Moi qui me réjouissais de commencer la lecture de Luc, c'est le récit de la mort de Jean dans l'évangile de Marc. Les "aussitôt" signent bien. Peut-être que si Salomé n'avait pas demandé que la tête lui soit apportée "aussitôt", Hérode aurait pu ruser, mais il n'a pas pu.
Et j'ai eu envie de laisser raconter Hérodiade et Hérode.
Le texte
17 En ce temps-là, Hérode avait donné l’ordre d’arrêter Jean le Baptiste et de l’enchaîner dans la prison, à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe, que lui-même avait prise pour épouse.
Pas bien ça, Monsieur Hérode. Mais tu es le roi, tu penses pouvoir faire tout ce que tu veux.
18 En effet, Jean lui disait : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. »
Ça c'est le travail du prophète, Dieu parle par sa bouche, mais c'est sûr qu'il faut du courage pour faire cela.
19 Hérodiade en voulait donc à Jean, et elle cherchait à le faire mourir. Mais elle n’y arrivait pas
20 parce que Hérode avait peur de Jean : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.
Donc Madame Hérode n'est pas ravie du tout, d'autant que c'est plus son projet à elle, et, comme Jézabel, elle voudrait bien qu'il la ferme ce prophète de malheur, et donc que Hérode le tue; seulement Hérode au fond de lui a peur. Et en plus il a une attitude ambivalente. D'un côté il doit savoir que c'est mal, mais quand Jean parle d'autres choses, il l'écoute avec plaisir. Cela m'a toujours étonnée, qu'est ce que cela veut dire? Qu'Hérode finalement accepterait l'idée d'une conversion? J'ai du mal à y croire.
21 Or, une occasion favorable se présenta quand, le jour de son anniversaire, Hérode fit un dîner pour ses dignitaires, pour les chefs de l’armée et pour les notables de la Galilée.
Mais Madame Hérode ne s'avoue pas vaincue, et elle le connait son mec. Alors elle va profiter d'une soirée arrosée en présences de dignitaires pour se servir de sa fille. Et ça marche, mais ça c'était prévu.
22 La fille d’Hérodiade fit son entrée et dansa. Elle plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille : « Demande-moi ce que tu veux, et je te le donnerai. »
23 Et il lui fit ce serment : « Tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai, même si c’est la moitié de mon royaume. »
24 Elle sortit alors pour dire à sa mère : « Qu’est-ce que je vais demander ? » Hérodiade répondit : « La tête de Jean, celui qui baptise. »
Et là, ça fonctionne vraiment très bien, Hérode, un peu ivre s'engage à lui donner tout ce qu'elle veut, et la pauvre demoiselle s'en va demander conseil à Madame mère, sauf que la pauvre demoiselle ne s'attendait sûrement pas à une chose pareille.
25 Aussitôt la jeune fille s’empressa de retourner auprès du roi, et lui fit cette demande : « Je veux que, tout de suite, tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste. »
26 Le roi fut vivement contrarié ; mais à cause du serment et des convives, il ne voulut pas lui opposer un refus.
Et c'est la tête de Jean qui va faire les frais de la promesse. La demoiselle ne veut pas attendre, pour ne pas contrarier sa mère: c'est tout de suite. Il faut bien s'exécuter et exécuter.
27 Aussitôt il envoya un garde avec l’ordre d’apporter la tête de Jean. Le garde s’en alla décapiter Jean dans la prison.
28 Il apporta la tête sur un plat, la donna à la jeune fille, et la jeune fille la donna à sa mère.
Et voila comment Jean perdit sa tête, comment sa tête fut donnée à la demoiselle qui s'en débarrasse illico en la donnant à sa mère qui va peut-être la faire réduire et être remplie de haine et de puissance;
29 Ayant appris cela, les disciples de Jean vinrent prendre son corps et le déposèrent dans un tombeau.
Le corps restant, lui, est déposé dans un tombeau dont on ne sait rien. Pour Jésus on saura. Mais les disciples, que deviennent -ils?
Hérodiade raconte
Je pensais être arrivée à mes fins. Je m'étais arrangée pour qu'Hérode me prenne avec lui. Philippe ne m'intéressait pas, il n'avait aucune ambition et le territoire que lequel il avait autorité était trop loin du pouvoir. Avec Hérode c'était différent, il allait à Jérusalem, il était en lien avec le gouverneur Pilate, et il pouvait espérer beaucoup. Mais voilà, il a fallu que ce prophète se mette à vitupérer contre lui, et à lui dire qu'il n'avait pas le droit de me prendre pour femme.
Cela contrariait beaucoup Hérode. Et moi aussi. Je suis arrivée à le pousser à ce qu'il le mette en prison, loin de ses disciples, loin de tout. Ainsi il ne pourrait plus vitupérer contre nous. Bien sûr il avait quand même des visites, mais mes espions veillaient.
Moi, j'aurais voulu qu'il disparaisse purement et simplement; mais Hérode n'osait pas. Ce Jean, tout le monde le prend pour un prophète, une sorte de résurrection du prophète Élie. Comme lui, il porte un manteau en poils de chameau; comme lui, enfin à certains moments de sa vie, il a vécu dans des lieux inhospitaliers. Mais heureusement il n'a jamais fait descendre le feu du ciel sur qui que ce soit, ni provoquer une famine; mais je dois dire que je peux comprendre la rage de la reine Jézabel contre cet homme, car je ressens la même haine.
Un peu de temps a passé. Jean était toujours bien vivant dans sa prison. Parfois Hérode l'en faisait sortir pour parler avec lui, et je me rendais compte qu'il en avait peur, peur de ses pouvoirs. Moi, j'avais peur de son influence. Et j'ai eu une idée que je trouve brillante - je suis quelqu'un de brillant. L'anniversaire d'Hérode approchait, et je savais qu'il donnerait une grande fête pour tous les dignitaires. Hélas, je n'avais pas le droit s'y participer.
Alors j'ai demandé à ma fille, qui, elle, pouvait aller à ce festin, de danser pour Hérode. Et Je sais que quand il est un peu ivre, il est incapable de résister aux mouvements de séduction d'une jolie fille et qu'il lui voudra lui faire un cadeau. Et ce cadeau, ce sera la tête de Jean, mais cela, Salomé ne le sait pas: elle aurait pu refuser.
Et le grand soir de ma victoire est arrivé. Salomé, quand elle est entrée, a fait tourner la tête de tous ces hommes. Hérode ne se lassait pas de la regarder; et, comme je m'y étais attendue, il lui a promis de lui donner tout ce qu'elle demanderait, fusse même la moitié de son royaume. Naturellement elle est venue me demander ce qu'elle devait demander. Là, je sais qu'elle n'a pas aimé du tout ma réponse, car je voulais qu'elle demande la tête de Jean, et qu'on la lui apporte immédiatement sur un plat. Mais elle m'a obéi, comme elle le fait toujours.
Jean a été décapité dans sa prison, car Hérode ne pouvait se dédire de la parole donnée, même si c'est la parole d'un ivrogne. Et elle a eu la tête sur un plat, et elle me l'a apportée. Mais elle était dans un drôle d'état ma fille. Pourtant si elle veut être reine il faut bien qu'elle s'habitue au sang.
Et cette tête, je la regarde, et je jubile. Il ne pourra pas reprendre vie, puisque la tête et le corps sont séparés, et cette tête je vais la faire momifier, et elle fera comprendre qu'on ne se moque pas de la reine.
J'ai su que les disciples sont venus prendre le corps. Grand bien leur en fasse, mais la tête ils ne l'auront pas. Il parait qu'il y a un homme qui prend beaucoup d'ascendant sur les foules, mais il n'a pas la violence de Jean. Il n'a pas intérêt à prendre la suite de ce baptiseur, car il aura le même sort. Je suis la reine et personne ne pourra m'enlever mon titre.
Hérode raconte
Il y a un nouveau prophète en Galilée. Comme pour Jean, des foules semblent le suivre, mais lui il ne baptise pas. Il fait plein de miracles. Je me demande si ce n'est pas Jean qui revient dans cet homme, pour me persécuter.
Jean, ma femme Hérodiade, voulait sa tête; et elle l'a eue par ruse, et ça je ne le lui pardonnerai jamais. Elle le détestait car il clamait haut et fort que je n'avais pas le droit de l'avoir comme femme, puisqu'elle était la femme de mon frère Philippe.
Je sais que le prophète avait raison, mais Hérodiade me plaisait et c'est une femme intelligente, qui voulait aussi être reine d'un vrai royaume. Parfois elle me fait penser à ces reines qui certes ont mal fini, mais qui étaient des femmes de pouvoir, comme Jézabel ou Athalie.
Alors, lors d'un festin que je donnais pour mon anniversaire, alors que j'avais - hélas - beaucoup bu, elle a demandé à sa fille de danser pour nous. Et moi, en voyant cette jeune fille danser, montrer son corps, nous charmer, je me suis engagé par serment à lui donner tout ce qu'elle me demanderait, même la moitié de mon royaume, ce qui est fou, parce que mon royaume hélas il me vient des conquérants, des Romains.
Je pensais qu'elle me demanderait un bijou ou de nouveaux esclaves. Mais non. Elle est allée voir sa mère qui a demandé la tête de Jean. Et tout de suite.
Cela m'a dégrisé, et j'étais fou de rage, mais je ne pouvais pas me dédire devant tous les hommes qui étaient là.
J'ai envoyé un garde dans sa prison, avec ordre de lui trancher la tête et de la ramener ici sur un plat. Un garde, ça me doit obéissance. Et il l'a fait. Ce qui s'est passé dans la prison, je n'en n'ai pas idée. Peut-être qu'il l'a poignardé avant de lui trancher la tête, mais la tête a été apportée. La jeune fille Salomé a changé de couleur, j'ai cru qu'elle allait se trouver mal. Elle a pris la tête, et l'a donnée à sa mère.
Qu'en a-t-elle fait? Je ne le sais pas, mais moi, j'ai peur d'elle maintenant, peur qu'elle ne m'empoisonne pour avoir le pouvoir.
Quant à ce Jésus, je l'aurai à l'œil. Ne dit-on pas que certains pensent qu'il est le Messie? Alors lui aussi risque de la perdre sa tête.
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