samedi, décembre 27, 2008

Moi Paul de Tarse.


Il s'agit d'une intervention que j'ai faite dans le cadre de l'année Saint Paul, pour ma paroisse.

Comme il s'agit d'un texte assez long, il m'a paru plus simple de le proposer en téléchargement: http://www.plestang.com/docs/moi-paul-de-tarse.doc

Il est tout à fait possible de sauter l'introduction pour aller directement au "corps du texte" après le plan. .

mercredi, décembre 17, 2008

Du lâcher prise au pardon.


Du lâcher prise au pardon.

On dit très souvent dans les milieux chrétiens que même si on a été victime d’abus qui ont provoqué des blessures très graves, il faudrait (je mets exprès au conditionnel ) pardonner à la personne qui a le rôle d’agresseur ou de persécuteur.

Que cela s’appuie sur une réalité psychologique : pardonner permet un allègement de la culpabilité (on devient le tout bon après avoir été le tout mauvais), je n’irai pas à l’encontre d’une telle affirmation, mais comment oublier ce qui vous a été fait, comment oublier la souffrance, la douleur ? La mémoire peut-elle se nettoyer comme celle d’un disque dur ?

Que pour les chrétiens cela s’appuie sur un certain nombre de phrases évangéliques et en particulier sur la dernière phrase de la prière enseignée par Jésus : "pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés", c’est évident. Seulement sur la croix Jésus n’a pas dit qu’il pardonnait à ses bourreaux, mais Père pardonne leur, parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. Ce qui revient à dire que le pardon appartient à Dieu et que Lui seul peut pardonner. C’est d’ailleurs ce qui est rétorqué à Jésus quand il remet les péchés du paralytique (Mc2, 5). Mais remettre est-ce pardonner ? Remettre une dette ce peut être annuler la dette ou différer le remboursement.

En d’autres termes le pardon n’est pas une chose que l’on peut faire tout seul, et un être humain doté d’une mémoire n’est pas fait pour oublier facilement les sévices qu’on lui a fait subir.

Et pourtant le pardon est possible, mais c’est ce qui clôt un chemin et non ce qui l’ouvre. Je veux dire qu’il y a d’abord un long travail de deuil, qui permet de déboucher sur le « lâcher prise » puis sur la compassion et enfin sur le pardon .

Le deuil.

Il est nécessaire dans un premier temps (qui peut être très long) d’accepter de regarder la personne qui vous a fait du mal comme quelqu’un dont il faut se séparer car elle est toxique . Or ceci est très difficile. Il s’agit de faire le deuil de quelqu’un de vivant, de quelqu’un qui bien souvent a été quelqu’un de très important pour vous. Il faut en faire son deuil.

Les travaux d’Elisabeth Kübler-Ross qui portent sur le deuil montrent qu’il y a un certain nombre de phases qui sont indispensables. Or pour quelqu’un qui a été confronté par exemple à un abus psychologique, il lui faut sortir de du déni (car il n’est pas permis de dire que cette personne a été mauvaise), arriver ensuite à exprimer sa colère, or exprimer de la colère est très dangereux, car toute colère qui renvoie à une critique, est elle aussi interdite et de ce fait elle est bien souvent transformée en tristesse qui est une sorte de sentiment racket, car la tristesse, elle est socialement admise. Ensuite vient une phase de dépression, car il faut bien reconnaître la perte puis enfin l’acceptation.

Ce processus est déjà un processus qui prend du temps et qui demande un accompagnement.

De mon point de vue, ce travail va permettre d’accéder au lâcher prise qui n’est pas le pardon, loin de là.
Il s’est noué avec la personne abusive des liens extrêmement forts; même s’il n’y a plus de contacts avec cette personne, elle est tellement présente encore dans le psychisme qu’elle demeure vivante, parfois elle se manifeste sous la forme d’une petite voix critique, pleine de reproches. Cette voix il est nécessaire de décider de ne plus vouloir l’entendre.

Le Lâcher Prise.

Jacques Salomé décrit la relation comme une écharpe dont chaque personne tient un bout. L’image de l’écharpe est quelque chose d’assez léger. Mais quand il y a eu une relation toxique avec quelqu’un de son entourage, ce n’est pas une écharpe, mais un véritable câble, et il faut couper les filins qui le composent.

Quand on reconnaît que le fait de couper ces liens est une très bonne chose pour soi, qu’elle est tout bénéfice, car on ne sera plus bloqué par un poids qu’on n’a pas demandé à porter, alors le lâcher prise devient possible. Il faut quelque part arrêter d’espérer que l’on pourra changer la personne qui vous a fait du mal et que consacrer une partie de son énergie à cela, ne sert à rien, si ce n’est à aller de désillusion en désillusion, ce qui empêche justement de se détacher.

C’est une démarche qui peut sembler égoïste, mais qui est vitale. Il faut peut-être pour qu’elle soit possible avoir récupéré une image de soi de bonne qualité, d’où l’importance de l’accompagnement.

