La médication ecclésiale : le jeûne, la prière et le
partage
Le jeûne serait, pour moi, accepter de se priver de quelque chose pour faire plus de place à la
présence de Dieu. Le jeûne, surtout de nos jours, a une connotation de
purification. Il s’agit finalement de se désintoxiquer, de faire sortir
de soi - par des privations - des idées ou addictions qui ne sont pas bonnes, parce
qu’elles font de nous des dieux. La privation nous ramène en principe à la
dépendance (si j'ai faim, je suis un pauvre qui attend le bon plaisir de celui qui a le pouvoir de combler le besoin) et ça on n’aime pas trop. Je pense que peut-être le but du jeûne est de passer du besoin que du coup on crée volontairement, du moins dans notre pays, au désir de la présence de celui qui peut donner, et cela c'est différent. Le côté "souffrance" lié à la privation fait
que j’ai du mal à concevoir cela comme un bon médicament. Par contre exercer sa
volonté, cela a toujours du bon, à condition de ne pas faire pour faire. Faire
de la place à Dieu, c’est certainement un bon médicament. Comment se désintoxiquer de ce qui nous
pollue ? Encore faut-il l’identifier. C'est là où l’Esprit saint est
un allié de taille. Le jeûne, c’est quelque chose qui se passe au niveau du
corps, au niveau de soi. En fait ce que je veux dire, c’est que le médicament
en soi, sans autre chose avec pour le faire passer (l’eau vive), ne sert pas à
grand chose..
La prière, bon, cela me paraît normal, parce que c’est se mettre en position à la fois d’écoute et de
demande, voire d’intercession. Mais là encore, prier pour prier… Non. Prier
c’est se donner du temps, c’est donner du temps au temps sans se décourager,
c’est… Mais pour chacun c’est différent. Mais si c’est pour pleurer sur son
péché, sur sa faiblesse, je ne sais pas. Pour moi, le temps de la prière c’est
un temps où on se laisse modeler, façonner, travailler par Dieu. Cela ne veut
pas dire que l’on sente quelque chose, mais c’est du temps pour que l’Autre
soit Là, même si on ne le sent pas.
Le partage, ce
n’est finalement pas si simple. Mais partager c’est peut-être créer du
« frère » et ça c’est important. Et plus on crée du frère et plus
Dieu est présent; et s’il est présent il peut guérir, parce que nous ne pouvons
pas nous guérir tout seul.
Alors ces trois médicaments
peuvent-ils guérir ? La réponse serait oui, à condition de les utiliser avec
la présence d’un « autre en soi »,
de le laisser travailler par cet autre, de lui laisser sa place pour que la guérison du terrain se fasse petit
à petit et je pense que c’est là où les sacrements, vus comme source, sont
nécessaires. Je ne pense pas que "faire" permette de guérir.
Maintenant, cette maladie, d’où
vient-elle? Il y a des maladies dont on peut guérir, mais on ne retrouve
jamais l’état dans lequel on était avant. Et il faut faire avec. Curieusement,
je pense que lorsque l’on dit que Dieu pardonne (fait miséricorde puisque c’est
le mot à la mode), il est comme un père qui dit, à son fils ou à sa fille, qu’il
ne lui tient pas rigueur de la stupidité qu’il vient de faire, mais qui ne lui
donne pas forcément le moyen de ne pas récidiver. Et je crois que la maladie
dont nous avons tellement de mal à guérir, c’est bien cela : ne pas
recommencer. C’est là où pour moi le sacrement est fondamental parce qu’il
nettoie en profondeur, il est cet esprit qui redresse ce qui est courbé, qui
reforme ce qui était déformé justement par la maladie.
Dans la Genèse, le mot péché est
introduit quand Caïn est furieux contre son frère et se rend peut-être compte
que contrairement à ce qu’il imaginait, être l’aîné ne fait pas de lui le
préféré du Seigneur. Le péché est décrit alors comme une espèce d’animal, qui
essaie d’entrer dans le cœur de l’humain et de le pousser à écouter la violence
qui est en lui; et qui le pousse à détruire tout ce qui s’oppose à ce qu’il
estime être son droit ou son bon plaisir. La violence, si on admet que l’homme a
une longue histoire derrière lui, est inhérente à ce qu’il est, mais l’humanisation
consiste justement à ne pas se laisser dominer par l’animal qui est en chacun
de nous, pour accéder au divin qui ne demande qu’à se manifester, ou l’humain
avec une majuscule.
Dans le livre de l’Exode, les
commandements donnés au chapitre 20 montrent les domaines où le risque est
élevé. Le péché est alors montré comme une transgression aux commandements
divins et le péché contre l’autre devient péché contre Dieu. Et dans la
confession, telle qu’elle existe aujourd’hui, il s’agit plus de se reconnaître
pécheur contre Dieu que pécheur contre son frère, ce qui me gêne
considérablement. On dit que quand Dieu pardonne, lui il oublie. Mais moi, même
si je me sais pardonnée, je ne peux pas oublier ce que j’ai pu faire de pas
bien et ce qui m’a fait mal. Alors ce n’est pas simple. Et j’ai du mal avec la
notion de dette, d’argent. La parabole des deux débiteurs, celui qui doit une
somme faramineuse, bien au delà de ce qu’un homme ne peut devoir, ce qui laisse
à penser qu’il ne s’agit pas d’un homme, mais d’une nation entière, et qui
réclame ensuite son dû à un autre, finalement ne me parle pas si on reste dans
l’individuel. Si Dieu pardonne à son peuple (en envoyant son Fils), et si celui
qui est restauré attaque un frère qui lui a fait du mal, qui ne rend pas à
Dieu tout le bien que celui-ci lui a fait, alors peut-être que ça a un sens.
Maintenant l’expérience que je
fais de ce sacrement, c’est une expérience de vie. C’est le lieu où l’Esprit
Saint vient en moi pour enlever toutes les pollutions de la vie (et Dieu sait
que la vie ça pollue), qui vient me désembouer comme on enlève la boue des
radiateurs, qui vient irriguer la terre sèche que je suis et qui vient me
redonner la vie. Mais je crois aussi que si on prend le temps de l’écouter,
Dieu souvent permet de guérir du mal subi (je ne parle là que de ce qui est
banal). On se sent tellement vite propriétaire de l’autre, que parfois la
coupure est la seule solution (cela émonde, mais cela fait croitre).
Pour conclure ces réflexions, je
dirai que le péché c’est la nature de l’homme, parce que notre histoire, notre
hérédité est comme cela. Je refuse de croire en un Dieu qui serait tellement
écœuré par l’homme qu’il le détruirait, mais je crois en un Dieu qui donne à
l’homme le ou les moyens de devenir un
humain semblable à Lui, c’est à dire capable d’aimer; aimer non pas pour
être aimé en retour, mais aimer pour donner la croissance et l’être, un amour
de fécondité. C’est le travail de toute une vie et peut-être même de ce
qui se passe dans l’Au-delà.
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