En lisant le début de livre, l'épisode du buisson ardent, j'ai eu l'impression que si Moïse se voilait le visage pour ne pas "offenser" Dieu, en fait il pouvait s'agir d'autre chose: ne pas voir en espérant ne pas être vu. Si l'on regarde ce que les textes nous disent de Moïse, tant avant cette rencontre qu'après, ils ne nous décrivent pas un héros, mais quelqu'un qui ne brille pas son courage, tout prince qu'il soit.
Je me suis alors demandée quel travail s'était fait en cet homme pour passer d'un visage qui se voile devant Dieu à un visage qui reflète la gloire de Dieu et qui doit être voilé pour ne pas faire peur à ceux qui le regardent. Visage de peur, Visage de Gloire, Visage de transcendance. Au fur et à mesure que se raconte l'histoire, on assiste à un changement chez Moïse.
J'ai pensé que les 10 plaies pouvaient être mises en relation avec les 10 paroles créatrices du livre de la Genèse, car les plaies "dé-créent" ce qui a été créé, mais aussi être mises en relation avec les 10 paroles des commandements, qui donnent la vie.
Comme le livre de la Genèse, ce livre de l'Exode est aussi un livre de naissance, naissance d'un peuple qui a bien du mal à entamer ce départ, qui pleure après le passé, qui récrimine, et qui apprend aussi que le doute est source d'ennui.
J'ai noté aussi que l'épreuve vécue par le peuple qui vit en Egypte n'est jamais attribuée à un péché. C'est juste un fait. Et c'est important car on peut être dans la souffrance et dans l'esclavage par le désir fou d'un être imbu de sa toute puissance. Par la suite, quand le peuple connaîtra l'exil, il en attribuera la faute à son péché, et il commencera à faire un lien entre faute (péché) et punition pour les 40 années de vie dans le désert.
Je reviendrai peut-être la-dessus un peu plus tard, avec aussi une réflexion sur le nombre 40 qui est très important, puisque Moïse a deux fois 40 ans quand il commence son oeuvre et qu'il passera deux fois 40 jours en tête à tête avec YHWH.
J'ai eu, dans un premier temps, envie de réécrire les deux premiers chapitres, en me centrant sur les "résistances" de Moïse, résistances dans lesquelles nous pouvons nous reconnaître.
Moïse: la rencontre et le doute. Exode 3 et 4.
Ce jour là, je suis allé loin de chez moi, loin de ma femme
Séphora et de mon fils Gersom, celui qui est né dans une terre étrangère, pour
faire paître le troupeau de mon beau-père Jethro sur le Mont Horeb. Ce n’est
pas qu’il y ait beaucoup de pâturages sur cette montagne, mais les moutons et les
chèvres, ça mange un peu de tout et puis il y a du thym, et avec le soleil,
j’aime les odeurs de cette montagne. Jethro, qui est un prêtre de Madian, dit
que cette montagne est sacrée, mais je ne sais pas pourquoi il raconte cela.
Cela fait bien des années que je suis chez lui, et je ne me
sens plus du tout égyptien; de fait je ne sais plus très bien qui je suis.
Je viens du pays d’Egypte, j’étais le fils adoptif de la sœur de Pharaon, j’ai
été éduqué comme un prince, seulement ma vraie mère et mon vrai père, eux font
partie du peuple des hébreux, ce peuple qui est aujourd’hui la main d’œuvre du
roi et qui est considéré comme un réservoir d’esclaves. Les Egyptiens ont des
dieux nombreux, et Pharaon est lui-même un Dieu donc ses ordres sont des ordres
divins. Les Hébreux eux, ont aussi un Dieu, qui s’est manifesté à nos ancêtres: Abraham, qui est venu de Ur en Chaldée et qui est allé au pays de Canaan,
Isaac son fils, qui a failli être immolé par son propre père, Jacob qui a
eu deux fils et qui est l’ancêtre de Joseph celui qui nous a implanté dans ce
pays depuis 430 ans. De ce Dieu, je ne sais pas grand chose. Je sais qu’il a
tout créé, qu’il vit dans le ciel et qu’il semble bien se détourner de nous, parce
que notre vie est bien dure. Et puis il y a le Dieu de mon beau père, mais Madian est un des fils de notre ancêtre Abraham.
Après m’être enfui d’Egypte, parce que j’avais tué un
gardien qui molestait des hommes de ma race, je ne savais pas que je trouverais refuge chez cet homme qui est finalement de la même race que moi : un
descendant d’Abraham. Il m’a donné une de ses filles, et depuis 40 ans que je
suis chez lui -mais aussi avec lui- parce qu’il me parle beaucoup du Dieu, je suis heureux. Mais je n’ai pas fait
circoncire mon premier né, quoique cela ait été demandé Abraham: je
voulais faire du neuf, du différent, ne pas rentrer dans un moule, moi qui
avais fui l’Egypte.
J’en reviens à ce qui s’est passé ce jour là. Je ne
suis pas quelqu’un de très courageux, je n’ai pas « la langue bien
pendue », et à dire vrai je bégaie et cela depuis toujours. Peut-être que
cela est dû à ce lointain souvenir où ma mère m’a déposée dans une natte en
jonc sur le Nil et où je me suis retrouvé tout seul, tout nu, désemparé,
pleurant et hurlant jusqu’à ce que la fille de Pharaon qui passait par là
m’entende et me sorte de cet abandon. Bref, j’ai la lange lourde.
Je conduisais donc mon petit troupeau et soudain j’ai vu
quelque chose d’étrange. Il y avait un buisson qui semblait être comme une
torche, qui éclairait, mais il n’y avait pas de fumée, et le bois ne se tordait
pas comme se tord le bois qui brûle. C’était étrange. J’avais envie de voir et
en même temps j’avais peur. Alors j’ai fais un détour pour arriver à voir, mais
de pas trop près. Et voilà que j’ai entendu une voix qui m’appelait par mon
nom. D’où connaissait-il mon nom ? J’ai commencé à avoir un peu peur. Puis
il m’a dit d’enlever mes sandales parce que ce lieu était saint. Alors là j’ai
eu encore plus peur, et je n’avais qu’une envie, me sauver. Pourtant j’ai
dit : » me voici », comme si je répondais à un appel qui était
en moi depuis des années. Mais je ne sais pas trop qui a répondu cela. Puis la
voix m’a dit qu’il était le Dieu de mon père, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac,
Dieu de Jacob. La peur était toujours en moi, je dirais une crainte. Je me suis
caché les yeux avec l’espèce d’écharpe que je porte pour me protéger du vent et
du sable. J’espérais attendre un peu, et que cette vision aurait disparu quand
j’aurais enlevé mon écharpe. J’aurai voulu que ça disparaisse et que tout
redevienne paisible comme avant. Mais cela n’est pas arrivé. J’ai bien enlevé
mon écharpe, mais le buisson rayonnait toujours et la voix parlait et disait
que Dieu avait vu la misère de son peuple, qu’il allait le délivrer et le faire
monter dans un pays ruisselant de lait et miel. Le lait et le miel, ça c’est
tout bon, cela veut dire qu’il y a des pâturages, pas comme dans le désert, et
des fleurs qui permettent aux abeilles de butiner. Seulement il a ajouté que ce pays appartenait à un tas d’autres peuples, et là je me suis
dit que c’était peut-être le pays de mon ancêtre Abraham, mais que c’était un
projet fou; pour moi mais peut-être pas pour Dieu.
Et voilà qu’il me dit que je dois aller vers Pharaon pour
obtenir la libération de mon peuple. Alors là, ma peur est revenue. Ma tête a
été mise à prix, et ceux de mon peuple ne me connaissent pas. Alors j’ai dit que
je ne me sentais pas prêt; et j’espérais bien qu’il trouverait quelqu’un
d’autre. Il m’a alors dit que Lui, il serait avec moi et qu’il me donnait un
signe (que je n’ai pas compris) pour me prouver que je n’étais pas fou, que je
n’avais rien inventé. Ce signe serait que ce serait là où je me trouve
aujourd’hui que tout le peuple viendrait le servir. Ça c’était bien beau, mais
pour moi, ça ne voulait rien dire.
Je ne me voyais pas du tout aller vers les fils d’Israël et
leur dire que j’avais entendu leur Dieu me parler. J’étais sûr qu’ils me
prendraient pour un fou, et me demanderaient des preuves. Quant à aller voir
Pharaon, ça c’était impensable, je risquais ma vie.
Alors la voix qui était en moi et qui en même temps sortait
du buisson m’a donné son nom : « Je suis qui je serai ». Drôle
de nom pour un Dieu, et pourtant, cela pouvait dire qu’Il est celui qui est
depuis toujours, mais qu’il est aussi celui que nous les hommes feront advenir,
comme si nous avions un rôle à jouer. Et cela, moi qui fus un prince, cela me
plaisait. Il m’a dit ensuite que je
devais aller voir les fils d’Israël, les réunir, leur dire que le Seigneur ne
voulait plus qu’ils restent en Egypte, puis aller voir Pharaon avec les
anciens, pour lui demander la permission d’aller lui rendre un culte à trois
jours de marche dans le désert. Il a ajouté que Pharaon ne voudrait pas, et
qu’il y aurait un véritable combat entre lui le Seigneur et Pharaon pour que ce
dernier accepte de nous laisser quitter son pays. Curieusement j’avais
l’impression que cet affrontement futur lui plaisait. Peut-être à lui, mais pas
à moi, qui suis un homme paisible. Bref, je ne voulais pas, parce que j’étais
sûr que ça ne marcherait pas.
Alors la voix m’a dit de prendre
le bâton que j’avais dans la main, mon bâton de berger et de le jeter au sol.
Et le bâton est devenu serpent, et j’ai pris la fuite. Le serpent, c’est aussi
un animal sacré chez les Egyptiens. La voix m’a dit d’étendre la main et de le
prendre par la queue, et le serpent est redevenu bâton. Puis il m’a dit de poser ma
main sur ma poitrine, et de l’enlever, et ma main était devenue couverte de
lèpre: l’horreur. Là encore j’ai voulu me sauver. Puis la voix m’a dit de
reposer la main sur ma poitrine et ma main était redevenue normale. Alors je me
suis demandé ce qu’il avait fait à mon corps, à mes mains, pour que de tels
phénomènes se manifestent. C’est un peu comme si je devenais participant de sa
puissance à Lui. Il m’a ensuite donné le pouvoir de transformer l’eau du Nil en
sang. Tout cela c’était étonnant, mais j’avais toujours aussi peur. Il m’a fait
comprendre que non seulement il m’avait donné de sa puissance pour mon corps,
mais que je devais être sa bouche, prononcer ses paroles, mais j’avais toujours
peur et il s’est mis en colère: ça je le sentais bien. Il m’a alors parlé
de mon frère Aaron, ce frère que je n’avais pas vu depuis des années, en disant
qu’il allait arriver, et que désormais ce serait lui qui prendrait la parole
devant le peuple et devant Pharaon, qu’il serait en quelque sorte mon porte
parole. Lui serait la bouche, et le bâton serait le signe de ma puissance.
Alors je me suis mis en route, j’ai pris mes femmes et mes
fils et nous sommes retournés en Egypte. Et la voix qui était en moi continuait à me
dire ce que je devais dire, et c’était terrible.. Je devais dire à Pharaon de
laisser partir Israël, que Dieu considère comme son fils, et que si Pharaon
refusait, alors Dieu tuerait son fils premier-né. Sur le chemin, juste avant de
rencontrer Aaron qui venait à ma rencontre (ce qui me prouvait un peu que tout
cela n’était pas des hallucinations), nous avons passé une nuit d’enfer. Dans
la tente, tout s’est mis à bouger, à tomber. Ma femme a compris d’emblée ce qu’il
fallait faire, n’était-elle pas le fille d’un prêtre descendant d’Abraham ?
Elle a circoncis notre fils, a mis du sang sur mes pieds, en disant que j'étais
pour elle un époux de sang. Je n’ai pas compris, mais mis à part les hurlements
de notre fils, la nuit a été calme.
En arrivant dans le pays de Goshèn, le pays où Joseph nous avait installé et où nous étions devenus un peuple, Aaron a raconté ma rencontre. Nous avons réalisé des signes devant
eux, et ils ont cru en nous et en la parole du Seigneur qui disait avoir
entendu et vu la misère de son peuple.
Mais au plus profond de moi je ne suis pas tranquille. Je sais que Pharaon ne va pas vouloir lâcher une provende humaine aussi importante et aussi rentable; et je sais aussi que le peuple qui vit ici depuis 400 ans, qui a ses habitudes, ses repères, ne pas va quitter cette terre facilement. J’ai bien l’impression que je vais être comme laminé par tout ce qui va se passer. Mais le Seigneur m’a choisi, et maintenant, malgré tout, j’ai confiance en Lui; je ferai ce qu’il commandera, j’essayerai de ne pas douter.
Mais au plus profond de moi je ne suis pas tranquille. Je sais que Pharaon ne va pas vouloir lâcher une provende humaine aussi importante et aussi rentable; et je sais aussi que le peuple qui vit ici depuis 400 ans, qui a ses habitudes, ses repères, ne pas va quitter cette terre facilement. J’ai bien l’impression que je vais être comme laminé par tout ce qui va se passer. Mais le Seigneur m’a choisi, et maintenant, malgré tout, j’ai confiance en Lui; je ferai ce qu’il commandera, j’essayerai de ne pas douter.
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