jeudi, février 10, 2011

"Responsabilité" première partie

Responsabilité et relation: « Cherchez moi le responsable »


J'entends si souvent dire dans ma pratique professionnelle: " je ne peux pas faire telle ou telle chose parce que je suis responsable d’elle (ou de lui), ou bien encore: implicitement je me suis engagé à " que j’ai eu envie de réfléchir sur cette notion de responsabilité. 


Car dès que l’on emploie cette phrase, on y accroche celle dite par le Petit Prince : « je suis responsable de ma rose ». Etre responsable oui, mais si être responsable veut dire que cela m’empêche de vivre, ne faut il pas se poser des questions ? Se sacrifier oui, mais jusqu’à quel point. On ne parle plus guère du masochisme, mais pourtant cela reste un piège et je ne pense pas que marcher derrière Jésus consiste à mettre sur nos épaules un fardeau dont Il est justement venu nous soulager.


Dans le premier livre de Simone Paccot (l'évangélisation de profondeurs), il est fait mention de personnes qui se sont tellement senties responsables de certains de leurs proches que cela devenait un esclavage. Si Jésus est venu c’est bien pour nous sortir de l’esclavage, pour briser des liens qui sont parfois pathogènes car ils conduisent à la mort (on enchaîne les prisonniers pour qu’ils ne puissent pas se sauver) mais parfois on est tellement habitué à  porter les chaines qu’on ne s’en rend plus compte.


Si le mot responsable apparaît à différentes reprises dans le premier testament, il n’y a qu’une occurrence de ce mot (moteur : http://unbound.biola)  dans le second :Matthieu 27,24 « Voyant alors qu'il n'aboutissait à rien, mais qu'il s'ensuivait plutôt du tumulte, Pilate prit de l'eau et se lava les mains en présence de la foule, en disant : « Je ne suis pas responsable de ce sang ; à vous de voir ! ». En d’autres termes, si un jour sanction il doit y avoir, elle sera pour vous, pas pour moi, ce qui renvoie au « juridique » ce qui est normal pour un procurateur.


Le Larousse donne 5 définitions de ce mot, les deux premières sont  juridiques.  

1-Qui doit rendre compte devant une autorité de ses actes ou des actes de ceux dont il a la charge : Les parents sont responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs. (Ceci se comprend puisqu’un enfant n’a pas les capacités de jugements qui se développeront avec l’âge). 2-Qui est l'auteur ou le coupable de quelque chose, et doit en supporter les conséquences : Être responsable de la mauvaise gestion du service..  Seule la dernière définition 5-Qui est réfléchi, sérieux, qui prend en considération les conséquences de ses actes, renvoie à ce que j’aimerai mettre derrière cette notion. La responsabilité est fort importante, car une personnes jugée irresponsable (malade mentale) ne peut être punie de ses actes..


Dans un billet précédent je parlais de la question posée à Caïn : « Où es ton frère » et de la réponse de ce dernier : « Suis je responsable de mon frère ? » ce qui sous entend : « mon frère je ne suis pas censé savoir ce qu’il fait, c’est un adulte, ce n’est pas mon problème », ce qui est aussi une manière de dire  (ce qui est un peu gonflé puisqu’Abel est mort par ses mains) « Je ne suis pas responsable de mon frère, si tu veux le voir, débrouilles toi pour le trouver ». Cela peut s’appeler un mensonge…Mais tout se passe comme si Caïn refusait d’être le grand frère responsable, voire coupable des frasques su petit. Le lien entre responsabilité et culpabilité est très fort.


Demander à un enfant d’être responsable de ses frères et sœurs (ou de ses parents, que la demande soit explicite ou implicite) est une sorte de non sens, c’est faire peser sur ses épaules un poids qu’il lui est impossible d’assumer car un enfant est un enfant et raisonne comme un enfant. Peut être que Dieu en donnant l’interdit de ne pas manger de l’arbre du bon et du mauvais,  a mis sur les épaules d’Adam quelque chose de trop lourd compte tenu de son inexpérience… Je crois qu’il y a des rabbins qui pensent que si Adam n’avait pas mangé prématurément le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (ce qui fait de nous des Dieux) YHWH le lui aurait donné. Adam était il vraiment responsable de son geste?


