Réflexions sur Thomas surnommé le "jumeau"(1).
Il est quand même étonnant que le même Thomas qui a pu dire lors de la mort de Lazare « Allons, nous aussi pour mourir avec lui »Jn 11, 16 soit devenu pour nous le modèle de l’incrédulité… « Ne sois pas incrédule mais croyant »Jn20, 27… Enfin grâce à lui, nous avons une béatitude qui nous concerne tous : « Heureux
sommes nous de croire alors que nous n’avons pas vu ».
Mais ce qui est raconté dans le chapitre 20 de l’évangile de Jean et que nous entendrons ce dimanche (dimanche de la miséricorde) m’a donné l’envie de raconter un peu « autrement » cet épisode où je ne suis pas sûre de trouver Jésus très miséricordieux avec Thomas celui que l’on surnomme le jumeau, ce qui en soit pose d’emblée une question d’identité. Qui est –il ce Thomas. Est il notre jumeau avec son incrédulité ?
Le soir du vendredi, après la mort de Jésus, les apôtres se demandent ce qui va leur arriver: vont ils être poursuivis, emprisonnés ? Ils sont galiléens dont avec leur accent ils sont reconnaissables. Seulement voilà, quitter Jérusalem c’est impossible puisque le Shabbat de la Pâque est là. Et un jour de Shabbat on n’a pas le droit de faire plus de 2000 pas, alors rentrer à Capharnaüm pour se mettre à l’abri ce n’est pas possible. Et puis il faudrait peut-être si les choses se tassent faire de vrais funérailles au Maître. Il faut bien trouver un lieu en attendant, survivre et se serrer les coudes.
Traditionnellement on imagine que le lieu où vivent les apôtres après la mort de Jésus est le Cénacle, la salle du dernier repas, la salle de la Pentecôte, mais il me semble que c’est une hypothèse. J’imaginerai bien une salle avec peu de fenêtres, une salle un peu comme une cave, pas une chambre haute.
Passe le samedi, arrive le dimanche. Là il y a des nouvelles : Marie-Madeleine prévient Jean et Pierre qu’Il a disparu. Ces deux là sont allés au tombeau, ont vu la pierre roulée, les linges pliés. Jean « voit et croit » mais on ne nous dit pas ce qu’il croit. On nous dit juste que « ils ne savaient pas encore que d’après l’écriture il devait ressusciter d’entre les morts » et pourtant ces deux là, avaient assisté à la transfiguration. On nous dit qu’ils s’en retournent chez eux. Et là se repose la même question, où est ce chez eux ?
Ce que nous savons c’est que le dimanche soir, dans ce lieu que l’on assimile souvent à la pièce où a été célébrée la Pâque, mais nous n’en savons rien, les apôtres sont enfermés. On pourrait même dire que eux sont dans la tombe. La pièce est verrouillée (alors que la pierre a été roulée) il fait nuit, ils sont dans l’obscurité de la foi, car il ne semble pas que les allégations des femmes leur aient ouvert les yeux. Ils sont enfermés dans cette pièce et en eux-mêmes. Si Jésus est sorti du tombeau, eux ils y sont bien enfermés.
Peut-être que la faim se faisant sentir, Thomas sort pour acheter ce qu’il faut et peut être aussi pour « humer » l’air du dehors, voir si les choses se sont calmées, s’il sera possible de quitter Jérusalem, de rentrer chez soi. Et Thomas sort dans la nuit, à pas de loups et les autres ferment bien la porte derrière lui et peut-être même lui donnent ils un mot de passe pour quand il rentrera. Et les voilà à attendre le retour de Thomas.
Mais ce n’est pas Thomas qui revient, c’est brutalement Jésus qui se trouve au milieu d’eux. Il est le centre, il est au centre, il est le personnage central, un peu comme lorsque la femme adultère est mise « au milieu » bien en vue par les pharisiens (Jn8,3). Jésus est entré dans leur tombeau. Il leur donne sa Paix, Mais on dirait que ce n’est pas suffisant, que sa voix ne provoque pas grand chose en eux (un peu comme avec Marie- Madeleine qui dans un premier temps ne reconnaît pas la voix de Jésus quand elle le prend pour le jardinier).