Pour ma part quand je me trouve en train de remâcher quelque chose avec quelqu’un qui m’a fait du mal, je m’oblige à me voir avec une paire de pinces coupantes pour sectionner le lien. Et je refais cela autant de fois qu’il est nécessaire, jusqu’à que je ressente en moi une sensation de légèreté, de libération, car il s’agit bien de libération. On est très doué pour se mettre sur les épaules des choses qui n’ont pas y êtLre. Et comme on n’arrive à rien, on se sent coupable ce qui renforce le lien comme dans un cercle sans fin.

Je sais que certains thérapeutes utilisent des symboles pour manifester cette libération. Une image que j’aime beaucoup est celle du ballon rempli d’air ou d’hélium. Moi je tiens la ficelle qui va au ballon, et ce ballon d’une certaine manière, je le retiens prisonnier. Si je lâche la ficelle, je n’ai plus besoin d’utiliser ma force pour quelque chose qui ne sert à rien, donc tout bénéfice pour moi, mais surtout je laisse l’autre d’aller sur le chemin qui est le sien et je crois que cela est important quand on en veut à quelqu’un qui est décédé. Peut-être a-t-il un chemin à vivre dans l’au-delà et qui suis-je pour l’alourdir, le bloquer avec ma rancune, ma rancœur, ma colère.

Je ne dis pas que cette démarche est facile, elle devient possible au bout d’un certain temps et je pense que pour les chrétiens l’aide de l’Esprit saint est une grande force.

La Compassion.

Quand cette étape est franchie, et comme je l’ai dit, elle donne une extraordinaire sensation de plénitude, de joie et de paix (quelque chose est enfin derrière et ne viendra plus jamais menacer), on peut regarder la personne qui vous a persécuté autrement et peut-être même avoir de la compassion pour elle. Si elle a fait cela c’est qu’elle même avait du subir des choses difficiles, seulement elle n’était pas obligée de les faire vivre aux autres. La compassion pour moi, c’est aussi souhaiter que la personne un jour se rende compte de ce qu’elle a subi et de ce qu’elle a commis et qu’elle puisse changer, mais cela n’est pas de mon ressort, car je ne la « porte » plus. Et il est aussi possible d’élargir cette compassion à toutes les personnes qui comme elles sont devenues mauvaises parce que la vie a été trop dure avec elles, et à toutes les personnes qui ont été victimes.
Mais ceci n’est pas le pardon. Cela permet de revivre, d’être heureux, de ne plus se sentir responsable ni coupable de ce qu’on n’a pas su faire pour réparer l’autre, mais pardonner c’est autre chose : ce serait faire comme si ce qui a été fait pouvait être comme gommé, annulé, et cela nous les humains nous ne sommes pas capables de le faire.

Le Pardon.

Il y a un terme que les chrétiens utilisent beaucoup pour parler de Dieu, c’est le mot de miséricorde (le cœur de Dieu serait touché par la misère de l’homme). C’est un mot avec lequel j’ai eu pour ma part beaucoup de mal, car d’une certaine manière il me rabaissait, je le ressentais avec une note de condescendance. Et puis il est arrivé que ce mot se transforme pour moi et il est devenu « torrent d’amour ».

Le torrent d’amour que Dieu peut déverser est tellement puissant qu’il peut d’un coup enlever toutes les scories, toutes les grisailles. Il ne reste plus rien sauf cet amour qui est là et qui reste et demeure dans son cœur. Cet amour là est capable d’effacer la faute.

Quand j’ai fait cette expérience, car pour moi il s’agit d’une expérience, j’ai vraiment compris que lors du sacrement de réconciliation c’était de cela dont il s’agissait, que Dieu lui pouvait effacer de sa mémoire (pardon pour l’anthropomorphisme), le souvenir de ce qui avait été « pas assez bien » ou même « mauvais »." Vos péchés seraient ils rouges comme l'écarlate" ils deviendront blancs comme neige" fait dire Isaïe au Seigneur et le Père du fils prodigue oublie tout quand il aperçoit son fils amaigri mais vivant.

Et parce que moi j’avais vécu cette expérience là, je pouvais pardonner ou plus exactement laisser le torrent d’amour qui était en moi aller vers l’autre, pour qu’il soit lui aussi comblé. En d’autres termes je peux désirer donner à celui qui m’a fait du mal le meilleur que je connaisse, pour qu’il arrive à la vie.

Et ceci est extrêmement différent du lâcher prise qui ,je le croyais jusqu’il y a peu de temps, était tout ce dont j’étais capable.

Mais si pour moi qui n’ai pas vécu d’abus, il m’a fallu tout ce temps pour entrer dans cette joie, je maintiens que demander à des personnes abusées, blessées au plus profond d’elles-mêmes, je pourrais dire mutilées, de pardonner comme tout préalable à une reconstruction psychique est un non sens, sauf bien sûr, si l’Esprit Saint se manifeste, ce qui est toujours possible.