Une de mes amies quand elle était âgée de 7 ans, devait surveiller son grand père atteint d’un cancer des poumons et l’empêcher de fumer. Comment une petite fille de cet âge là peut elle tenir tête à son grand père et l’empêcher de fumer car en plus elle l’aimait et savait que cela était un plaisir pour lui. Le jour où il a été surpris par sa femme, celle ci a donné une paire de claques à mon amie et lui a dit que si son grand père mourait pendant la nuit, ce serait de sa faute. Je vous laisse imaginer la nuit qu’elle a passée. Heureusement le grand père n’est pas mort cette nuit là.


Pour en revenir au premier Testament et en regardant (exprès) avec le petit bout de la lorgnette) que lit-on ? On y lit qu’un humain a été crée à l’image et à la ressemblance de Dieu (mais oui et ce n’est pas rien)  de ce Dieu qui crée le bonheur et le malheur (Isaïe 45) et qui a crée son propre malheur en coupant ou en ne coupant la relation avec Dieu.


Tout ce qui arrive de négatif (que ce soit les 40 ans dans le désert, l’exil, l’occupation grecque ou romain) doit être compris comme lié à la responsabilité soit individuelle soit collective de ce peuple choisi.


Or spontanément la responsabilité on aime bien la renvoyer sur une autre. Qui d’entre nous, n’a pas entendu cette phrase : « cherchez moi le responsable » qui ouvre les différents clips publicitaires d’une certaine compagnie d’Assurances. Il n’est pas toujours facile de trouver un équilibre entre : je suis responsable (en grande partie) des choix ou actes que je pose et c’est de la faute de l’autre si je suis aujourd’hui dans lune situation impossible. Le « qu’est ce que j’ai fait au bon dieu pour mériter cela » est une phrase automatique quand nous sommes dans le malheur. Le responsable c’est Lui et c’est après lui qui nous sommes fâchés, parce que parfois c’est plus facile de faire porter le chapeau à un autre que de reconnaître qu’une certaine passivité peut être aussi responsable d’un certain mauvais. Spontanément aussi quand quelqu’un que nous n’aimons pas souffre dans sa vie, il est bien difficile d’échapper à la réflexion : bien fait pour lui ! D’accord on s’en mord la langue après, n’empêche que..


Etre  « le » responsable quelle charge ! C’est avoir La solution et de fait le dernier mot. Mais c’est aussi être passible de punition en cas d ‘échec. Nous savons que dire à quelqu’un « je vous tiens pour responsable » signifie « si quelque chose arrive, ce sera de votre faute, pas de la mienne et je pourrais pour accuser voire vous traîner en justice et vous me le payerez ».

Quand Antoine de Saint Exupéry fait dire au Petit prince : « Je suis responsable de ce que j’ai apprivoisé, je suis responsable de ma rose », je me demande s’il est possible d’être responsable de quelqu’un (je ne parle pas des enfants dont nous sommes et parents et tuteurs –au sens fort-) mais de ceux qui nous rencontrons au fil des jours et des années,  et avec lesquels sous prétexte de responsabilité, nous nouons des liens qui nous donnent de l’importance, du poids, mais qui peuvent être mortifères. Nous nous attachons à l’autre pour l’aider, mais est de cela dont il a besoin ? Peut être pendant un certain temps, mais il faut bien qu’une cordée se défasse quand elle a atteint son sommet.


C’est bien à cause de cette « responsabilité » (et s’il lui arrivait quelque chose pendant mon absence)  que le Petit Prince choisit de mourir pour regagner sa planète. La morale heureuse est que cela a réussi, mais qu’en savons nous ? Le corps débarrassé de son poids a peut être dérivé ailleurs…


Etre responsable d’une certaine manière cela donne une assise, cela donne du poids, ce qui permet de comprendre pourquoi dans une fratrie les aînés sont parfois ravis en prenant la place des parents de faire payer aux petits leur existence… Mais il me semble que si nous avons à être en relation avec nos « frères » nous n’avons pas à nous « charger » d’eux, car il n’y a qu’un seul Berger, même si parfois nous le trouvons un peu gonflé de laisser le troupeau pour aller s’occuper d’une brebis qui n’en a fait qu’à sa tête et qui est tombée dans un creux de rocher.

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