Alors Il montre ses mains et son côté et là enfin il se passe quelque chose, ils ne doutent pas de leur vision, ils sont remplis de joie, ils sont sortis de leur tombe. Jésus leur donne l’Esprit Saint et la capacité de remettre en amitié (réconcilier) avec son Père ceux qui le veulent (il ne s’agit plus de chasser les démons ou du guérir mais de remettre les péchés ce que Jésus avait fait avec le paralytique (Lc 5, 20) et d’étendre ce qui avait été donné à Pierre seul (Mt 16,16). Jésus leur donne ce pourquoi Il a donné sa vie, il fait d’eux des vivants.
Mais quand Thomas rentre avec peut-être la peur au ventre, pourquoi les croirait-il ? Comment un homme peut il rentrer dans une pièce hermétiquement close ? Cela fait penser à ces romans policiers où un crime est commis alors que la pièce est verrouillée de l’intérieur, les fenêtres fermées. Bien sûr ils ont vu ses mains et son côté, mais ils n’ont pas touché.. Et si c’était une illusion ? Si leur peur avait vraiment disparu, auraient ils eu besoin de continuer à verrouiller la porte ? Alors Thomas va avoir une réaction « saine » normale. Il a vu Jésus sur la croix, il a vu ce qu’a fait le centurion en perçant son côté, alors il va dire une phrase curieuse si on l’analyse : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ». Non seulement il veut voir, mais il veut toucher, comme s’il ne se fiait pas à ce qu’il aurait vu. Peut-être que en disant cela Thomas ne nie pas que « quelque chose se soit passé » mais comment savoir si ce quelqu’un est bien Jésus. Après tout si Marie Madeleine le prend pour un jardinier c’est que les plaies ne sont visibles. Lui il veut être sûr que ce n’est pas une imposture et lui n’a pas reçu l’Esprit qui permet le discernement, doute, ne fait pas confiance et en cela il est bien comme nous.
Et 8 jours passent. Les apôtres auraient peut-être pu quitter Jérusalem, entre deux shabbat on peut abattre des kilomètres, mais dans cet évangile, ils restant enfermés, verrouillés dans leur tombeau (2). Ils n’osent pas parler de ce Jésus qui leur est apparu, ils restent dans la mort. Et voilà que Jésus à nouveau est là, là au milieu d’eux.
Pouvons nous imaginer la tête de Thomas lorsque Jésus cite pratiquement mot pour mot ce que lui Thomas a dit dans le secret de cette pièce en insistant sur les gestes : » Porte ton doigt ici, voici mes mains. Avance ta main et mets là dans mon côté, et ne sois plus incrédule mais croyant ».
Pouvons nous imaginer la tête de Thomas lorsque Jésus cite pratiquement mot pour mot ce que lui Thomas a dit dans le secret de cette pièce en insistant sur les gestes : » Porte ton doigt ici, voici mes mains. Avance ta main et mets là dans mon côté, et ne sois plus incrédule mais croyant ».
Il m'est possible d'imaginer la stupeur de Thomas, voire même sa peur: comment a t Il pu savoir, comment a t Il pu entendre ce que j’ai dit il y a 8 jours,
Comment l’absent a t il pu rester présent, invisible pour les yeux? Qui est-Il, Qui est-Il devenu ? Ceci a certainement dû provoquer un changement total en Thomas (comme plus tard pour Paul sur la route de Damas), une ouverture des yeux et du cœur et qu’il n’a pas besoin de toucher pour croire.
Dans le psaume 139 il est écrit : « La parole n’est pas encore sur ma langue et voici Seigneur, tu la sais toute entière »… Alors si Thomas peut dire: « Mon Seigneur et mon Dieu » c’est peut-être parce que il a compris dans sa chair que ce que Jésus disait avant sa mort : « Qui m’a vu a vu le Père » était là, arrivé pour lui. Et Thomas qui au soir du jeudi Saint disait ne pas connaître le chemin qui mène au Père a trouvé ce soir là ce que serait son chemin: annoncer la bonne nouvelle de la résurrection bien loin de Jérusalem.
(1) http://giboulee.blogspot.com/2006/05/thomas-dont-le-nom-signifie-le-jumeau.html
(2)Il faut dire que suivant les évangélistes il faut soit aller en Galilée, soit rester à Jérusalem.
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