, j'ai eu envie de le dire autrement, de laisser parler quelqu'un qui a vu; finalement quelqu'un qui est un peu comme nous, qui se pose des questions, qui regarde; et que cela met en mouvement.
Quelqu'un raconte
C'est quand même bizarre ce qui s'est passé. Vous savez, Lévi, le collecteur d'impôts, celui qui passe sa vie, assis à son bureau d'octroi, à calculer combien on doit payer pour tout ce qu'on a pêché ou cultivé, et qui s'en met plein les poches sur notre dos, eh bien il est devenu un disciple de cet homme qui est peut-être le messie que nous attendons, celui qui va nous libérer des Romains et de leurs injustes impôts. Car les impôts, vraiment, on en a assez, il y en a trop. Si ce Jésus pouvait nous libérer de ça, qu'est ce que ça serait bien, on pourrait vivre tellement mieux. Et s'il nous libérait carrément des Romains, alors là, je n'ose même pas en rêver. Mais après tout, le Dieu de nos pères nous a bien libéré des Égyptiens, et nous a donné à nous, et pas aux Romains, le pays où nous habitons.
Il faut dire que ce Jésus, il est étonnant. Pour un fils de charpentier qui n'a pas fait d'études, il a une sacrée autorité; il appelle, et on le suit. C'est ce qu'il a fait avec Simon et André, et avec les fils de Zébédée. Ils ont tout laissé en plan, leur barque, leurs filets, leur père même, et ils le suivent. Il enseigne, il fait des choses incroyables: il délivre les possédés, il guérit les malades et même les lépreux; il est capable de pardonner les péchés, et ça, c'est plus que surprenant; et souvent on ne sait pas où il est, où il va. Il est là, puis il disparaît. Ceux qui sont avec lui disent qu'il prie seul dans la montagne.
Mais pour en revenir à Lévi, Jésus - qui cherchait manifestement un endroit où enseigner sur le bord du lac - est passé devant lui. Comme je n'étais pas loin, j'ai entendu qu'il disait "Suis-moi!", sauf que je ne savais pas trop à qui il s'adressait. Et j'ai vu Lévi se lever, avec un grand sourire, laisser son escabeau, laisser sa table, et le suivre.
Vous savez le Lévi, il ne s'en laisse pas conter, même si on pense du mal de lui. Il a la chance d'avoir eu un père qui était déjà comme lui collecteur d'impôts, un de ces collaborateurs des Romains, un de ces hommes qui nous font du mal et que nous détestons et que nous mettons au ban de notre société. D'ailleurs, je me demande comment Alphée, son père, va réagir, et qui va le remplacer.
Bref, il l'a suivi, il l'a écouté; et puis il a invité Jésus et ses disciples à manger chez lui. Avec tout l'argent qu'il nous a pris, il pouvait faire un vrai festin et c'est ce qu'il a fait. Et du coup, tous ses amis collecteurs d'impôts sont venus et aussi plein plein de gens qui voulaient je crois rencontrer Jésus, tous ces gens dont nous savons qu'ils ne vont pas au Temple, qui ne versent pas la dîme; qui sont des pécheurs.
Du coup, ça en faisait du monde! Et alors les bien-pensants n'ont pas pu s'empêcher de demander aux disciples pourquoi leur maitre mangeait avec des pécheurs. A croire qu'ils avaient oublié qu'il avait touché un lépreux il n'y a pas si longtemps. Eux ne savaient pas que répondre, je voyais qu'ils étaient bien ennuyés de ne pas savoir comment défendre leur maître.
Mais Jésus, manifestement, avait entendu. Il leur a rétorqué que ce n'était pas les bien-portants qui avaient besoin d'un médecin (bon ça, ça a dû leur plaire, parce qu'ils se sentent tellement justes qu'ils ne reconnaissent pas qu'ils sont comme tout le monde, incapables de faire le bien), et qu'il n'était pas venu pour appeler les justes, mais les pécheurs.
Alors, là, ça m'a bien plu à moi. J'ai eu l'impression qu'en s'adressant à eux, il s'adressait à moi, qu'il me disait que tout n'était pas perdu, qu'il m'aimait tel que je suis; et s'il aime Lévi, moi aussi il m'aime, et moi aussi je peux entrer dans cet amour là. Et du coup, moi aussi je l'ai suivi, et je sais que je ne suis pas le seul, car beaucoup de ceux qui étaient à table ont dit qu'ils veulent l'écouter, et changer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire